
Joindre l’utile à l’agréable… Ecoutez l’album chroniqué en cliquant sur ce lien.
C’est au crépuscule des années 80 et au sein de l’hôpital Roselund de Stockholm en Suède qu’a lieu la rencontre entre quatre des membres de CLAWFINGER, non pas en tant que patients mais comme employés. Rapidement, ils se mettent au travail et après des débuts couronnés de succès à l’échelon local, le groupe sort chez WEA son premier album, « Deaf Dumb Blind » le 21 avril 1993. Si l’on en croit le groupe, leur maison de disques n’espère pas en vendre plus de 5 000 exemplaires et ce sont finalement plus de 700 000 disques qui sont écoulés. Produit par Jacob Hellner et le groupe lui-même, CLAWFINGER est composé du chanteur Zak Tell, des guitaristes Bård Torstensen et Erlend Ottem, du bassiste Andre Skaug et du batteur Morten Skaug et d’un claviériste, Jocke Skog.
« Deaf Dumb Blind » (Sourd, Stupide et Aveugle) commence très fort avec le single "Nigger" (trois autres extraits voient également le jour), tant sur le fond que la forme. Ce mélange de musique agressive (surtout de par les guitares) et le chant rappé pourrait évoquer RAGE AGAINST THE MACHINE sur le papier mais il n’en est rien. Leur sonorité puise certaines influences chez PANTERA (toutes proportions gardées bien sûr) et bénéficie d’un grand sens de la mélodie. Les paroles du titre mettent l’accent sur le fait que c’est l’homme noir qui, en s’appelant entre eux « nègres » se tire une balle dans le pied. C’est donc un manifeste anti-racisme, ce que beaucoup n’ont pas compris à l’époque. "The Truth" est littéralement collé niveau timing au premier titre et son riff pas si éloigné, ce qui prête à confusion lors d’une première écoute tant l’on croirait que c’est un seul et même titre agrémenté d’une cassure de rythme en son milieu. Je ne sais pas si CLAWFINGER l’a envisagé ainsi mais à l’oreille c’est très efficace. "Rosegrove" sera familier aux fans de FAITH NO MORE, le riff saccadé et les claviers proéminents n’étant pas sans rappeler le gang de Patton, Bottum & Co. Les deux titres "Don’t Get Me Wrong" et "Catch Me" sont moins marquants mais ne sont pas en reste non plus. "Catch Me" cependant remonte le score avec une rythmique faite dans un alliage spécial tant elle fracasse l’auditeur. S’il reste des survivants, "Warfair" la bien-nommée s’en occupe séance tenante. "Wonderful World" n’est pas une reprise de Louis Armstrong (on s’en serait douté) mais du pur jus suédois servi bien chaud. Le refrain complètement décalé est bienvenu et fait sens au nom de la chanson. Lancinant et entêtant sont deux adjectifs qui qualifient "Sad To See Your Sorrow" et l’ombre de FAITH NO MORE plane une fois de plus au-dessus de nous. L’un des meilleurs titres de cet album en tout cas. "I Don’t Care" referme ce premier disque par un autre message fort (à traduire par « J’en ai rien à faire » voire « J’en ai rien à foutre » si l’on élude le politiquement correct) et il contient un petit break de basse bien envoyé qui rappellera ceux de Trujillo au sein d’INFECTIOUS GROOVES.
Si l’on a affaire à un premier disque excellent de bout en bout et qui, à l’époque, n’avait pas d’autre équivalent en termes de son (la voix grave de Zak Tell, grand dégingandé, est idéale), dont les guitares agressives et mélodiques (je sais, je me répète) contribue à son identité, on émettra une réserve sur la trop grande similitude des titres de par leurs riffs et qui donne parfois l’impression d’écouter le même titre un peu trop souvent. Des qualités évoquées mais qui font défaut par moments. On passe outre cependant car à sa sortie, « Deaf Dumb Blind » était une bouffée d’air frais dans un paysage grunge à l’écœurement. Une version augmentée de trois titres ("Get It", "Profit Preacher" et "Stars & Stripes") en 2004 est également disponible. Cet album remporte deux Grammys Suédois (meilleur groupe hard rock et meilleure vidéo) et leur permet de tourner en Europe avec ANTHRAX et ALICE IN CHAINS. CLAWFINGER poursuivra sa carrière discographique en livrant un album tous les deux ans environ jusqu’en 2007, année de sortie de « Life Will Kill You » avant d’annoncer en 2013 la fin de l’aventure. Ils feront ensuite quelques apparitions commémoratives lors de festivals (une par an environ) avec à chaque fois une réponse du public formidable, ce qui est tout à fait justifié vu les performances scéniques des Suédois.
Pour aller plus loin :
« A Whole Lot Of Nothing » (2001)
« Zeros & Heroes » (2003)

