12 septembre 2025, 12:49

ASHEN

"Chimera"

Album : Chimera

Une voix, une attitude, une énergie folle, en un mot comme en cent : une présence. C’était le 23 octobre 2021, à Toulouse, au Ready For Prog Festival, mon tout premier contact avec Clem Richard, le frontman et chanteur d’ASHEN. Sauf qu’il n’était pas là pour son groupe mais pour donner un coup de main aux excellentissimes KADINJA (au fait, revenez quand vous voulez, les gars !). La curiosité est peut-être un vilain défaut (complètement assumé), mais le coup de cœur pour ce zébulon monté sur ressorts fut telle que je ne pus m’empêcher de creuser plus avant. Bien m’en prit, vu la qualité incroyable du metalcore et metal moderne que proposait déjà ASHEN à l’époque, alors que le tout jeune groupe n’avait sorti que deux singles, "Hidden" et "Outlier" (le troisième, "Sapiens", étant publié presqu’un mois après cet extraordinaire concert).

Fin janvier 2022, une interview passionnante avec Clem, ainsi que les deux guitaristes, Niels Tozer et Antoine Zimer me permit d’approfondir le sujet. Et l’engouement pour leur musique de grossir de jour en jour. Des singles et une reprise, celle du "Smells Like Teen Spirit" de NIRVANA, des dizaines de concerts, des tournées et une mémorable première date en tête d’affiche à Paris plus tard, ASHEN a fait ses preuves et trouvé sa place dans un marché saturé, grâce à une personnalité marquée et une singularité qui l’extraient de la masse. Puis arrive septembre 2025, suite à un retard dû au fabricant de disques (après avoir initialement prévu une sortie pour juin). Nous y voilà enfin. Presque quatre ans qu’on l’attendait. « Chimera », le premier album des Parisiens est enfin là ! Si le départ du bassiste Thibaud Poully a été annoncé le 17 janvier dernier, c’est pourtant bien en tant que quintet que l’album est présenté, Thibaud ayant bien sûr participé à sa création et son enregistrement.

Douze titres au compteur (en réalité onze, puisque "You Were Always Here" fait figure de courte intro), comme autant de déflagrations, de décharges d’émotions, de groove et de feeling. Outre la voix d’écorché hyper sensible de Clem, on trouve sur ce premier disque tout ce qui fait l’essence d’ASHEN : des riffs puissants, des soli de guitare magnifiques, des mélodies bien pensées et accrocheuses mais qui ne tombent jamais dans la facilité, des breaks brutaux et un groove incroyable, dû notamment à l’exceptionnel batteur qu’est Tristan Broggia. Le haut niveau technique des musiciens leur permet toutes les fantaisies pour ne pas limiter leur créativité et enrichir leur espace sonore de nuances fort appréciables. L’intro est certes courte mais on y sent les prémisses de ce qui nous attend avec une ambiance angoissante qui sera reprise plus tard sur l’instrumental "Chimera’s Theme" ainsi que des pépiements d’oiseaux que nous retrouverons sur la dernière chanson, "Living In Reverse". Mais nous y reviendrons plus tard...

Afin de conforter les fans, ASHEN l’a joué finement en sortant des premiers singles ("Desire", "Sacrifice", "Chimera", "Crystal Tears" et "Cover Me Red") qui risquaient de ne pas trop les déstabiliser, avec leur énergie viscérale et leur brutalité contrôlée. Restent à découvrir sur l’album les titres les plus surprenants, tel ce "Meet Again" d’ouverture, dans une veine ultra mélodique qui n’est pas sans rappeler LINKIN PARK, ce superbe "Oblivion" qui évoque SLEEP TOKEN, avec son beat R'n'B et le falsetto de Clem, en version toutefois plus organique et rythmé grâce à son sublime solo de guitare et son final catchy, ou bien encore "Altering" et son ambiance bizarroïde faites de sons électro et d’arrangements, sur laquelle surnage la voix de Clem, au bord de la rupture.

Si le groupe utilise moult effets sonores qui l’ancrent dans un son moderne, ce n’est jamais au détriment des instruments qui prédominent. Ainsi les guitares de Niels Tozer et Antoine Zimer se veulent incisives et tranchantes, mais savent aussi se montrer délicates, comme sur "Living In Reverse", la magnifique ballade qui clôt l’album, qui nous rappelle que le groupe est capable de beaucoup de sensibilité, comme il a pu le faire sur le single "Nowhere". N’oublions pas également la formidable section rythmique avec Tristan Broggia à la batterie et Thibaud Poully à la basse, qui balance cette impulsion irrésistible, ce groove contagieux qui donne envie de plonger dans la fosse pour un mosh-pit déchainé, au risque d’y laisser quelques morceaux de couenne au passage.

Comment résister à des brûlots comme "Chimera", avec ses couplets rappés et son refrain contagieux, "Desire" et son atmosphère aussi sensuelle qu’inquiétante, la rage de "Cover Me Red", la violence et le rythme trépidant de "Crystal Tears" et "Sacrifice", avec la participation d’Aaron Matts de TEN56. (ex-BETRAYING THE MARTYRS) comme préposé aux growls bourre-pif (arrachage de chicots en sus) ? "Clone Of A Clone" et son air faussement calme ne trompe personne : ASHEN expulse sa colère, crache sa rage et fait face ainsi à ses angoisses. Angoisses que l’on retrouve sur "Chimera’s Theme", instrumental à l’ambiance aussi menaçante qu’un cauchemar dont on n’arrive pas à émerger, avec cette impression d’être prisonnier d’un monde surréaliste aux parois glissantes, aux contours déformés et à la lumière chétive. Bande-son d’une course sans fin, un sur-place terrifiant au milieu de paysages désolés, recouverts d’une brume opaque dont on ne s’échappe pas. Dualité du soi contre soi, quand on s’observe dans un miroir déformant.

Le rai de lumière, comme une issue possible, arrive toutefois avec "Living In Reverse". Cette belle ballade montre la facette la plus mélodique et la plus lumineuse du groupe. La plus sensible aussi. Car on touche ici aux fondements de l’être, ce qui nous construit, ce qui nous détruit aussi. Ce que l’on a appris, subi ou choisi. Ce chemin que l’on est censé parcourir, qui se révèle bien plus dangereux qu’il n’y parait, plein d’ornières, de chausse-trappes, de cul-de-sac. Ce labyrinthe qu’on appelle la vie. Ici, le groupe se révèle à cœur ouvert, mettant à jour ses cicatrices et ses combats, ses doutes et ses envies. Et puis, un dernier regard vers le bleu du ciel, une dernière respiration, et le chant des oiseaux en guise d’espoir.

Pour un premier essai, c’est un magnifique coup de maître que nous assène ASHEN avec ce « Chimera » riche et intense, doté d’un son impeccable et à la production soignée. Adeptes depuis toujours du "demèrdeunnzizich", comme disait mon ancien directeur de formation théâtrale (qui, comme vous pouvez le constater, ne parlait pas un traitre mot d’allemand), les jeunes musiciens ont mis la main à la pâte, tout comme ils le font pour leur vidéos, pour proposer un album éclatant qui fourmille de détails, chargé en émotions et à l’énergie débridée. Un extrait de vie, une vision précise, colorée et nuancée. Ils ont retranscrit ce qui les habite, viscéralement, et tout sonne juste. Sincère et entier. Alors, si vous l’avez pas encore fait, foncez les découvrir sur scène où leur univers prend toute sa dimension sonore, visuelle et surtout, humaine.

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