29 novembre 2025, 13:20

CALVA LOUISE

Interview Alizon Taho et Ben Parker


L’année 2025 est bien remplie pour CALVA LOUISE : une tournée européenne avec le groupe de folk metal indien BLOODYWOOD, une tournée aux États-Unis en tant que tête d’affiche, l’album « Edge of the Abyss » sorti le 11 juillet dernier et une deuxième tournée européenne avec STRAY FROM THE PATH. Pas de doute : le trio compte monter en puissance et gagner le cœur du public, notamment français. Alors que CALVA LOUISE se préparait à monter sur la scène de l’Élysée Montmartre le 13 novembre dernier, le bassiste Alizon Taho et le batteur Ben Parker ont répondu à quelques questions sur leur groupe, leurs objectifs et leur dernier album.
 

Votre groupe a un caractère très international : Jessica Alanic est franco-venézuelienne, Alizon Taho est français et Ben Parker est néo-zélandais, mais vous vous êtes rencontrés au Royaume-Uni. Vous êtes donc un groupe très polyglote. Jessica chante en espagnol dans certaines chansons, davantage sur « Edge of the Abyss » que sur les albums précédents. Est-ce que cette pluralité des langues est une façon de porter certains de vos combats et pensez-vous intégrer d’autres langues à l’avenir, par exemple le français ?
Alizon Taho
 : Nous avons une identité multiculturelle très forte. Jess écrit en espagnol et en anglais parce que certains sentiments, certaines émotions et certaines expressions sont plus faciles à exprimer dans une langue que dans d’autres. Parfois, quand elle explique les paroles en espagnol, on se rend compte qu’il n’y a pas vraiment d’équivalent en français ou en anglais. Donc parfois, elle cherche juste la meilleure façon d’exprimer des émotions spécifiques. C’est parfois impossible à traduire, l’espagnol correspond mieux à une expression et l’anglais à une autre. On aime le fait de ne pas devoir se restreindre à une seule langue.

Le style musical du groupe a beaucoup évolué depuis ses débuts : vous étiez un groupe plutôt punk rock sur le premier album et maintenant, vous mélangez le rock alternatif, la musique électronique, encore un peu de punk rock et d’autres influences. Peut-on y voir, comme les langues que vous utilisez dans les chansons, une trace de votre multi-culturalisme et pensez-vous poursuivre l’expérimentation stylistique au fil des albums ?
Alizon Taho : Quand on a lancé le groupe, on essayait encore de savoir comment survivre. On n’avait rien et je ne parlais pas anglais. Jess et moi avons déménagé à Londres et c’était une période très compliquée, on avait des petits boulots alimentaires. Il y avait un label qui était intéressé par notre premier album donc on a saisi l’opportunité parce qu’on n’avait pas vraiment d’autre option pour progresser et évoluer en tant que groupe.
Ben Parker : C’était un label de musique indie. Ils étaient spécialisés dans ce genre et on a senti qu’il y avait certains aspects sur lesquels on devait se restreindre un peu. Par exemple, on ne pouvait pas faire de scream dans nos morceaux. Le label nous mettait aussi beaucoup la pression par rapport aux deadlines pendant les phases d’écriture et d’enregistrement. Donc je pense qu’au fil des années, on est parvenu à aller vers le son qui nous correspond le plus et qui correspond le plus aux paroles de Jess.

Le label ne voulait vraiment pas de scream sur votre premier album ?
Alizon Taho : Non. Pour ce premier album, on est resté dix jours en studio et le producteur nous a fait réaliser qu’il fallait correspondre à un style en particulier. Mais ça nous convenait très bien parce qu’on aime aussi la musique indie : on écoute de l’indie trip-hop par exemple. On était heureux de le faire, mais c’est aussi agréable de ne plus être soumis à ces restrictions une fois que l’album était terminé. Le style qu’on a aujourd’hui est celui qu’on a toujours voulu faire et qu’on voulait déjà faire à l’époque. Mais on est aussi contents de ce qu’on a fait à l’époque parce que ça fait partie de notre cheminement.
Ben Parler : Oui, il y a vraiment certains aspects de ce premier album qu’on a laissé derrière nous.

Votre album mélange très bien les parties mélodiques, les autres plus violentes sur lesquels vous faites du scream, et atteint un bon équilibre entre le chant qu’on peut reprendre avec vous pendant les concerts, et les moments où les bagarres se déchaînent. Peut-on y voir une trace de la patte du producteur qui a travaillé avec vous, Gareth McGrillen (bassiste de PENDULUM) ?
Ben Parker : Gareth a co-écrit deux des chansons de l’album, "Under The Skin" et "Hate In Me". En termes d’implication, il était beaucoup plus impliqué pour apporter cette énergie depuis le monde de la musique électronique. Il vient du monde de l’électronique et de la drum and bass et il a fait ressortir cette énergie dans les morceaux.
Alizon Taho : Il a co-produit et co-mixé l’album avec Mazare, un artiste et producteur italien. C’est aussi lui qui a co-produit la mix-tape qu’on avait faite précédemment. Avoir Gareth avec nous était très agréable parce qu’il a énormément de connaissances sur tous les sujets pour lesquels il nous aidait. On a tout enregistré chez nous et il nous a aidés à obtenir le meilleur résultat possible avec les équipements qu’on avait : « Utilisez le micro de cette façon », « Changez l’installation ici », etc. Il nous a beaucoup aidés à obtenir le meilleur son possible et on est très reconnaissants qu’il ait été là.

« Edge of the Abyss » parle, dans son ensemble, des moments sur lesquels nous sommes sur le point de basculer dans la folie, le manque de contrôle, la colère, etc. : "Lo Que Vale" évoque la quête de sens qu’on souhaite donner à nos actions, "W. T. F." celle d’un but et d’un objectif, "La Corriente" parle des faux-semblants qui sont agaçants au possible, etc. D’où vous est venue l’inspiration pour tous ces sujets ?
Ben Parker : Je pense que Jess pourrait donner une réponse beaucoup plus détaillée que la mienne (rire). La plupart des paroles évoquent des situations qu’elle a vécues ou qu’on a vécues en tant que groupe. Il y a aussi certains éléments un peu plus abstraits.
Alizon Taho : Il y a aussi une histoire qui transparaît dans ces paroles. C’est un mélange d’influences entre les expériences personnelles et les expériences du groupe. On se voit tous les jours, on passe beaucoup de temps ensemble donc on vit régulièrement les mêmes choses. Les paroles font aussi partie d’une histoire qui parle de personnages précis.

Le groupe possède une esthétique très DIY et vous le revendiquez régulièrement, notamment avec le clavier coulissant fabriqué par Alizon Taho que vous utilisez sur scène. Cette esthétique a-t-elle également imprégné le processus d’écriture, composition et production de l’album « Edge of the Abyss » ?
Ben Parker : C’était d’abord un besoin : on avait besoin de faire de la musique et d’être créatifs mais on n’avait aucun budget et aucune connaissance, donc on a essayé d’apprendre sur le tas. On fonctionne toujours comme ça depuis le début du groupe : on a toujours essayé de s’en sortir et d’apprendre à faire les choses par nous-mêmes.
Alizon Taho : C’est plus une approche dans notre façon de gérer les choses. Quand on voulait créer le clavier ou les vidéos avec les effets spéciaux, on ne savait pas à qui demander et on ne savait pas le faire non plus. Jess a décidé d’apprendre à faire des effets spéciaux, surtout ceux en 3D et maintenant, elle sait faire des effets spéciaux incroyables ! C’est plus un état d’esprit général : quand on veut faire quelque chose, on apprend à le faire par soi-même et on s’améliore au fur et à mesure. Quand on commence, le résultat n’est pas génial, mais on peut apprendre.
Ben Parker : C’est une éthique du DIY.
Alizon Taho : Par exemple, sur cette tournée, on ne pouvait pas avoir de photographe parce qu’on n’en avait pas les moyens, donc on a acheté un appareil photo d’occasion vraiment pas cher sur Internet et on a essayé de comprendre comment l’utiliser. Maintenant, on prend quelques photos avec (rire).

L’album « Edge of the Abyss » est sorti le 11 juillet et vous avez donné beaucoup de concerts depuis. Comment le public a-t-il réagi aux nouveaux morceaux ?
Ben Parker : Le public a très bien réagi ! L’album a été très bien reçu, les gens l’aiment bien et on a eu beaucoup de bons retours. Ça n’est pas spécifique à un pays en particulier, c’est vraiment généralisé à l’ensemble de notre public.
Alizon Taho : On l’a aussi joué aux États-Unis lors de notre première tournée en tant que tête d’affiche dans ce pays. On ne savait vraiment pas à quoi s’attendre mais les gens sont venus,ils chantaient, etc. Aucune date n’a affiché « complet », mais les salles étaient bien remplies quand même. Certains lieux étaient peut-être un peu trop grands (rire), mais on n’a jamais eu l’impression qu’une salle était vide pour autant. Il y avait toujours des gens.
Ben Parker : C’était vraiment chouette !

Ça fait déjà deux fois que vous venez en France cette année, grâce à la tournée « Return of the Singh » avec BLOODYWOOD, DEMONIC RESURRECTION et MIDHAVEN, vous avez fait une tournée aux États-Unis et vous êtes maintenant en tournée avec STRAY FROM THE PATH, ALPHA WOLF et GRAPHIC NATURE. Prévoyez-vous de vous reposer l’année prochaine ou continuerez-vous les concerts ?
Alizon Taho : Non, pas de repos !
Ben Parler : Pas de repos, Calva Louise ne dort jamais (rire) ! On prévoit de faire quelques concerts en tant que tête d’affiche en Europe si tout se passe bien. Rien n’est encore booké pour l’instant, mais c’est ce qu’on espère faire. Donc on pourra revenir !


Quel lien avez-vous avec le public français ? Y a-t-il des groupes français que vous aimez et avec qui vous aimeriez faire une tournée ?
Alizon Taho : On n’a pas joué tant de fois en France donc on est contents d’être de retour et d’avoir plusieurs dates en France sur cette tournée. On était à Lyon hier, on joue à Paris ce soir, on a aussi une date à Toulouse demain et une à Grenoble dans quelques jours donc on est très heureux de jouer dans plusieurs villes françaises. En tant que Français, j’aime beaucoup jouer dans ce pays et tout le monde est gentil à chaque fois ! Beaucoup de gens sont venus nous voir pour nous dire que notre album était l’album de l’année, qu’ils nous avaient vus avec BLOODYWOOD il y a quelques mois et qu’ils étaient revenus nous voir sur cette tournée. Pour les groupes français, Jess et moi essayons d’en écouter un peu plus parce qu’on n’écoute pas tant de musique française que ça. Le groupe GRANDMA’S ASHES est fantastique, on l’aime beaucoup et on adorerait les rencontrer ! Il y a aussi un groupe qui s’appelle IMPARFAIT, je crois qu’il a récemment mentionné le nôtre dans un podcast donc on a écouté le podcast et on a adoré le groupe ! J’aime beaucoup le fait que les paroles soient en français, c’est génial ! Ce sont nos découvertes les plus récentes.

Vous développez beaucoup le Calva Louise Cinematic Universe qui raconte l’histoire d’un personnage, Louise, qui a donné une partie du nom de votre groupe. Pour les personnes qui ne vous connaîtraient pas encore, pouvez-vous nous dire en quoi consiste l’histoire de ce personnage ?
Ben Parker : Louise est le personnage principal. Elle a une histoire très complexe avec beaucoup de strates qui s’imbriquent les unes dans les autres. Son histoire s’étale sur toute la discographie de CALVA LOUISE. En réalité, Jess a commencé à écrire cette histoire avant même que le groupe n’existe. Dans cette histoire, il y a plusieurs réalités : notre monde et le monde fractal qui s’y superpose, c’est-à-dire que les événements des deux mondes se déroulent en même temps. Il existe des portails, des lieux de pouvoirs, qui permettent de voyager d’un monde à un autre. Chaque personne a un double qui se trouve dans le monde fractal et essaie de retrouver ce double. Et il y a aussi des histoires de voyage dans le temps (rire) !
Alizon Taho : Il y a beaucoup de strates dans cette histoire et, évidemment, il y a aussi des complications et d’autres mondes que les deux principaux, des entités qui essaient d’empêcher les doubles de retrouver les personnes auxquelles ils sont liés, etc. Chaque album se concentre sur un sujet en particulier. Pour celui-ci, on parle des bonnes personnes qui sont dans notre monde.

Pensez-vous développer davantage l’histoire, par exemple à travers le merch, un livre, des bandes dessinées ou des court-métrages ?
Alizon Taho : On adorerait ! La bande dessinée existe : Jess dessine depuis qu’elle va à l’école (on allait à l’école ensemble), donc bien avant que le groupe ne soit créé et ses dessins sont devenus le livret des paroles du premier album. C’était un peu abstrait, surtout à l’époque parce que c’était difficile de raconter l’histoire dans toute sa complexité et de la rendre facilement compréhensible. C’est une question de temps d’argent mais on adorerait développer davantage ces histoires. Mais à part ça, il y a une quantité infinie de matériau pour raconter des histoires ! L’univers lui-même a un potentiel infini pour en raconter.

À part la sortie de l’album, quelles sont vos grandes victoires de l’année ?
Ben Parker : Cette année a été vraiment importante pour nous, on a été très occupés. On fait notre troisième tournée de l’année, on a joué à 2000Trees (festival de musique qui se tient à Gloucestershire en Angleterre, ndlr), on a aussi joué à ShipRocked aux États-Unis : c’est un festival qui se déroule sur un bateau en pleine croisière. On part de Miami et on navigue pendant une semaine. Il y a plusieurs groupes répartis sur quatre scènes et il y a tout le temps de la musique ! La nourriture était très bonne, la musique aussi !
Alizon Taho : C’était fou ! On est aussi très heureux de la tournée aux États-Unis, c’est un gros succès pour nous parce que ça nous semblait complètement impossible il y a quelques années. C’est très compliqué de faire une tournée aux États-Unis.

Qu’est-ce qui a été le plus compliqué pour vous ?
Alizon Taho
 : On avait besoin de visas qui sont très compliqués à avoir et aussi très chers. En tant qu’artiste, on doit prouver qu’on est légitime à aller là-bas. Il faut aussi payer les billets d’avion, etc. Il fallait aussi qu’on soit sûrs que des fans viendraient à notre concert. On se demandait si des gens allaient venir, si on allait gagner de l’argent ou s’endetter. C’était très effrayant. On avait déjà été aux États-Unis avant, mais pas pour notre propre tournée donc c’était une grande étape pour nous. On voulait aussi faire ça dans de bonnes conditions parce que la vie en tournée est compliquée mais on a passé de très bons moments et je pense que le fait qu’on ait réussi à le faire en restant stables physiquement et mentalement est vraiment un grand succès pour nous.
Ben Parker : On manque facilement d’énergie quand on est en tournée, ça prend beaucoup d’énergie mais avoir une bonne équipe autour de soi aide énormément.

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