25 septembre 2013, 8:27

SATYRICON : Frost


 
Cinq ans après son précédent "The Age Of Nero", le mythique duo Satyr/Frost sort son dernier effort, un album éponyme après plus de vingt ans de carrière. "Satyricon" est résolument différent de ses prédécesseurs, et sans parler des éternelles polémiques que ce genre d'albums suscitent et continueront de susciter, force est de constater que le groupe s'affiche comme une entité à part entière, dont les évolutions suivent le court d'un long voyage musical dont les péripéties n'ont pas fini de fasciner. C'est donc avec Frost que je me suis entretenue à ce sujet, personnage à la fois bavard et réservé mais toujours aussi intéressant, quelques jours avant la sortie de "Satyricon".
 
 
Cela fait cinq ans qu'est sorti « The Age of Nero ». Alors que fait-on en 5 ans, notamment avec un temps de «pause » pour le groupe ?
Frost :  Les deux premières années sur les cinq ont été prises par les tournées pour promouvoir « The Age Of Nero » et nous n'avions jamais autant tourné que cela avec nos précédents albums. Et durant ce cycle de tournées, nous n'avons pas eu l'opportunité ni les moyens de nous concentrer sur quoi que ce soit d'autre que la tournée. On ne pouvait pas écrire ou composer, on avait besoin de plus de temps et d'espace pour cela. Après cela, nous avons senti que le groupe avait vraiment besoin d'une pause afin de pouvoir créer une distance par rapport à « The Age Of Nero », un long processus d'écriture, un long processus d'enregistrement et une tournée vraiment extensive. Et si nous avions recommencé à écrire juste après la fin de la tournée pour « The Age Of Nero » cela aurait été complètement différent. On n'aurait pas pu se détacher de tout ce qui s'était passé, de tous nos ressentis sur « The Age Of Nero ». Nous avons sentis qu'il serait mieux de faire une petite pause, pour que l'inspiration et la motivation reviennent pour y revenir naturellement et partir sur quelque chose qui serait vraiment différent de « The Age Of Nero » et de tout ce que nous avions fait auparavant. Ce qui est effectivement arrivé. On a donc fait cette pause d'un an suivie d'une période de près de deux ans où nous allions dans un local de répétition pour jammer, écrire des morceaux et répéter cela jusqu'au moment où nous pourrions enregistrer et mixer. Et même cela nous a pris presque une demie année environ. Le temps passe vite mais je pense que c'était ce qu'il fallait pour prendre une pause, c'est du temps judicieusement utilisé ; le reste de ces cinq ans n'ont été que du véritable travail et nous y voilà !
 
On peut lire que Satyr trouve que cet album représente complètement ce que SATYRICON est aujourd'hui. Est-ce que tu es d'accord avec cela ?
Je suis complètement d'accord. Je pense que ce nouvel album a un très bon titre car il résume tout ce qu'est SATYRICON  Pour moi cet album est comme un voyage dans un univers musical que nous appelons SATYRICON. C'est notre univers. J'ai l'impression que tout y est et que rien n'a été laissé en dehors, que c'est une bonne présentation de notre groupe. Il y a l'intensité,  ce côté sombre et rigoureux, ce sens d'un danger imminent mais aussi des parties plus épiques ainsi que des parties plus calmes. Notamment ces dernière années, nous n'avons pas su comment les révéler d'une manière aussi convaincante et je pense que cela peut être mis en relation avec le fait que nous avons su cette fois-ci apporter une dynamique chez SATYRICON avec cet album. Ça peut s'apparenter à un virage musical puissant et c'est comme si nous apportions la pièce manquante à un puzzle. Par rapport à la dynamique incorporée dans notre musique, cette base manquante est enfin là. On a pu créer les choses exactement de la manière dont nous les voulions sans avoir besoin de quoi que ce soit d'autre. Et c'était un risque énorme pour nous et une manière vraiment dure pour nous de maîtriser les choses et donner de la valeur à tout ce temps passé. Il nous a fallu du respect mutuel et un dur travail pour y arriver et nous permettre d'aller de l'avant.

Jusqu'à quel point on peut dire que Satyr et toi (Frost) êtes connectés, après 20 ans de collaboration artistique, tout de même ?
Notre lien premier est bien sur SATYRICON  qui est notre terrain commun et l'aire où nous pouvons en fait interagir et communiquer musicalement. Et c'est plus important que quoi que ce soit d'autre. Mais avec toutes ces années, mon respect envers Satyr n'a fait qu'augmenter ; pas seulement en tant que musicien mais également en tant que compositeur et en tant qu'artiste qui a été capable de voir et assimiler une globalité que la plupart des gens n'arrivent pas à se figurer. Pour moi il est de plus en plus devenu plus qu'un musicien : un véritable artiste au fil des années et mon admiration envers lui n'a fait qu'augmenter. Mais également mon respect envers lui en tant qu'individu a augmenté au fil des années avec l'expérience de SATYRICON et il a été capable d'amener le groupe vers tellement de facettes différentes.
 
Est-ce que tu es d'accord avec moi quand je dis que le mixage et le rendu me paraissent très « organiques » ?
Je suis tout à fait d'accord ! Et c'est quelque chose que nous espérions arriver à faire. Un album comme celui-ci a besoin d'être organique pour être vivant. Et beaucoup d'efforts ont été produits pour justement qu'il sonne organique. Les chansons ont aussi besoin de vitalité, elles ont besoin d'une personnification de l'énergie humaine et d'une véritable gravité qui nous a été apportée avec  précision, une présence musicale.  L'étape suivante est que tu veux absolument préserver  cela au travers de l'enregistrement et de la production. Je trouve que cela rend tout vraiment plus difficile pour obtenir un résultat qui est tellement plus « vivant », tellement meilleur en faisant les choses de cette manière. Ça rendra probablement cet album un peu plus intemporel, bien que chaque chose soit spécifique à son époque mais l'énergie et la présence sont des choses que l'on pourra toujours ressentir bout de dix, vingt ou trente ans et qui continuent de communiquer beaucoup aux gens.
 
 
 
"Un album comme celui-ci a besoin d'être organique pour être vivant." - Frost
 
 
Ça a donc été un choix conscient de votre part de ne pas trop utiliser de samples et d'atmosphères pré-programmées ?
Nous voulions que cela sonne authentique, organique et vraiment exécuté par quelqu'un qui voulait vraiment exprimer une sincérité et personnifier l'énergie. Et ce n'est pas vraiment possible de faire cela si tout sonne très plastique, approuvé et trop industriel. Il faut vraiment que le contact avec la puissance se fasse d'une certaine manière. C'est ce que nous avons essayé de faire et j'espère que ceux qui l'écouteront pourront ressentir et comprendre ce que nous avons fait avec cet album.
 
Comment le processus de composition et d'enregistrement s'est il déroulé cette fois-ci pour Satyr et toi ? Cela faisait cinq ans que vous n'aviez pas enregistré, qu'est-ce qui change, qu'est-ce qui reste pareil ?
Nous avons en fait commencé à travailler sur cet album il y a un ou deux ans et d'habitude un album est réalisé de manière plus intensive. Cela prend généralement une année pour créer de la matière, le répéter et obtenir les bons arrangements. Mais de toute manière, ça a été fait différemment que ce que nous faisions dans le passé.. D'habitude, on se retrouvait au local de répétition et testions quelques idées que nous avions déjà.
Cette fois-ci, Satyr et moi nous sommes retrouvé dans le local de répétition  et Gildas, notre membre live était également là avec nous. Il nous a beaucoup aidé, en tant que seconde guitare pendant les jams et cela améliorait considérablement les choses. Tout était plus lourd et meilleur et nous a donné la possibilité d'avoir deux lignes de guitares en même temps. Satyr, Gildas et moi avons écrit ensemble les premières bases et fondations des titres. En tant que batteur j'ai eu l'occasion d'avoir un impact sur les arrangements au moment même où ils se créaient. Tout devient donc plus flexible. Disons qu'auparavant, Satyr pré-composait les chansons et me demandait juste d'y caler des lignes de batterie. Donc tout était presque déjà prêt et fixé. Pas vraiment flexible, et les thèmes sont déjà là tels qu'ils seront. Alors que cette fois-ci, nous avons justement jammé lors de la composition donc si j'ai une idée pour la batterie, elle peut avoir un impact sur les lignes de guitares, changer également le flow et cela veut dire que le thème qui vient ensuite avec le changement en engendrera un autre car ce sera mieux pour l'écriture et les arrangements. On peut dire que ça a crée des structures plus flexibles et puissantes. Il y avait moins de rigidité et plus de place pour la créativité spontanée. Ca pousse également la créativité d'une manière que si Satyr se trouvait là avec sa guitare, essayant de faire sortir quelque chose, aussi vite que l'idée commence à éclore, alors moi ou Gildas nous pouvons aider cette créativité à continuer de marcher. Car il est également inspiré par ce qu'il entend et il y apporte sa propre énergie.  Et nous aurions vraiment perdu tout ce processus et cette interaction s'il n'y avait eu qu'un homme dans cette pièce au départ. Donc c'est quelque chose de différent et je trouve que cela a beaucoup aidé à la créativité et l'innovation pour cet album. Je pense que la créativité est une meilleure solution !
 
Et comment as-tu obtenu un son de batterie si sec ?
Sec... Je ne sais pas si j'utiliserais exactement ce terme. Je trouve qu'elle sonne complètement acoustique et organique. L'album sonne vraiment comme il sonnerait dans une pièce et je trouve qu'il est dans ce sens presque tri-dimensionnel.  J'apprécie vraiment l'effet que cela produit car ça rend tout plus présent, plus vivant et plus près donc ça a un plus grand impact de cette manière là. A plusieurs niveaux, la production montre la présence humaine, il y a de la dynamique pas seulement sur la batterie mais aussi avec les guitares. On s'est porté sur quelque chose qui peut paraître plus amateur. Les guitares sonnent avec les distorsions des amplis. Ça rend envisageable pour un guitariste de jouer d'une manière dynamique et que cela transparaisse sur l'album. Si tu pinces plus fort les cordes ou si tu baisses la tension et joue plus doucement, les choses comme cela… Tout devient plus expressif, plus organique et acoustique, plus analogique. Et c'est quelque chose que nous désirions. 
 
Si je ne me trompe pas, sur le titre Phenix, c'est le chanteur norvégien Sivert Høyem qui apparait. D'où cela vient-il ? En fait je trouve que c'est la chanson la plus mélancolique sur l'album...
Sivert Høyem est un artiste très connu et reconnu. Il est vraiment estimé en Norvège. Il en fait travaillé sur du Dark Rock ou des choses plus ambiantes. Le groupe rock MADRUGADA a été l'un des groupes de rock les plus connus pendant plusieurs années. C'est une personne sombre dans le milieu de la musique rock et alternative qui n'a jamais été lié au Metal. Mais il se trouve qu'il apprécie vraiment le Black norvégien, notamment les groupes plus atmosphériques et émotionnels du Black Metal norvégien. C'est en fait Satyr qui a entendu une de ses chansons solo. Il s'est dit que ça voix correspondrait parfaitement pour interpréter une chanson écrite par un groupe de Black norvégien. Notamment pour lui de pouvoir accorder une véritable place à sa voix. Notre compréhension de cette musique, comprendre comment cette musique pourrait être adaptée parfaitement et différemment avec son grand potentiel. De la même manière, il utilise sa voix d'une manière si particulière, que nous pourrions peut-être l'amener au-delà d'une chanson confortable pour aller encore plus loin, dans une autre direction qui pourrait être plus intéressante. On est entré en contact avec lui et il a été immédiatement enthousiasmé par le projet. Il a commencé à travailler sur une chanson qui a été écrite spécialement pour lui et sa voix. On s'est finalement tous retrouvés pour trouver un moyen de faire fonctionner tout cela. Et je pense que nous nous sommes vraiment débrouillés pour réaliser nos idées, capter et retranscrire le potentiel qui se trouvait dans sa voix combinée à notre musique.
 
(ndlr : les vingt minutes d'interviews accordées se jour-là arrivent bien trop vite sur leur fin et c'est donc quelque peu frustrée que je me vois contrainte d'occulter , attachée de presse britannique ayant la notion du temps oblige, presque la majorité de mes questions pour conclure une interview qui aurait pu durer plus d'une heure si le temps nous l'avait permis).
 
Ma dernière question sera donc sur la longue tournée qui vous attend. C'est drôle car vous aviez dit que SATYRICON ne tournerait pas autant que par le passé et pourtant, j'ai regardé le programme, vous commencez en Septembre avec la Norvège et tournerez en Europe jusqu'en Décembre pour terminer à Stockholm. Donc ça va être une longue tournée...
Oui, ça va vraiment être beaucoup de concerts en ensuite nous partirons en Amérique du Nord, au Japon et également en Australie. L'année suivante sera pleine de shows et de festivals et peut-être encore de la tournée. Je pense que ça va vraiment être beaucoup. La chose la plus importante est que nous puissions défendre cet album et la partager avec nos fans, recréer l'atmosphère et l'énergie de ces chansons dans des conditions live et partager des moments vraiment forts avec le public. C'est vraiment quelque chose que nous espérons réaliser avec toutes ces tournées car je pense que les nouveaux titres fonctionneront parfaitement sur scène à partir du moment où l'on essaie de les retranscrire de manière adéquate.  Nous avons tellement d'estime pour ce nouvel album et son potentiel que ça va être excitant de voir comment tout cela va fonctionner. Vraiment excitant.

 
SATYRICON en concert :
04 novembre - Rouen - Le 106
15 novembre - Paris - La Maroquinerie
16 novembre - Vannes - L'Echonova
17 novembre - Limoges - CC John Lennon
22 novembre - Bourg-en-Bresse - La Tannerie
23 novembre - Strasbourg - La Laiterie
26 novembre - Anvers (Belgique) - Le Trix
11 décembre - Genève (Suisse) - L'Usine
13 décembre - Esch Alzette (Luxembourg) - La Kulturfabrik 
 
L'album éponyme de SATYRICON est disponible depuis le 9 Septembre 2013 chez Roadrunner Records / Warner Music
 
01. Voice Of Shadows
02. Tro og Kraft
03. Our World, It Rumbles Tonight
04. Nocturnal Flare
05. Phoenix
06. Walker Upon The Wind
07. Nekrohaven
08. Ageless Northern Spirit
09. The Infinity Of Time And Space
10. Natt



Début décembre 2013 gagnez votre billet pour aller voir SATYRICON au Luxembourg avec HARD FORCE et KULTURFABRIK !
 
 
Blogger : Leonor Ananké
Au sujet de l'auteur
Leonor Ananké
S'arrêter d'headbanger pour prendre des photos avec un gros appareil au milieu de la folie des concerts : un peu étrange, non ? C'est également ce que pense Leonor en commençant à écrire ses premiers live-reports qu'il faudrait bien illustrer. En peu de temps, c'est devenu quelque chose de naturel et d'exaltant… Jusqu'à ce qu’elle ne puisse plus s'imaginer se déplacer pour un concert sans prendre avec elle son reflex... en plus de sa paire de cheveux. Faire vivre le metal à travers sa dimension visuelle est devenu un véritable activisme, sans pour autant s'empêcher de continuer à réaliser chroniques, live- reports et interviews en secouant toujours aussi frénétiquement la tête.
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