Pour cette seconde journée, aussi alléchante que la première, du Tyrant Fest, l’occasion était belle de voir en live deux formations françaises excellentes sur disque. GRIFFON (16h – 16h35), prévu dans l’auditorium, petite salle d’une centaine de places, a bénéficié de l’annulation de MERRIMACK pour se produire au Métaphone. En chemise blanche tachée de rouge, visage noirci, devant un backdrop à l’effigie du très réussi « De Republica », les Vincennois offrent une plongée dans les chaos de l’histoire. Leur black metal serti de pierres précieuses (les paroles déclamées sur "L’homme du Tarn", les breaks mélodiques comme sur "L’ost Capétien") offre des passages redoutables – les blasts de "The Ides Of March", la violence du bien nommé "A l’Insurrection" – sans négliger ambiances sombres et sens de l’épique. Les musiciens, dans le sillage d’un Aharon exalté derrière son micro, sous l’impulsion d’une batterie particulièrement vivace, signent une prestation de grande classe. Dommage que GRIFFON soit, semble-t-il, sur le point de s’arrêter, après trois albums en une dizaine d’années d’existence.

Pour voir LUNAR TOMBFIELDS (19h15 – 19h50) nous sacrifions sans regret UADA, déjà vu, jamais séduit. Dans l’intimité d’un Auditorium où rouge et bleu se succèdent, les Nantais jouent leur deuxième album, « An Arrow To The Sun », dans sa quasi-intégralité. Les compositions se font plus âpres, plus froides que sur disque, les atmosphères se dissipent sous une agressivité accrue, sous un groove étonnamment présent. Les longs passages instrumentaux permettent à M. de headbanger avec une énergie comparable à celle qui infuse ses vocaux possédés. Si le chanteur/guitariste et Äzh, le batteur, sont les deux cerveaux du groupe, l’harmonie est totale entre eux et les musiciens, et amis, qui les accompagnent.
Entre les deux formations hexagonales se produisait AFSKY (17h15 – 18h05). Dans la fumée et après une intro mélancolique, un black lent et dépressif, tendance doom, tendu et nerveux, recouvre le Métaphone de nuages inquiétants, zébrés de riffs heavy et des cris de douleur désespérés d’Ole Pedersen Luk, âme de ce one-man-band danois. Dommage que le bassiste, surexcité, multiplie les poses heavy, bouge sans cesse, nuisant à la tristesse oppressante qui s’évapore des mélodies travaillées, des riffs torturés de mille effets.

Place ensuite aux Vikings KAMPFAR (19h45 – 20h30) et à leur black épique. Les boucs sur les amplis et le drapeau norvégien à la croix inversée créent l’ambiance idéale pour plonger dans le furie nordique, porté par le charismatique Dolk. Marionnette possédée, il harangue la foule, lui propose de « voir ce qu’est la mort » et s’abreuve de vin dans une coupe ancestrale. Dans des lumières souvent blanches, l’intro folk est vite oubliée quand la haine jaillit de la paire "Feigdarvarsel" / "Ravenheart". Les guitares se font entraînantes sans jamais oublier de laisser planer une menace ("Skogens Dyp"). Le groupe visite l’ensemble de sa discographie, remontant jusqu’aux ères lointaines avec "Hymne" ou "Norse". Il glisse quelques passages en chant clair, offre quelques notes acoustiques et commet quelques samples de claviers. Les passages les plus martiaux sont accompagnés par la fosse, poings en l’air, les fans scandant les paroles, tout proches de musiciens qui n’hésitent pas à venir à leur contact.

Nous restons ensuite en Norvège avec les impitoyables 1349 (21h00 – 22h00). L’incontournable Frost, dont la batterie est mixée fort en avant, noie les guitares durant la moitié du concert. Impressionnant, il conclura sa prestation musclée en jetant ses baguettes dans la foule. Le groupe, totalement dans l’imagerie black entre clous, lumières rouges, corpse paints, jets de fumée et bassiste vêtu d’une cape à capuche, brille par sa violence sans concession, digne d’un MARDUK. Si le set, malgré quelques interludes inquiétants, finit par se figer dans une nuée de blast beats et de cris furieux d’un Olav déchaîné, le public semble se régaler, multipliant les pogos ; un courageux tente même un slam. Le groupe privilégie ses morceaux récents – quatre titres sont tirés du tout frais « The Wolf & The King » – alors qu’une pépite ancestrale (2004) comme "Blood Is The Mortar" reste un chef d’œuvre de bestialité.

Après ce déluge de décibels, difficile de plonger dans la musique complexe, souvent contemplative et apaisée, d’Ihsahn (22h30 – 23h30). L’âme légendaire d’EMPEROR navigue désormais sur des flots sereins, même s’il est toujours capable de petite montée au front ("Stridig"). Le public, dès l’intro cinématographique style John Williams, est divisé : certains ferment les yeux pour savourer un ample "Cervus Venator", d’autres quittent la salle. Le concert tarde à trouver son rythme, ralenti par les changements de guitares entre chaque morceau. Les mélodies sont omniprésentes, le travail sur les guitares remarquable, l’ensemble dégage une froideur progressive qui ne s’interdit pas un fréquent recours au chant clair, un long intermède sur bande ou des clins d’œil électro (l’insupportable "Lend Me The Eye Of Millenia"). Des relents gothiques scintillent sur certaines compositions comme "A taste of Ambrosia ». L’ensemble dégage toutefois plus d’intelligence que d’émotion, comme si l’on voyait plus l’œuvre d’un architecte de génie que d’un artiste. Étrange sensation qui culmine sur la ballade « The distance Between Us", à la fois merveilleuse mais toujours lointaine, qui parle plus au cerveau qu’à l’âme. Conclusion étonnante d’un festival de haute tenue...
