18 septembre 2014, 14:14

PHILM : Dave Lombardo

Le feu sacré !

(© UDR MUSIC - DR)
 


Dave Lombardo ne fait (à nouveau) plus partie de SLAYER depuis février 2013 et parfois l’histoire aime se répéter. Car si Dave avait su rebondir en 1993 de bien belle manière en formant un GRIP INC. adulé des connaisseurs, le batteur fait peut-être aujourd’hui encore plus fort avec la sortie de « Fire From The Evening Sun », le génial deuxième album de PHILM, son power-trio qu’il est prêt à faire entrer dans une toute autre dimension ! C’est tout le mal qu’on lui souhaite et qu’on se le dise : Dave is on fire !      

 

Félicitations pour ce nouvel album de PHILM qui est vraiment très frais et réussi ! N’est-ce d’ailleurs pas trop frustrant d’être sans arrêt questionné au sujet de ton éviction de SLAYER alors que tu as sous le bras ce nouveau projet si excitant ?
Je comprends tout à fait que l’on me pose plein de questions au sujet de SLAYER car ce groupe a une grande importance dans l’histoire de la musique. J’estime d’ailleurs qu’en ayant été un membre de SLAYER pendant si longtemps, je devrai avoir le droit d’en parler aussi librement que je le souhaite. Mais oui, c’est vraiment très frustrant d’être toujours questionné sur SLAYER et de lire des commentaires de gens me disant de passer à autre chose….Je suis passé à autre chose il y a bien longtemps maintenant ! Mais le fait de répondre à ces questions donne l’impression inverse. Que dois-je faire ? Bien que cet enfant ait aujourd’hui 30 ans, je parle là de SLAYER bien sûr, n’ai-je pas le droit de répondre aux questions que l’on me pose à son sujet ? Encore une fois, c’est frustrant mais ce sentiment vient aussi du fait que des sites comme Blabbermouth et Loudwire font beaucoup de publications en tirant à chaque fois une seule phrase de mes interviews, et cela évoque inlassablement mon départ de SLAYER. Mais c’est comme ça, et ça a beau être frustrant, je suis tout de même heureux de faire partie intégrante de l’histoire de la musique grâce à SLAYER.

Il n’y a aucune compétition possible niveau popularité et business, SLAYER étant un groupe majeur, toujours est-il que d’un point de vue créatif, à l’image des années 90 où tu leur bottais plus ou moins le derrière avec GRIP INC et que tu collaborais avec FANTOMAS ou encore John Zorn, on imagine mal SLAYER être aussi créatif que PHILM même si les styles n’ont rien à voir. Ressens-tu un immense besoin de créativité lorsque tu ne fais plus partie d’un groupe à la formule aussi figée que celle de SLAYER ?
Evidemment, il y a des frontières musicales que tu ne dois pas dépasser dans SLAYER et il est vrai que c’est un peu la même histoire aujourd’hui. Je reprends toute ma liberté avec PHILM ! Si je souhaite sortir un disque de thrash pur et dur, je peux très bien le faire avec PHILM, mais je préfère évidemment laisser libre cours à ma créativité et faire absolument tout ce que je veux ! Mais le répertoire de SLAYER est légendaire et ça me va aussi !

Parlons maintenant plus précisément de PHILM. Quand l’aventure a-t-elle débutée ?
PHILM est né en 1995 à l’époque où j’ai rencontré Gerry Paul Nestler. Il est venu me voir à la maison et nous avons vite jammé sur quelques idées ensemble en studio. Nous jouions bien ensemble, il y avait un bon feeling entre nous et j’ai vite remarqué que Gerry était un guitariste plein de talent au style unique. Nous avons donc monté ce groupe en 1995, donné quelques petits concerts et fait des démos, mais personne ne semblait intéressé à l’époque. GRIP INC. était déjà en activité, puis j’ai également commencé à collaborer avec FANTOMAS et TESTAMENT et le temps commençait donc à manquer. Nous avons réalisé que le moment n’était pas venu pour PHILM et nous avons opté pour sa dissolution. Puis en 2010, lorsque Tom (Araya) a dû subir une sérieuse opération du dos puis que Jeff (Hanneman) a contracté cette maladie suite à la morsure d’une araignée, je me suis dit que SLAYER était sur le point de décliner compte tenu de l’état de santé de ses musiciens. J’ai alors ressenti le besoin d’avoir à nouveau mon propre groupe et j’ai recontacté Gerry pour remettre sur pied PHILM ! Heureusement, il était disponible, mais nous n’arrivions pas à mettre la main sur le bassiste d’origine. J’ai fini par rencontrer Pancho, ce bassiste incroyable qui joue dans les groupes de funk légendaires que sont WAR et TOWER OF POWER. Nous jouons tellement bien avec lui, il a tout simplement apporté la pièce manquante à PHILM ! Nous avions besoin de quelqu’un comme lui. Gerry, Pancho et moi-même, lorsque tu nous mets ensemble dans la même pièce… nous sommes timbrés (rires) ! Nous avons une entente musicale immense et on s’entend aussi très bien d’un point de vue personnel (la camaraderie semble être au rendez-vous, un de ses 2 compères venant faire des imitations loufoques d’oiseau plus tôt dans l’interview pour déconcentrer Dave et le rendre hilare !). Nous sommes très créatifs ensemble. En général nous buvons un café ou une bière, puis nous allons en studio, nous pressons la touche « record » et nous accouchons de 3 ou 4 chansons en une nuit ! Nous sommes tellement créatifs que nous avons déjà un troisième album sous le coude ! Il est prêt et il se peut qu’il sorte dans 6 mois ! Nous sommes très enthousiastes au sujet de PHILM, et le niveau de création dans ce groupe est très élevé ! Je suis très fier de mes musiciens et je les considère comme de vrais amis !
 

"J’ai ressenti le besoin de me réinventer.." - Dave Lombardo


L’attention va se porter majoritairement sur toi dans PHILM, pour autant, comme tu viens de le dire, tes 2 partenaires sont excellents ! Ton bassiste Pancho livre des parties de basse remarquables et pleines de goût et de feeling. Il parvient même parfois à jouer du jazz dans cette mixture metal. Peux-tu nous le présenter plus amplement ?
Comme je le disais, Pancho joue avec WAR et de temps en temps avec TOWER OF POWER. Il a beau jouer avec des groupes de funk, il a toujours été fan de metal. Il adore ça ! Il a 10 ans de moins que moi, et en gros lorsque j’avais 21 ans, Pancho en avait 11 et il était fan de « Reign In Blood » qui venait de sortir et qu’il écoutait beaucoup avec ses frères ! Il voulait devenir une rock star en grandissant, et le voilà aujourd’hui en train de jouer ce style de musique aux côtés d’un batteur qu’il a toujours admiré ! Mais cette connexion spéciale que nous avons ne s’arrête pas là car Pancho est aussi un latino, tout comme moi qui suis cubain. Nous parlons en espagnol entre nous et nous nous entendons à merveille ! Lors d’un concert de PHILM, tu peux ressentir que les musiciens sur scène s’apprécient vraiment. On s’amuse et ça se voit !

Pancho a un style dément et il en va de même pour ton chanteur/guitariste Gerry qui possède une approche pour le moins frénétique ! De quelle école vient-il ?
A vrai dire Gerry adore surtout la musique des années 30 et 40 ! Il aime les big bands et c’est aussi un très bon pianiste. Sur le dernier titre de l’album, « Corner Girl », c’est Gerry qui joue du piano pendant que l’on s’occupe de la rythmique avec Pancho. Ce dernier a d’ailleurs pu rameuter le trompettiste de TOWER OF POWER sur le disque ! Pour revenir sur Gerry, lorsque je l’ai rencontré, j’ai flashé sur lui car il avait ce style résolument blues et dans le même temps il pouvait facilement jouer des choses très lourdes et même du punk, mais toujours avec ce feeling blues. J’apprécie beaucoup cela car j’écoutais surtout en grandissant Jimi Hendrix, CREAM, LED ZEPPELIN et Eric Clapton en solo. Le style de Gerry me touche au plus profond de mon cœur ! Gerry est un improvisateur d’enfer et j’adore également sa voix. C’est un artiste unique !

Parlons de toi maintenant ! Ton jeu est toujours aussi génial mais tu t’es complètement réinventé ici. Tu n’utilises par exemple plus ou très peu de double grosse caisse, mais ton jeu n’en demeure pas moins très intense. Ça doit être rafraichissant pour toi de pouvoir explorer à nouveau d’autres aspects de ton jeu n’est-ce pas ?
En fait lorsque j’ai rencontré Gerry, il jouait sur une splendide Gibson Les Paul Gold Top de 1969 ! Lorsque j’entendais les notes qui sortaient de son Marshall, j’avais l’impression de manquer de respect à son instrument en jouant sur un kit metal classique équipé d’une double grosse caisse. Je me suis alors dit qu’il fallait que je joue sur un kit de batterie à l’image de ceux qu’utilisaient les batteurs en 1969. A l’époque, les batteurs jouaient sur des kits 4 pièces. Ils n’avaient pas besoin de plus que d’une grosse caisse, 2 toms et une caisse claire. J’ai ressenti le besoin de me réinventer et j’ai volontairement laissé au placard la double grosse caisse, tous ces toms et cette multitude de cymbales. C’est un défi envers toi-même de jouer avec moins d’éléments de batterie mais cela te permet de recréer ton style ! C’est ce que j’ai fait en tout cas et je pense que cela a été une expérience très positive sur mon jeu de batteur, et cela se sent sur « Fire From The Evening Sun » je pense !       

Oui complètement ! Tes parties sont toujours aussi dingues, si ce n’est plus avec ce kit 4 pièces ! D’ailleurs c’est amusant que les gens te vénèrent surtout pour tes pieds alors que personnellement ce sont tes mains qui m’ont toujours impressionnées ! Je veux parler des roulements comme ceux que tu fais avant le refrain de « Lion’s Pit » par exemple, ils me terrassent à chaque fois !
Excellent choix ! J’adore « Lion’s Pit », c’est un de mes titres favoris de PHILM ! Avec ce groupe je me concentre effectivement sur mes mains et sur le groove, un peu comme si je devais jouer du funk ! Je m’efforce de raisonner autour du beat et de le rendre le plus intéressant possible ! Pourquoi est-ce que j’y arrive ? Parce que je n’utilise plus cet énorme kit de batterie !

"Je suis bien trop créatif pour me contenter de rejoindre une formation déjà existante." - Dave Lombardo


Est-ce un clin d’œil voulu à SLAYER de jouer le break de « Raining Blood » avant le refrain de « Fire From The Evening Sun » ?
Non ce n’était pas spécialement voulu mais cela semblait naturel de le faire. PHILM se concentre sur le feeling et si quelque chose nous donne un bon feeling, alors c’est que c’est censé être là ! Mais de manière plus générale, le break de « Raining Blood », ce « tam-tam/tam-tam » est une rythmique si simple et basique qu’elle peut être utilisée par à peu près tout le monde ! Donc non, je n’ai pas vraiment voulu utiliser une partie de SLAYER, cette rythmique collait juste bien avec cette chanson de PHILM !

La chanson appelait ce rythme n’est-ce pas ?
C’est exactement ça, c’est la chanson qui nécessitait ce rythme !

Votre premier album « Harmonic » était plus expérimental et bruitiste tandis que « Fire From The Evening Sun » est beaucoup plus direct, intense et agressif. Quel état votre état d’esprit cette fois ?
« Fire From The Evening Sun » est une réaction directe à « Harmonic ». En fait j’ai beaucoup lu les réactions des medias envers « Harmonic » et je me suis assuré que sur « Fire From The Evening Sun » nous écrivions de véritables chansons au lieu d’enregistrer certaines de nos improvisations. Je voulais faire un véritable album en quelque sorte au lieu de répéter ce que nous avons fait avec « Harmonic ». « Fire From The Evening Sun » s’adresse donc directement aux journalistes et aux fans, car c’est consciemment que nous avons opté pour leur donner ce qu’ils réclamaient, à savoir plus de chansons pour remplacer les improvisations. En live il en va de même. Nous nous focalisons désormais sur nos chansons et nous n’improvisons plus. Le seul moyen de nous voir improviser désormais, serait qu’au bar adjacent à la salle de concert, ils aient des instruments et que l’on puisse s’amuser après le show (rires)!

Tu es un batteur légendaire, ainsi une fois en dehors de SLAYER, et en tant qu’agent libre, tu as du recevoir pas mal de bonnes propositions n’est-ce pas ?
A vrai dire non, pas vraiment. Mon téléphone est resté assez calme. Bien sûr j’ai beaucoup de connaissances qui ont suggéré que je rejoigne tel ou tel groupe, mais j’y étais farouchement opposé. Mon désir était de créer mon propre truc. Je suis bien trop créatif pour me contenter de rejoindre une formation déjà existante. C’est plus intéressant et mieux pour les fans si je crée quelque chose de nouveau !      

Tu as influencé énormément de batteurs, mais rarement tu te prononces sur tes influences ou sur les batteurs actuels qui te plaisent. Peux-tu en citer quelques-uns ?
Mes influences sont Ginger Baker (CREAM), Bill Ward (BLACK SABBATH), John Bonham (LED ZEPPELIN) et Mitch Michell (Jimi Hendrix), mais il y a plein de batteurs plus actuels qui me plaisent. J’apprécie tout particulièrement Dale Crover (THE MELVINS) mais aussi Gabe Serbian (THE LOCUST), Edgar Livengood (JUCIFER) et Eloy Casagrande, le nouveau batteur de SEPULTURA, qui est phénoménal avec son approche brésilienne qui se fond dans son style brutal.

Des projets de tournée en Europe avec PHILM ?
Oui j’y travaille actuellement avec mon label. J’ai envie de jouer dans plein d’endroits en France. Je veux me produire dans des villes de province et y jouer dans des petits clubs intimistes et faire de même dans les autres pays. Monter une véritable tournée européenne de PHILM fait partie de mes priorités pour l’avenir !  


"Fire From The Evening Son" de PHILM est sorti le 15 septembre chez UDR Music.


  

Blogger : Laurent Reymond
Au sujet de l'auteur
Laurent Reymond
Passionné de musique (et de basket-ball), j'ai fondé mon webzine Heavy Music en 2004 afin de partager mon avis sur l'actualité musicale, tenter de poser des questions pertinentes à mes musiciens favoris et mettre la lumière sur des formations chères à mes yeux. De 2008 à 2012 j'ai officié au sein de Rock Hard, avant de revenir à Heavy Music cette même année et de participer depuis 2014 à l'aventure Hard Force. Une manière de boucler la boucle pour moi, lecteur assidu de la version papier de Hard Force dans les années 90, mon magazine de chevet pendant l'enfance et l'adolescence. Metal, Hard-rock, Classic-rock, Rock sudiste, Stoner, Doom, Rock Progressif, Blues, Jamband, Funk, Jazz...peu importe, pourvu que la musique soit bonne, organique et personnelle !
Ses autres publications

1 commentaire

User
Manu Héliot
le 20 sept. 2014 à 18:45
Chouette interview, riche et instructive. Happy ! <br />
Merci de vous identifier pour commenter
Cookies et autres traceurs

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies ou autres traceurs pour mémoriser vos recherches ou pour réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus sur les cookies : mentions légales

OK