26 mai 2025, 17:22

POINT MORT

Interview Sam Pillay & Damien Hubert


Dans le paysage du metal français POINT MORT fait de plus en plus parler de lui. En effet, entre prestation électrique au Hellfest, concerts à travers la France et même à Cuba, le groupe ne cesse de progresser. La preuve avec son deuxième album "Le Point de non-retour" (lire la chronique), qui démontre toutes les qualités et le talent des Franciliens. L’occasion pour nous d’avoir une longue discussion avec Sam (chant) et Damien (basse) afin qu’ils nous racontent la genèse de cette petite pépite.
 

Vous avez passé plus de deux ans sur la composition de ce nouvel album. Comment décririez-vous sa création ?
Damien : Entre le moment où nous avons commencé à faire ces nouvelles chansons et maintenant, il s’est effectivement écoulé plus de deux ans et demi. Cela en fait une véritable aventure, car nous avons pris le temps de modifier aussi bien le fond que la forme, donc il y a eu pas mal de travail. Par rapport à l'album précédent, il y a un peu moins de chansons, il est globalement plus court, mais j'ai l'impression qu'on a bien plus travaillé la narration. Des choses un peu plus courtes qu'avant aussi et d'autres un peu subtiles. Il reste de très longs titres malgré tout. C'est clairement une continuité du précédent.
Sam : Je suis d'accord : nous sommes dans la continuité. Je ne sais plus qui m'a dit ça dernièrement - probablement lors d'une autre interview - mais qu’il y aurait un changement assez drastique. Je me suis vraiment posé la question et en fait, c’est plus une forme de continuité parce que si tu regardes bien, dans le dernier morceau de l'album précédent, il y a déjà ce truc un peu choral, plein de voix, plein de superpositions. J'ai l'impression qu'en fait, nous sommes partis de ce point-là pour en arriver où nous sommes maintenant. Il y a toujours des petites variations et des chemins détournés, mais dans l'absolu, c'est dans la continuité du travail qu'on avait déjà amorcé, en creusant un peu plus, en allant chercher dans les détails. Dam a raison : il y a également un effort supplémentaire sur la narration. Les styles sont un peu plus variés, mais malgré tout, je trouve qu’il existe quelque chose de plus homogène. Certaines personnes nous ont même parlé de concept album, mais ça ne va pas jusque-là. Comme ce sont les mêmes qui écrivent la musique, les mêmes qui écrivent les textes, il y a un truc, forcément. Des repères et des similarités.

Vous parlez souvent de ce ping-pong entre la composition de la musique et du chant. Comme si les deux se nourrissaient mutuellement dans la création de vos chansons.
Sam : C'est même certains. C'est Oliv qui compose la grande majorité de la musique, même peut-être encore plus que les fois précédentes. Dans le passé, nous étions encore un peu dans le jam. Enfin pas des jams de jazz, mais en tout cas, il y avait quand même une participation active de tout le groupe. Sur celui-ci, nous avons plus travaillé sur bandes, avec pas mal d’aller-retours pour enregistrer ce que l’on voulait et, par conséquent, par rapport à ce qu'on avait proposé sur les premiers jets, il y a eu énormément de réflexions aussi bien sur les instruments que sur le chant. C'est évident que tout ce que j'ai proposé a forcément fait rebondir les morceaux parce qu'en fait, pour arriver là où je voulais, il devait y avoir des ajustements. J’ai donné du travail à Oliv qui a été obligé de réécrire et recomposer pour que ça colle. Il y a une histoire d’harmonie, mais il y a aussi des choses qui vont forcément conduire à penser à autre chose sur les autres instruments et ainsi de suite. Ça se reconnecte sans cesse jusqu'à ce qu'on arrive à la version parfaite, verrouillée, ou tous les instruments sont parfaitement assemblés.

Est-ce que cette nouvelle façon de procéder a eu un effet sur la durée de l’album qui est plus compact que le précédent ?
Damien : Pas tant que cela, car on s'était déjà dit qu’on ne voulait pas faire un album trop long et on voulait que les ambiances soient posées. On ne se disait pas : « tiens, on va rajouter un morceau de 10 min à la fin juste parce qu'on a d'un besoin de ce morceau ». Ça a été quand même pas mal réfléchi et à la base, nous étions partis sur 6 morceaux et on en a rajouté un à l'arrache un peu au dernier moment.
Sam : Il n’y avait même que 5 morceaux. Pour le coup, les 2 morceaux les plus courts de l'album ont été rajoutés en dernière minute et notamment l'intro. C’est vrai que ce n’était pas spécialement prévu comme ça. Oliv m’a envoyé cette idée - ça le titillait - il nous l’a proposée et puis nous sommes allés au bout du truc. Mais en terme de durée, je dirais même que d'un point de vue « infrastructure label », même moi, j'y réfléchissais beaucoup. Je me disais que sur le précédent, nous avions dépassé les 45 minutes et donc, pour un vinyle, on était sur du double. C'est beaucoup de frais en plus. J'étais limite contente qu'on ne dépasse pas la quarantaine de minutes. On a eu une chance incroyable, c'est que là, nous sommes à 43 minutes : c'est vraiment la limite pour que ça rentre sans détérioration de qualité de la musique. Le top du top, c’est qu’on a réussi à faire 2 faces d’égales durées, alors qu'on a des morceaux de longueurs différentes. S’il y avait eu une minute de plus, nous aurions sûrement fait sauter l’intro. Même si cela aurait été dommage, car elle contribue à l’ambiance et à la montée en puissance. Là, nous avons juste coupé le solo de batterie qui durait 10 minutes (rires)
Damien : C’est vrai qu’elle aide à la transition entre tous les morceaux et même si elle a été écrite deux semaines avant l’enregistrement, elle était nécessaire. Il y a des titres longs, des titres courts, et finalement on a réussi à avoir cette espèce de narration qui nous est chère.
Sam : Accident heureux, commandé à la dernière minute. Il faut savoir que c'est le seul morceau qu’Oliv n’a pas pris entièrement à sa charge. En plus, il avait ce truc dans la tête de ne pas finir avec 6 morceaux parce que c'est un chiffre pair. Il m'a juste lancé une minute avec quelques synthés - mais genre vite fait - en me disant en gros d’en faire quelque chose. Nous étions à une semaine et demie de l’enregistrement. Je pensais que c'était mort, et puis comme c'était électro, je me suis fait avoir, je me suis mise derrière mon ordinateur et j'ai commencé à sortir des choses au synthé, des boucles, des machines. Il savait très bien ce qui allait se passer en m’envoyant ça ! (rires)


Parlons du gros travail sur les voix. Souvent tes deux types de chant se mélangent. Comment allez-vous vous gérer cela en live ?
Sam : C’est le parfait exemple de ce que nous allons travailler la semaine prochaine. On a un gros temps là-dessus et j’espère que ce sont des questions que l’on va résoudre à ce moment-là. La résidence va être un peu plus longue qu’à l’accoutumée et j’espère que cela nous permettra de développer un spectacle un peu plus recherché en terme d'ambiance. On va vraiment essayer de travailler là-dessus aussi.

Envisagez-vous d’avoir des projections, une vraie scénographie ? Le clip de « The Bent Neck Lady » est si émouvant qu’il serait parfait pour ce genre de proposition visuelle.
Sam : L’aspect visuel est fondamental pour nous. Je pense que tu l'as vu dans les clips, c'est quelque chose de très important. Mais les personnes avec lesquelles nous travaillons ont déjà abattu un travail phénoménal avec les 2 premiers clips ainsi que les making off. Ils n’ont d’ailleurs pas géré le dernier clip car nous avons décidé de les décharger, que ce n’était pas possible que ce soit eux. Pour compléter ce que je disais, je pense que c'est très compliqué parce que du coup il faut vraiment réfléchir à ce que tu ne mets dedans. Il faut être bien certains de ne pas sortir les gens du concert. Et d’ailleurs quelle serait la place des musiciens à ce moment-là. Il y a une vraie problématique et nous y pensons mais cela reste compliquer de tout gérer. Et il ne faut pas oublier que la plupart du temps nous jouons dans des salles de 100 personnes qui n’ont pas les infrastructures nécessaires pour accueillir ce genre de spectacle. Il faut que ce soit cohérent mais un jour j’espère nous y viendrons mais c’est énormément de travail.

L’album a été enregistré live ce qui lui confère un coté très organique. La production est encore plus impressionnante que sur l’album précédent.
Damien : Je pense que cela fait partie du jeu, il y a le fait de jouer ensemble et puis la personne qui enregistre. Il a un parti pris. Nous allons chez Amaury Sauvé pour ça. Il y a un vrai impact, même si les voix sont très produites. On ne veut surtout pas que les instruments prennent toute la place, il est important que le son reste organique. La musique respire, mais pour autant la production est plus « in your face », plus immédiate. On peut se le permettre, car nous ne sommes pas un groupe de heavy allemand qui doit respecter des codes. Amaury produit des groupes alternatifs ou la prise live compte énormément et il y a des heureux évènements, comme parfois cela peut-être la cata, mais ça reste vivant. C’est à mon sens un super cocktail.
Sam : Et cette « urgence » dans l’enregistrement te pousse aussi à donner le meilleur de toi-même. Nous sommes restés du lundi au vendredi sans faire aucun break. Tout était édité en même temps pour qu’à la fin, nous ayons déjà la musique structurée. On n’enregistre pas la musique et l’on y revient après : nous sommes vraiment dans le moment.
Damien : Certains groupes composent rapidement, mais leur enregistrement s’étale sur 6 mois avec une batterie enregistrée dans un studio, deux mois après ils font les grattes, etc… Là, c’est intense de chez intense. On se fait mal un bon coup et après on passe au mixage. C’est la troisième fois que nous procédons ainsi et je pense que nous continuerons à le faire ainsi pour les prochains albums.
Sam : C’est vraiment un moment particulier pour nous, car nous sommes isolés de tout. Nous n’avons même pas fait de break cette fois pour aller boire une bière et relâcher la pression. Nous étions surtout préoccupés de tenir physiquement. Nous sommes sur une espèce de temporalité où on se lève, on joue, on bouffe, on joue, on bouffe et on dort.


​On dirait même que vous avez pris Amaury de court en étant bien mieux préparés que précédemment.
Damien
 : C’est aussi l’expérience qui parle. La première fois, nous sommes vraiment venus à l’arrache. Ça s’est amélioré la deuxième fois et là, nous avons bien identifié les moments où l’on allait vraiment en chier afin de les bosser encore plus pour y passer le moins de temps possible. Finalement, on a plus bloqué sur certains passages qu’on pensait maitriser… mais bon, c’est le jeu (rires)
Sam : Il y a eu un gros travail en amont. Nous sommes arrivés avec nos partitions, tout était écrit à la virgule près. Comme disait Dam plus tôt, Amaury est plus dans le rock ’n' roll, des trucs noisy. C’est une musique très vivante et à la limite, tu mises beaucoup sur la prise, un déraillement peut créer un truc incroyable. Il a vraiment été surpris, mais j’ai quand même envie de dire que si l’on s’est mis à bosser ainsi, c’est aussi un peu de sa faute, quelque part. (rire).

Combien de titres de ce nouvel album allez-vous jouer ?
Damien : Nous avons envie de tous les jouer, donc il y a aura une grosse part du set qui sera composée des nouveaux titres.
Sam : Dans un premier c’est évident qu’il y en aura beaucoup. Nous voulons les faire découvrir, nous avons envie de les jouer, de nous les approprier. Seulement après, quand on commencera à bien les maitriser, nous réintègrerons des anciens titres pour créer une dynamique nouvelle.

La pochette fait écho à une chanson qui n’est pas celle qui donne son nom à l’album. Pourquoi ce choix ?
Sam : D’une manière générale, les titres de l’album n’ont pas été inspirés par l’artwork, ni l’artwork l’inverse. Lorsque que nous bossons, nos titres de travail sont tous plus stupides les uns que les autres. Concernant mes textes, il y a toujours un premier jet, puis un second et ainsi de suite. Deux jours avant la fin du mastering, je me suis rendu compte que les titres n’allaient pas par rapport à ce que nous faisions d’habitude et ils ont quasiment tous été changés. Ce n’était pas aussi poétique, c’était à limite un simple et unique mot. Il y a un lien entre tous les textes, un élément central qu’il faudra découvrir. Au final, les titres sont pour moitié dûs au hasard. Mais c’est la même chose pour le clip de « The Bent Neck Lady”, à deux semaines de sa sortie, l’idée du conte n’était même pas sur la table. Mais il a pris tout son sens par la suite. Finalement, rien n’était vraiment prémédité, mais le résultat est cohérent et je suis très satisfaite.

Sam, à un moment, la question est posée de « pourquoi vous ne faites pas plutôt de la pop ». Est-ce réellement une question que tu te poses, toi ?
Sam : J’adorerais en faire, mais dans un autre projet. Ce n’était ni le lieu, ni les personnes pour le faire. Je dis ça effectivement, car on est vraiment dans le mal à ce moment-là avec les prises live. Justement, s’il y a plus de chant clair dans POINT MORT, c’est aussi parce que j’aime vraiment ça.

Ce côté « plus de chant clair » revient souvent sur la table, mais pour autant je n’ai pas senti de baisse d’intensité ou de violence. Il y a eu des exemples bien plus flagrants chez certains groupes et là, ce n’est pas le cas.
Sam : Plus de chant… clair oui et non. Il y en a plus, mais c’est simplement parce qu’il y a plus de chant tout court. Je voulais travailler sur les harmonies, Oliv aussi, et cela a été la ligne directrice de l’album. Donc, il faut mettre des gros guillemets. De plus, nous ne recherchons pas un équilibre chant clair / chant hurlé. Nous cherchons simplement à trouver la bonne construction pour que les titres soient les meilleurs possibles. L’écriture s’est faite de façon verticale et cela se ressent clairement dans les chansons.

Pour conclure, vous avez déjà pas mal de dates à venir, va-t-il y en avoir d’autres ?
Sam : Nous avons déjà une dizaine de dates dont un fest cet été, mais pour le moment, il n’y a pas grand chose d’autres dans les tuyaux. Nous travaillons sur les dates de fin d’année et pour l’année prochaine où nous espérons en faire le même nombre à minima. Après, nous aimerions bien nous produire à l’étranger, mais là encore, c’est beaucoup de travail. Mais nous allons étudier fortement la question.
 

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