1 mars 2014, 18:54

Que penser du Tribute à Ronnie James Dio ?

Ce fut une grande mode à une époque. A vrai dire, il me semble que la plus grosse promo jamais lancée pour un album Tribute fut celle orchestrée pour la sortie du "Nativity In Black" en hommage à BLACK SABBATH en 1994 : de grands noms du Metal, du Doom, du Stoner et plus communément du Hard-Rock furent réunis pour un vrai sans-fautes, un premier exercice frôlant presque le chef d'oeuvre, combinant tout leur amour et leur admiration sans bornes pour le Metal matriciel du grand SABBATH période Ozzy. Dans la foulée, le "Kiss My Ass" directement orchestré par Stanley et Simmons fut une autre réussite relative et pleinement médiatisée, le groupe décidant de brasser large en invitant un spectre d'artistes autrement plus large et ambitieux, prenant ainsi la température de leur popularité en vue de leur reformation maquillée alors en gestation, annonçant sous peu le MTV Unplugged et donc la tournée triomphale de 1996.

Dans ce sillage, au long de cette vingtaine d'années, nous avons par conséquent vu fleurir quelques relativement bons albums Tributes (SABBATH, KISS, LED ZEPPELIN, une poignée de compiles Classic-Rock reprises à la sauce Stoner), et surtout d'innommables bouses bâclées et torchées en capitalisant à fond sur le patrimoine d'un artiste phare. Et Vendeur. Et... comment a-t-on pu laisser faire ça. On pense surtout aux dizaines et dizaines de sous-merdes notamment montées par l'ignoble Bob Kulick —oui, le frère de Bruce, autre laissé-pour-compte de l'industrie KISS. L'horrible guitariste, vil, chauve et moustachu, requin de studio mercenaire de l'ombre dans les 70's et 80's, n'a jamais vraiment brillé ni par son charisme ni par son talent, et s'est lancé dans la compile cheap en comptant sur son carnet d'adresse et sur les égos démontés de toutes les gloires eighties laminées par le tsunami grunge. Avec le succès des "Nativity In Black" et "Kiss My Ass", le filon "nostalgie", hommage, glorification, reconnaissance et redécouverte d'un artiste majeur via le prisme de la réinterprétation fidèle ou personnalisée est devenu très juteux, une immense majorité de musiciens Hard et Metal, tristement et instantanément devenus has-been dès la tornade "Nevermind", sont TOUS venus cachetonner à la porte du père Kulick. Tous ou presque. Les groupes Hair-Metal étant alors soit morts et enterrés, soit dans des situations catastrophiques quasiment consanguines, la participation aux albums Tributes n'avait en vrai pour dénominateur commun que la facilité ; un peu l'équivalent de l'immense et cynique machine de ces vrais enfoirés d'Enfoirés, l'esprit "charité" en moins. Certains furent des abonnés premium à l'exercice, accumulant les sessions et multipliant les featurings en hommage aux Ted Nugent, AEROSMITH, Alice Cooper, Ozzy Osbourne, METALLICA, DEF MEPPARD, et j'en passe par wagons, peu importe à vrai dire sur QUI on venait chiper une reprise. Hum. Même les plus honorables sont passés par les studios du père Kulick, histoire de boire un coup (Lemmy), d'aller s'auto-congratuler après au Rainbow Bar & Grill en se demandant qui sera le prochain mythe à dépouiller, et donc d'empocher quelques dollars facile — la passe se fait derrière la console, pas sur le matelas — wam bam, thank you mam !

Si l'exercice est finalement un peu passé de mode ces dernières années (allons, ces musiciens ont retrouvé du taf et le sourire avec toutes ces heureuses reformations tournant inlassablement à l'affiche des festivals jouant la carte nostalgie —et puis qui reste-t-il à Tributer ??? Winger ???), mais honnêtement, l'annonce d'un Tribute à Ronnie James Dio, qui nous a salement quitté il y a déjà quatre ans en mai, s'avérait plutôt stimulante au regard des invités et plus encore du sujet principal. Si par contre l'album sortait chez Cleopatra ou Mausoleum avec les mêmes John Corabi, Jizzy Pearl, Alex Skolnick, Greg Bissonnette, Franki Banali, Paul Gilbert, Doug Pinnick et Warren DeMartini, tous aussi peu motivés, toujours aussi faiblement produit par Kulick dans des studios miteux de la San Fernando Valley, mouais, non, beurk, fuck.  

Mais là : Holy Fuck !!! Déjà, caution Rhino Records — pas les plus dégueus. Et outre la mémoire vénérée de l'un des plus grands chanteurs de Metal de tous les temps (au moins trois albums figurant dans le Top 20 des plus grands chef d'oeuvre du Heavy-Metal ever : "Rising" de RAINBOW, "Heaven & Hell" de BLACK SABBATH et "Holy Diver" de DIO en solo), le casting est ici hollywoodien — mieux : cannois. Pensez donc : d'abord le grand classique des amis proches (Doro, SCORPIONS, MOTÖRHEAD, Glenn Hughes, Rob Halford et le club des anciens du Dio Band...), les grands du Metal d'aujourd'hui (un Corey Taylor ultra-respecteux), quelques curiosités (TENACIOUS D que l'on sait ARCHI-FAN), un souffle de jeunesse (HALESTORM), les incontournables ANTHRAX, et d'autres légendes au chrome toujours aussi rutilant : METALLICA, se faisant ici une nouvelle fois plaisir (sont-ils vraiment obligés, mmmh ?), comme ils l'ont d'ailleurs fait si humblement pour DEEP PURPLE l'an dernier avec "When A Blind Man Cries"...

Bon, alors on a donc écouté tout ça, TRES attentivement, assez fébrilement même au vu de l'héritage et d'un tel patrimoine et... et le résultat est mitigé. Pas de quoi sauter au plafond : à moyen terme, on savourera même mieux l'écoute d'une cassette "Lock Up The Wolves", face A et face B complètes dans sa caisse pendant un sale embouteillage.
Le Tribute DIO n'est pas mauvais. Loin de là. Mais ce n'est pas la bombe assurée, ce n'est pas "Nativity In Black". Ce n'est qu'une collection de bonnes reprises, certaines très bonnes, d’autres sans plus.

Allez, les plus attendus : METALLICA le fait bien, évidemment, ils font leur long medley RAINBOW comme ils faisaient leur medley MERCYFUL FATE il y a quinze ans. Mais bon, avec tout notre respect à l’égard de James Hetfield, ça ne fonctionne pas toujours niveau voix, et les arrangements entre les morceaux sont parfois maladroits... 

ANTHRAX, graaaaands habitués des reprises eux aussi (et dès le début, souvenez-vous de leur "I'm Eighteen"), chacun graaaaands amateurs des Tributes de leur côté, ont dû pondre ce "Neon Knight" sabbathien pendant leur session d’enregistrement de l’EP "Anthems", qui n'a d’ailleurs pas été une réussite exceptionnelle dans le sillage du pourtant fabuleux "Worship Music".

Rob Halford est ok. Mais Rob Halford ne peut pas, ne doit PAS être juste OK !!!! Il devrait nous faire son "Painkiller" sur cette cover du mythique "Man On The Silver Mountain" !!! Là, il chantonne — comme moi je chipote peut-être.

Par contre je dirai que Corey Taylor est extraordinaire et à l'aise, n'en fait pas trop mais se sent suffisamment humble et honoré pour tout donner en rendant hommage à la légende, dans une version pleine de tripes, de fougue et de passion de ce "Rainbow In The Dark", d'autant que derrière, Satchel se la pète grave en jouant les über-Vivian Campbell.

On connaissait déjà depuis belle lurette le "Holy Diver" de KILLSWITCH ENGAGE, fort prometteuse mais gâchée par ce break ultra-metalcore déjà plus ringard encore que les jeans neige et vestes à frange de Bruce Dickinson en 1990. Mais bon, leur reprise est tout de même très réussie — ça aurait pu être pire, z’auraient pu choisir TRIVIUM.  

On attendait pile poil TENACIOUS D ici, et ils le font grave sur "The Last In Line", même avec un solo décalé de flûte à bec !

Doro est méga bonne sur ce "Egypt (The Chains Are On)" kashmirien : c'est assurément l'un des grands points forts de ce Tribute tant elle est convaincante.

SCORPIONS fait de "The Temple Of The King" une nouvelle ballade à la SCORPIONS : z'êtes pas trop foulés, mais cette troisième année de tournée d'adieux a été fatigante. Alors on calme le jeu et on se met en mode "Still Loving You". On ne va pas non plus rocker comme des hurricanes jusqu'en 2017 ???

Lemmy s’économise en ne faisant que les choeurs, préférant laisser Biff Byford le soin d’assurer sur "Startruck" version MOTÖRHEAD.  

Les super-tribute-bands d'un jour, jolies partouzes musicales enomajas ("en-hommage-à" en espagnol... Je sors) où l'on se paluche gaiement, il y en a quelques-unes ici : mais attention, c'est de la partouze Champagne, pas de la tournante dans des caves à Kulick : Glenn Hughes attrappe l’arc-en-ciel en compagnie de Craig Goldy, Rudy Sarzo, Simon Wright et Scott Warren dans une atmosphère feutrée, bluesy et majestueuse, tandis qu’entre autres, le père Halford est secondé par Vinny Appice, Doug Aldritch et Jeff Pilson.

Enfin, cerise sur le gâteau, maloik sur le poing clouté, cette outtake de "This Is Your Life" de Ronnie James Dio au piano qui va tous nous faire chialer comme des gonzesses — oui même toi l'ours en t-shirt DYING FETUS ou le panda norvégien : tu vas t'écrouler comme une merde en écoutant ça.
Putain Ronnie....

En définitive, ce Tribute, on en est convaincu, part d’un réel et sincère désir de vouloir honorer la mémoire et le talent de cet immense bonhomme, qui nous manque autant qu’à eux, ces interprètes tous très certainement émus d’y participer. Mais par pitié, que la réussite toute relative de cet énième projet n’annonce pas un nouveau torrent d’autres hommages plus putassiers les uns que les autres... Wendy Dio, on préfèrera mille fois avoir accès à des inédits, du matériel rare, des lives restaurés ou voir toutes les archives possibles et inimaginables à la disposition des fans demandeurs, que de vouloir fructifier l’affaire avec un hypothétique Volume 2 et un Vince Neil retraité reprendre "Children Of The Sea"...

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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