Le destin de METALLICA bascule il y a 30 ans jour pour jour. Il est 6h45 quand le chauffeur du tour bus perd le contrôle du véhicule qui transporte le groupe et son crew sur une petite route suédoise. La veille, les musiciens, en pleine tournée triomphale pour « Master Of Puppets », ont donné un concert à Stockholm et ils sont en route pour Copenhague où ils doivent jouer le soir-même. Cliff Burton, le bassiste, sera le seul à ne pas sortir de l’épave. Il avait 24 ans.
Quelques heures plus tôt, Kirk Hammett et Cliff ont joué aux cartes. Ce dernier a gagné et demandé, en échange, à prendre la couchette du guitariste qu’il jugeait plus confortable… Des détails douloureux que l’on découvre dans Back To The Front : A Fully Authorized Visual History of the Master of Puppets Album and Tour, le livre officiel chroniqué ici qui suit la genèse de « Master Of Puppets », de son enregistrement au “Damage Inc. Tour” qui a suivi.
Plus qu’un compagnon de route, Cliff était, pour James Hetfield et Kirk du moins, un véritable ami qu’ils admiraient et dont l’avis était primordial. Posé, réfléchi et passionné, le bassiste charismatique était sans doute le plus mature du groupe. Un personnage emblématique au caractère entier qui n’a jamais cherché à se couler dans le moule du parfait petit thrasher. Il n’y a qu’à voir son look atypique, ses éternels jeans pattes d’éph’ ou le chapeau de paille qu’il portait parfois. Un souvenir de Scott, son grand frère décédé d’une rupture d’anévrisme à l’âge de 13 ans. C’est d’ailleurs pour honorer la mémoire de ce dernier, qui jouait de la basse, qu’il arrête le piano pour se consacrer corps et âme à l’instrument de prédilection de son aîné. «Pour devenir le meilleur bassiste» dira-t-il…
Un bassiste aux goûts musicaux très éclectiques, amateur de musique classique, de jazz ou encore de rock sudiste, dont l’approche de l’instrument à tout de celle d’un guitariste soliste. Témoin le lancinant “(Anesthesia) Pulling Teeth” sur « Kill’ Em All », sur lequel on peut apprécier son utilisation de la distorsion. Comme Lemmy, une de ses influences. Ou encore “The Call Of Ktulu” qui clôture « Ride The Lightning » et “Orion” sur « Master Of Puppets ». Une pièce maîtresse du son METALLICA à qui l'on doit les harmonies de guitares et les orchestrations sans lesquelles les morceaux du groupe auraient été beaucoup plus “pauvres”, dira Hetfield.
“Anesthesia (Pulling Teeth)” live @ Chicago (1983)
On peut se demander comment le groupe aurait évolué si Cliff était toujours de ce monde, tant il est évident qu’une partie de l’esprit METALLICA est morte en même temps que lui. D'autant plus que James, Kirk et lui envisageaient de se séparer de Lars Ulrich à l'issue du “Damage Inc. Tour”. Mais avec des si… Né le 10 février 1962, Burton aurait eu 53 ans. Une stèle, financée par les dons de fans, a été érigée à Dörarp en Suède, pas loin de l’endroit où il a perdu la vie. On peut lire dessus : « Cannot the kingdom of salvation take me home », un extrait de “To Live Is To Die”, présent sur « …And Justice For All » (1988), sur lequel il est crédité. On trouve aussi une plaque commémorative à la Marshall Elementary School de Castro Valley, en Californie. « Thank you for your beautiful music » peut-on lire. La plus belle des épitaphes.