Après les belles mélodies et les ambiances spirituelles d’ANATHEMA la veille, on revient aux fondamentaux. Ce soir c’est du bon gros metol, carré et rutilant, avec les cousins germains ACCEPT.
- ACCEPT ? Mais ils existent encore ? Je les ai vus en 1986 à Paris...
- J’y étais aussi. Eh oui, ils sortent toujours des albums, et à part l’ami bidasse qui est parti, revenu avant de repartir, et le batteur, c’est les mêmes que sur les albums « Restless and Wild » et « Balls To The Wall ».
- Mes héros de jeunesse !
Oui, les héros sont de retour, ils ont même entamé une tournée mondiale après la sortie de leur nouvel album « Blind Rage », et ils sont à nouveau très très en forme, comme on a pu le voir au Wacken l’été dernier. Plusieurs dates sont même sold-out. Et Mark Tornillo, qui a pris la suite d’Udo, a trouvé sa place.
C’est donc avec une joie non dissimulée, mêlée toutefois à un peu de nostalgie, qu’on arrive au Bikini, obligé d’aller se garer à Pétaouchnok. Il y a beaucoup de monde, même que les métalleux ont pris du galon, vu les grosses bagnoles. Et qu’ils fument toujours autant visiblement, le patio est plein à craquer de gars avec de vraies clopes. Des filles et des garçons en noir avec des tee-shirts plus ou moins vieux. On en voit même avec des vestes en jean sans manche et patchées, comme à la grande époque, il y en a même un qui ne porte que les couleurs de groupes français oubliés pour la plupart. Sacré voyage dans le temps. Le stand de merch est copieusement garni, il le sera moins à la fin de la soirée.
Du coup, il est facile de se retrouver au deuxième rang sans jouer des coudes, alors que sur la scène s’affairent quelques techniciens. Tiens, la première partie a caché sa batterie ?
« Non, c’est déjà fini », entend-on. Signe des temps, les concerts commencent tôt et à l’heure. Tant pis pour DAMNATIONS DAY.
La batterie et les colonnes de baffles sont cachées. La sono diffuse de vieux classiques. Il y a même un coup de RAINBOW qui excite le public, parce que le son est monté d’un cran.
Les lumières s’éteignent, les techs déballent les cadeaux, la clameur monte dans la salle et les Allemands sur scène avec "Stampede", le premier single tiré de leur nouvel album. C’est puissant, rapide et fort comme une attaque de stukas. Il y a de la lumière partout. Les colonnes de haut-parleurs aux armes du groupe ne sont là que pour le décor, chacun a son ampli caché derrière, piloté par une tablette bluetooth. Dans le metal, la batterie se doit aussi d’être imposante. C’est le cas ce soir. Elle en jette avec ses gros fûts en l’air, son tas de cymbales et ses deux grosses caisses, même s’il n’y en a qu’une qui est jouée par Stefan Schwartzman, adepte de la double pédale.
Si Peter Baltes a toujours une sacré choucroute, Wolf Hoffmann fait plutôt dans la boule de billard. Ils ont aussi lâché le cuir noir de leur jeunesse, c’est qu’on aime le confort en prenant de la bouteille. Ca va avec les explosions et les flammes d’antan qui ont laissé la place à des jets de fumée, un bon moyen de ne pas avoir trop chaud en tournée. Tornillo affiche un look de biker, en phase avec le goudron qu’il a sur les cordes vocales. Pendant les solos, il se retire sur le côté de la batterie pour siffler une gorgée de Budweiser, c’est vrai qu’il est américain. De l’autre côté, Herman Frank un peu souffrant assure bien comme il faut toutes ses parties de guitare le visage fermé. Tout le contraire de la paire Hoffman-Baltes. Fringants comme des jeunes premiers, spontanés, ils font le spectacle, occupant la scène dans ses moindres recoins, s’amusant comme des gamins sur un solo basse-guitare. Encore une fois, ils ont dû bosser les chorégraphies, ils étaient parmi les premiers à le faire dans les années 1980. Ils sourient, grimacent, de quoi faire de bonnes photos, haranguent les fans avec des « Come on » en pagaille, lancent des médiators, donnent des bouteilles d’eau, c’est la caravane du Tour de France. Et lorsqu’ils s’approchent de leurs micros pour faire les chœurs, essentiels dans la musique d’ACCEPT, on a l’impression d’être face à une tribune alors qu’ils ne sont que trois.
Même si on ne comprend pas les paroles, les chansons du groupe sont faites pour être beuglées par les fans n’importe où dans le monde, tels des chants de supporters. Des trucs en trois syllabes faciles à répéter « Sta-lin-grad », « No-Shel-ter », surtout présents sur les derniers albums, des « Who-wow-wow », des « Ahahahaha » pour les mélodies martiales, "Balls To The Wall" en tête, ou les lignes de guitare tirées du répertoire classique, un gimmick de Wolf Hoffman. C’est facile, mais on prend son pied et c’est le principal.
Vu la moyenne d’âge du public, on aurait pu penser que le groupe ferait comme un tas d’autres qui ont commencé dans les années 1970, en appuyant sa set-list sur les classiques de la période Udo, jusqu’à "Russian Roulette". Râté, sur 21 morceaux, 8 seulement sont tirés des premiers albums, de "Starlight" à "Metal Heart", sans oublier le tonitruant "Fast As A Shark" et son intro folklorique qui précède cette charge de panzer d’un des premiers morceaux de speed metal. Le nouveau disque, « Blind Rage », est à l’honneur ce soir.
Si ACCEPT affiche une quarantaine d’années de carrière au compteur, comme une vieille Merco d’avant l’électronique, le groupe est loin d’être usé. Ce ne sont pas des revenants qu’on voit ce soir, mais de bons musiciens, avec de bonnes chansons et une joie non dissimulée à être sur scène à sortir un très gros show, à part Herman Frank, mais puisqu’on vous dit qu’il est malade ce soir.
Il y a une chanson très connue du folklore allemand, une autre, "Alles hat ein Ende nur die Wurst hat zwei", qui dit que tout a une fin, sauf la saucisse qui en a deux. ACCEPT a démontré ce soir qu’il n’en a pas encore... terminé.
Portfolio par Lilian Ginet.