4 avril 2016, 16:09

DELTA DEEP

Phil Collen au Delta, plane


Photo © Helen L. Collen


DELTA DEEP. Ce nom ne vous dit peut-être pas grand-chose. En revanche, certains de ses membres ne sont pas des inconnus pour les amateurs de hard-rock au sens large. Phil Collen, guitariste de DEF LEPPARD ou bien Robert DeLeo, bassiste de STONE TEMPLE PILOTS ? Ah ben oui, là tout de suite ça cause plus. DELTA DEEP donc est un groupe dans lequel officient Phil et Robert et dont le premier album éponyme est sorti en juin dernier. Vous pouvez écouter ''Down In The Delta'', un extrait de ce premier et excellent disque ci-dessous.
 


Et afin d’en savoir plus, nous vous proposons une interview en intégralité donnée par Phil Collen le 1er avril au The Village Voice. Garantie sans blagues. Interview-fleuve (du Mississippi…)

Grâce à des méga-hits comme ‘’Pour Some Sugar On Me’’ ou ‘’Rock Of Ages’’, Phil Collen a vu le monde par le biais de salles et stades remplis et par les fenêtres de luxueux bus de tournée. Plus récemment, il s’est assis dans un SUV de location dans lequel il a lui-même conduit de ville en ville les membres de son nouveau projet, DELTA DEEP, lors d’une tournée californienne qui a eu lieu au début de l’année.

Collen, âgé de 58 ans, n’est pas gêné le moins du monde de revenir en bas de l’échelle en compagnie de ce groupe très influencé par le blues qui, bien qu’étant un groupe secondaire, est également un super-groupe, entouré qu’il est par Robert DeLeo, le bassiste de STONE TEMPLE PILOTS, le batteur Forrest Robinson (TLC, India.Arie) et Debbi Blackwell-Cook (Luther Vandross, Michael Buble). Ce n’est pas une coïncidence de retrouver cette dernière car elle est la belle-mère d’Helen Collen (la femme de Phil) qui elle, a le rôle de tour manager et photographe. Une affaire de famille donc…

Entre Lemmy, Bowie et d’autres encore, cela a été une période difficile, au regard des pertes subies dans le monde de la musique et les membres de DELTA DEEP n’ont pas été épargnés : la croisière de DEF LEPPARD a été entachée par la disparition du bassiste Jimmy Bain (LAST IN LINE, ex-DIO) ou le décès du partenaire de longue date de Robert DeLeo au sein de STP, Scott Weiland. Lorsque nous avons pu nous entretenir avec Phil sur le chemin le ramenant à sa maison d’Orange County en Californie, il nous a expliqué ce qu’était vraiment le blues pour lui, comment il a pris des cours de guitare sur YouTube et ce qui rend DELTA DEEP authentique.


Pour commencer, de quelle manière DELTA DEEP s’est-il formé ?
Debbi a chanté lors de mon mariage avec Helen et elle passe beaucoup de temps avec nous, et chaque fois que nous sommes en sa compagnie, elle chante. Ma femme a alors suggéré de reprendre une chanson de Paul Rodgers, ‘’Muddy Water Blues’’. Juste comme ça, sans chichis. Donc nous l’avons jouée en acoustique et par la suite, nous l’avons interprétée lors d’une fête de charité à l’Institut Gerson de San Diego. Tout le monde nous a alors demandé : « Où peut-on se procurer ce titre ? », ce qui nous a poussé à commencer l’écriture d’autres morceaux. Ça a commencé comme un truc vaguement bluesy. En pensant à BB King, Jimi Hendrix, Little Richard – ils ont tous joué aux mêmes endroits, quelquefois sur la même affiche. Donc c’était un mélange de funk, de soul et de blues-rock. Mais tout vient du même endroit, le blues. Et je pense que ce que fait DELTA DEEP tient un peu de tout cela. Ce n’est pas complétement blues. Le vrai blues vient de la souffrance, l’esclavage, la douleur, de l’agonie. C’est pour ça que ça me fait marrer d’entendre des musiciens blancs parler de blues. J’ai bien conscience que je ne suis qu’un homme blanc d’âge moyen mais je suis bien au fait de ce que représente le fait de lutter et j’arrive à le percevoir dans la musique et je l’ai entendu dans la voix de Debbie. Elle a traversé un paquet d’épreuves par le passé, tout comme ma femme. Ma femme a perdu deux frères pour des violences à l’arme à feu. Le fils de Debbi a été tué par balles il y a trois ans lors d’un cambriolage. Le genre de trucs qui ne semble pas arriver aux personnes blanches. Tu entends cette souffrance sortir.

Donc Debbi et toi avez pioché dans le répertoire Motown. Comment avez-vous assemblé votre section rythmique et qu’a-t-elle changé au son ?
Oui, nous avons fait des trucs de Stevie Wonder, Smokey Robinson, THE TEMPTATIONS, Tina Turner, j’en passe et des meilleures. Le premier morceau original que nous avons fait, c’était ‘’Miss Me’’. Quand on a recruté les deux autres membres du groupe, ça s’est transformé en quelque chose de vraiment agressif. C’était musclé on va dire. Ça m’a rappelé LED ZEPPELIN quelque part, qui a commencé comme un groupe blues, tout comme THE ROLLING STONES. En tant qu’artiste, c’est ce que tu es censé faire : évoluer. Et si tu restes cantonné dans une boîte, tu ne risques pas de grandir. Tu absorbes et ensuite tu restitues. C’est génial de faire ça.

Comment avez-vous rencontré Robert ?
Par le biais d’un ami, Chris Epting, avec qui j’ai fait mon livre (NDR : Adrenalized : Life, Def Leppard And Beyond – à paraître). Il m’a dit : « Tu n’as jamais rencontré Robert DeLeo, mec ? » et il a ajouté « Il adore la funk et le blues et c’est un dingue de Motown. » Nous nous sommes alors rencontrés et il s’est avéré que c’était vrai. Moi, j’adore STP et les talents de compositeur de Robert, mais je n’imaginais pas qu’il était à fond là-dedans. Pour Forrest, il a été choisi par Joe Sample pour jouer avec les CRUSADERS, ce qui est un véritable honneur. Je l’ai rencontré lorsqu’il jouait avec India.Arie mais il souhaitait tout simplement faire du metal, envoyer de la double grosse caisse bien metal ! Encore une fois, ne pas juger le livre à sa couverture. C’est un grand black de plus d’1m90 avec des dreadlocks. Et quand il nous a rejoints, le truc a explosé, tout sonnait de manière complétement différente.

‘’Bang The Lid’’, ‘’Whisky’’, ‘’Shuffle Suite’’. Ces morceaux sonnent tellement authentiques qu’on pourrait les croire avoir été écrits en 1920. Quel est votre processus d’écriture ?
Tout s’est fait de façon naturelle. Debbi, ma femme et moi sommes à l’origine du truc. ‘’Bang The Lid’’ est ancrée dans le Delta, elle parle de l’esclavage, un truc que je n’aurais absolument pas pu écrire en tant que blanc. Nous avons pas mal de titres valables de côté pour faire un autre album mais on crève d’envie de se remettre à en écrire d’autres et que Robert s’y remette aussi. Plus on est de fous… La plupart du temps dans certains groupes, il y a plein d’obstacles, chacun restant cloitré dans son pré carré. Dans notre cas, ça a roulé tout seul, pas de restrictions et c’est une liberté incroyable.
 


Photo © Helen L. Collen


‘’Bang The Lid’’ démarre avec une partie de guitare slide. Depuis combien de temps en joues-tu ?
C’est marrant ce que tu me demandes. J’ai subi une opération de la main (Ndr : rupture d’un tendon dans une articulation) et j’ai été sur la touche et plâtré pendant six semaines. Au moment de l’enlever, j’étais atrophié, mon poignet était tout mou et je ne pouvais rien saisir avec ma main. Du coup, je me suis dit : « Tu sais quoi Phil ? Tu vas apprendre à jouer de la slide. » Et, Dieu m’en est témoin, je suis allé sur Youtube et j’ai trouvé un tutoriel d’une dizaine de minutes. J’ai écouté de la slide pendant des années mais n’en avait jamais joué. J’ai foncé, écrit une chanson, l’ai enregistré la semaine suivante et voilà comment je me suis retrouvé à jouer pour la première fois sur une guitare slide.

Il y a quelques noms prestigieux sur l’album : Joe Elliott, David Coverdale…
Le premier morceau enregistré pour DELTA DEEP a été ‘’Black Coffee’’ (Ndr : titre de Ike et Tina Turner de 1972) et les musiciens sont Paul Cook et Simon Laffy, qui jouent dans mon autre groupe MANRAZE (Paul Cook n’est autre que l’ancien batteur d’un petit groupe punk, les SEX PISTOLS). Debbi chante sur le dernier single de MANRAZE, il était donc logique qu’ils apparaissent sur ce titre. Ça reste dans la famille, pareil pour Joe et David. J’ai tourné avec WHITESNAKE ainsi qu’avec David Coverdale, et c’est un mec vraiment cool. DEEP PURPLE (avec qui Coverdale a joué de 1973 à 1976) a été le premier groupe que j’ai vu en concert. Donc pour ces deux-là, ce n’était pas du genre « Invitons quelques noms connus. ».

On peut donc qualifier DELTA DEEP de super-groupe et de projet annexe…
Ni l’un ni l’autre. C’est un vrai groupe. Si c’était un projet annexe, je ne serais certainement pas au volant d’un van. Quelqu’un d’autre s’en chargerait. Mais on est à fond dedans. Pour ce qui est du super-groupe, plein de monde le fait et c’est juste un truc avec un nom dessus. Nous, c’est autre chose, on aime ce que l’on fait. Une fois encore, quand tu nous verras en concert, tu comprendras que l’on est un vrai groupe.

DEF LEPPARD est encore en tournée. Comment trouves-tu le temps ?
En ce moment tu vois, je reviens de Los Angeles où j’ai apporté quelques guitares pour DEF LEPPARD (NDR : décidément, Phil pourrait se reconvertir en tant que chauffeur-livreur). C’est assez mouvementé disons. Et je produis également le nouvel album de TESLA. Je retournerai donc direct à Sacramento lorsque j’aurai terminé la tournée avec DELTA DEEP.

Tu es plutôt habitué aux grandes salles et aux foules avec DEF LEPPARD. Comment se sont déroulés les concerts en club avec DELTA DEEP ?
J’ai joué à peu près partout, dans une grotte au Maroc (Ndr : Les grottes d’Hercule près de Tanger) ou au milieu de bottes de foin au Canada donc cela ne me dérange pas le moins du monde. Peu importe la scène, c’est cool. Les fans de DEF LEP qui viennent assister aux shows sont très respectueux. Je pense qu’ils sont un peu épatés car j’y mets autant d’énergie que pour un concert avec DEF LEPPARD. C’est uniquement le contexte qui change.
 


Photo © Helen L. Collen


La croisière organisée par DEF LEPPARD en janvier a été assombrie lorsque Jimmy Bain y a trouvé la mort et, dans une moindre mesure, par le fait que Joe ait eu ses problèmes de voix.
La mort de Jimmy a été terrible. Ce fut une croisière assez bizarre, je dois avouer. Nous ne pouvions pas accoster tellement le temps était horrible. Puis est arrivé le moment où rien n’est sorti lorsque Joe a ouvert la bouche pour chanter. Avec le recul, ça peut sembler drôle car il avait VRAIMENT besoin de faire un break. Il a chanté pendant neuf mois d’affilée avec une pneumonie latente. Le médecin lui a alors dit : « Continuez ainsi si vous voulez perdre votre voix pour de bon. » Maintenant, tout est rentré dans l’ordre. Mais lorsque je mets en parallèle les tragédies du rock avec celles de la vie réelle, ça me fait penser à ma grand-mère par alliance. Elle est morte à Brooklyn à l’âge de 95 ans. Après que l’esclavage a été soi-disant aboli, elle travaillait encore dans un champ de coton et elle n’avait que 5 ans. Elle a économisé et a quitté la Caroline du Nord pour New York et ne savait même pas lire jusqu’à ce que sa petite fille, ma femme, lui apprenne. Quand je compare cette histoire aux malheurs du rock, ça ne fait pas le poids en comparaison…

L’album « Delta Deep » est disponible sur les sites de vente en ligne ou directement sur celui du groupe : http://deltadeep.gomerch.com/
 


"Bang The Lid"
 


"Mistreated" (feat. Joe Elliott) – DEEP PURPLE
 

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
Ses autres publications

2 commentaires

User
bally philippe
le 05 avr. 2016 à 06:45
Xcellent.....!!!!!!
User
UncleFester
le 05 avr. 2016 à 07:03
j'adore le zouk !
Merci de vous identifier pour commenter
Cookies et autres traceurs

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies ou autres traceurs pour mémoriser vos recherches ou pour réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus sur les cookies : mentions légales

OK