« Faut reconnaître... C’est du brutal » peut-on dire à la manière de Raoul Volfoni à l’heure d’évoquer la soirée death metal du 30 janvier au Black Lab dans la région de Lille. Quatre formations apôtres de l’ultra-violence accompagnent DEFEATED SANITY, les Allemands avalant les routes européennes pour défendre leur dernier album, « Chronicles Of Lugacy ».
Devant une fosse loin d’être remplie – jeudi soir oblige ? – les Écossais INIQUITOUS SAVAGERY lancent les hostilités avec 30 minutes de brutal death, riche en mosh parts (le "Omnipotence Negates Self Afflitcion" final), blasts furieux et vociférations caverneuses. Parfois un passage plus lourd ("Bio-Digital Convergence In The Fourth Industrial Age" – les gaillards aiment les titres à rallonge) offre une brève respiration dans ce déluge sonique. Les musiciens sont concentrés, à l’image du guitariste, et le chanteur se contente d’une communication minimale. Le public reste bien sage...

STRANGLE WIRE propose un death qui mise autant sur la puissance que sur la vitesse. Les Irlandais incorporent des notes heavy, avec modération, dans les motifs de guitare sans négliger de saupoudrer le tout de riffs thrashisants pour donner naissance à un breuvage fort aux saveurs old-school. Les changements de rythme sont nombreux, l’ambiance est tantôt inquiétante, tantôt frénétique. La demi-heure assénée sous des lumières stroboscopiques par les quatre compagnons tout de noir vêtus passe bien vite ; quelques morceaux supplémentaires n’auraient pas été de trop.

Arrive ensuite PUTRID PILE, guitariste-chanteur seul en scène accompagné d’un ordinateur qui balance du blast à tout-va. Voir le musicien imposant, bermuda et casquette, s’agiter derrière son micro, le visage grimaçant entre growls et cris aigus surprend, attire même quelques moqueries avant que l’énergie déployée par Shaun LaCanne n’emporte l’adhésion. Son brutal death saupoudré de touches groovy est d’une efficacité totale. La qualité des compositions jaillit des longs passages instrumentaux où le musicien montre sa solide technique. Il achève sa prestation sur le poétique "Food For Maggots" et quitte la lumière après un « merci beaucoup » en français. Bravo, Monsieur !

TO VIOLENTLY VOMIT se présente comme une nouvelle appellation de DISGORGE... ou un groupe reprenant les morceaux de cette formation culte. Ce soir, le groupe est composé de trois musiciens. Le chanteur Angel Ochoa qui, bien pâle, semble légèrement malade, n’a enregistré aucun album avec la légende du brutal death US. Le guitariste historique Diego Sanchez est présent. Un batteur que je ne connais pas accompagne les deux compagnons. Pas de bassiste en vue... Le chaos propre aux titres des Américains agitent enfin les fans, ravis de voir Angel monter sur les retours pour checker le premier rang. Diego, statique, headbangue de toutes ses dreadlocks et, surtout, enchaîne les riffs à mille à l’heure ; à peine est-on familiarisé avec l’un d’entre eux qu’un autre surgit, et en trois minutes, la chanson est finie, la tornade est passée... mais une autre tempête se lève déjà. Cette musique dégage une atmosphère de folie, de jusqu’auboutisme que n’altèrent pas quelques intros malsaines typiques du genre et les passages plus épais, plus groovy. Les trois extraits de « She Lay Gutted » sont un ravissement même si les vocaux, comme scandés, n’ont pas la magie démente de ceux du légendaire Matti Way, même si l’absence de basse, jouissive sur l’album, atténue leur force. Après 40 minutes intenses, le calme revient dans le Black Lab.

Alors que la salle s’est légèrement vidée, DEFEATED SANITY entame son set ultra technique d’une heure. Les Berlinois, actifs depuis 1993 – chapeau ! – et désormais hébergé chez Season Of Mist, défendent leur dernier album, le très solide « Chronicles Of Lunacy », dont ils jouent les huit titres, en deux rasades de quatre. Le brio des musiciens, dont le nouveau guitariste Vaughn Stoffey tout juste embarqué dans l’aventure, jaillit sur un morceau aussi brillant que "Condemned To Vascular Famine", dans le jeu de basse de Jacob Schmidt qui s’offre même un solo et, bien sûr, dans la prestation hallucinée de Lille Gruber, batteur qui évolue dans de hautes, très hautes sphères comme sur l’enchaînement inhumain de "The Odour Of Sanctity" et "Accelerating The Rot" ou sur le break jazzy surprenant de "Naraka". Dans des lumières souvent rouges ou vertes, les parties pachydermiques aux ambiances lugubres s’intercalent entre accélérations redoutables, aspirations quasi progressives et touches groovy ("Naraka"). La violence de DEFEATED SANITY, malsaine quand surgissent de brefs samples inquiétants, conclut en une beauté dépravée cette soirée dédiés à la sainte furie du death metal.
