
Depuis 1985, Rock am Ring s’impose comme l’un des festivals rock/metal les plus emblématiques et les plus anciens d’Europe. Accueilli sur le légendaire circuit automobile du Nürburgring, en Allemagne, il attire chaque année des dizaines de milliers de passionnés. Chaque mois de juin, ce haut lieu de la vitesse se mue en un sanctuaire sonore - l’asphalte devient royaume d’acier, où la musique rugit plus fort que les moteurs qui ont jadis dominé les lieux. En 2025, le festival a célébré son 40e anniversaire à guichets fermés avec 90 000 fans et une affiche impressionnante mêlant légendes du genre, figures montantes et nouveautés audacieuses. Pour beaucoup (y compris votre autrice), participer au "Ring" relevait du rêve de longue date – et cette édition anniversaire s’est révélée un baptême de feu… et de glace.
En pénétrant sur le Nürburgring, on sent immédiatement qu’on n’est pas dans un festival rock ordinaire. Le vaste tracé bitumé, flanqué de tribunes rutilantes et de pylônes illuminés, évoque un paysage presque post-apocalyptique sous l’air froid de juin. Devant la scène principale s’étire un immense couloir de foule – une étendue rectangulaire d’asphalte noire, compacte, où les fans se pressent à perte de vue. Température : autour de 10°C, avec des averses fréquentes qui poussent les festivaliers à enfiler ponchos et parkas. Pour assurer la sécurité des 90 000 participants (et préserver le site), les organisateurs ont renforcé les mesures de sécurité et les protocoles de durabilité – barrières, règles strictes de circulation. Au Rock am Ring, l’expérience repose sur l’engagement, l’énergie et le rituel partagé du volume à haute dose. Ce n’est pas un petit festival estival cosy, mais une épreuve pour les fidèles – un marathon dans le froid, la fatigue et les décibels. Des fidèles venus pour se fondre dans une musique ininterrompue et cette affiche titanesque.

Mais Rock am Ring, ce n’est pas seulement le son. C’est un sentiment d’appartenance. C’est être transi, fatigué, courbaturé – et savoir que la personne à côté vit la même chose. Et tant que les groupes jouent, on tient bon.
LES CONCERTS : DES TITANS AUX REVELATIONS
KoRn (Utopia Stage – Tête d’affiche dimanche)

KoRn clôture Rock am Ring 2025, fort de ses 30 ans de carrière. En tant qu’ultime prestation du festival, les légendes de Bakersfield offrent un voyage brut dans l’histoire du nu-metal : "Blind" en ouverture bestiale, les grooves martelés de "Here To Stay", la pulsation funk de "Got The Life", et l’hymne cathartique "Freak On a Leash". Un parfait dosage de nostalgie et d’intensité.
La production scénique est spectaculaire : structures lumineuses géométriques mouvantes, fumée, lasers et projections d’images apocalyptiques (forêts en flammes, naissance d’un papillon, femme énigmatique). Une narration visuelle de destruction et renaissance, en phase avec les thèmes chers au groupe.
Au milieu du percutant "Y’All Want a Single", Jonathan Davis sourit avant de lancer : « Y’all want a single ? » – la foule, en chœur : « Say fuck that ! ». Après toutes ces années, les enfants de KoRn sont toujours aussi sauvages. Pas de nouveaux morceaux (même si les rumeurs vont bon train sur leur prochain album), mais un best of exécuté avec force et cœur. Un final triomphal.
SLIPKNOT (Utopia Stage – Tête d’affiche samedi)

SLIPKNOT ne joue pas. Ils déchaînent l’enfer. Ce samedi, les huit masqués de l’Iowa transforment le Nürburgring en terrain de jeu brutal. "(sic)" suivi de "People = Shit" déclenchent l’apocalypse : blast beats, gerbes de flammes, stroboscopes frénétiques. Corey Taylor, tornade scénique, mène une armée de circle-pits au cri de « Jump the fuck up! » durant "Spit It Out".
Le retour aux combinaisons rouges façon « Iowa » ajoute un parfum de nostalgie. L’absence du cofondateur Shawn "Clown" Crahan (pour raisons familiales) n’aura pas entamé l’énergie. Corey Taylor l’évoque avec émotion : « Clown ne peut être là. Il est resté auprès de sa famille. Il vous envoie tout son pu**in d’amour. Alors on est là pour compenser. Et on va tout donner. »
Pas d’effets mécaniques ni de têtes géantes démoniaques cette fois, mais une puissance brute, viscérale. Taylor remercie le public : « Il y a 26 ans, on jouait ici pour la première fois. À chaque retour, c’est mieux. Vous ne nous avez jamais oubliés. Nous non plus. Merci infiniment. »
SLEEP TOKEN (Mandora Stage – Dimanche minuit)
Si KoRn sont des dieux et SLIPKNOT des seigneurs de guerre, alors SLEEP TOKEN sont les prophètes cultes.
Ce dimanche à minuit, sous la pluie, le collectif britannique anonyme transforme la Mandora Stage en cathédrale obscure. Cascades de lumière, musiciens encapuchonnés, décor sacré. Lorsque le mystérieux Vessel apparaît, mains peintes, visage voilé, la foule se tue – rare moment de recueillement dans un festival metal.
Le groupe ouvre avec "Look To Windward", crescendo saxophoné et rideaux blancs tombant lentement. On n’est plus à un festival, mais à une messe de minuit. Durant 80 minutes, SLEEP TOKEN envoûte. Tirant largement matière de son nouvel album « Even In Arcadia », le groupe oppose sa douceur cinématographique à la fureur ambiante du week-end. "Caramel", "Vore", "The Offering", "Alkaline" : moments suspendus, chants de foule, silences habités.
Coup de théâtre : un "Thread The Needle" rare, venu des débuts, émergent dans la fumée. Magnifique...
BULLET FOR MY VALENTINE (Utopia Stage – Samedi)
Retour en force pour BULLET FOR MY VALENTINE qui ravit les fans avec un hommage à « The Poison » (20 ans déjà). En enchaînant "Her Voice Resides" et "4 Words (To Choke Upon)", le groupe replonge les anciens dans leurs années ado. "Tears Don’t Fall" et "All These Things I Hate" font vibrer l’air glacé au son de milliers de voix en chœur. Peu de décor, beaucoup d’énergie.

RISE AGAINST (Mandora Stage – Samedi)
Avant SLIPKNOT, RISE AGAINST met la Mandora Stage en fusion. Punk-rock engagé et mélodies puissantes, Tim McIlrath électrise l’audience, allant jusqu’à sauter dans le pit. Généreux, il salue le courage des festivaliers transis : « Vous êtes les vrais héros. »
Un des concerts les plus humains du week-end.

Jerry Cantrell (Mandora Stage – Dimanche)
Le cofondateur d’ALICE IN CHAINS offre une respiration grunge bienvenue dimanche. Accompagné d’un groupe solide, il mêlz ses titres solo à ses classiques de Seattle. "Psychotic Break", "Brighten", mais surtout l’intemporel "Man In The Box" conquièrent toutes les générations. Sous la pluie allemande, Jerry rappelle que l’émotion brute transcende le temps.


IN FLAMES & SPIRITBOX – Feu scandinave & sang neuf
IN FLAMES, pionniers du death metal mélodique suédois, livrent une prestation magistrale. "Only For The Weak" déclenche des sauts synchronisés, "Take This Life" clôture en furie. Anders Fridén, toujours aussi charismatique, montre que le feu scandinave brûle encore fort.
SPIRITBOX, quant à eux, triomphe dès l’après-midi. Courtney LaPlante, voix d’ange et hurlements de démon, fascine. "Holy Roller" et "Circle With Me" prouvent que SPIRITBOX est un futur géant.

THE GHOST INSIDE, FIT FOR AN AUTOPSY, POLARIS : LA RELEVE BRUTALE
Trois noms auront mis les pits en ébullition :
THE GHOST INSIDE, avec leur metal résilient et lumineux.
FIT FOR AN AUTOPSY, furie sociale et grooves écrasants.
POLARIS, puissance émotionnelle, surtout sur "Hypermania"... Tous auront mérité les ecchymoses de leurs fans.

LEGENDAIRE, RUDE, INOUBLIABLE !
Rock am Ring 2025 aura été une cathédrale métallique mise à l’épreuve. Froid, vent, pluie – mais toujours plus de feu dans les cœurs.
De la furie de SLIPKNOT à la liturgie de SLEEP TOKEN, de la nostalgie de KoRn à l’audace des jeunes loups, cette 40e édition est une réussite totale.
Une seule vérité s’impose : quand la musique appelle, les fidèles répondent. Qu’importe la météo.
Rock am Ring demeure une épreuve sacrée de metal et de fraternité.
Légendaire. Rude. Inoubliable.
