Parce que ce bon vieux Vindsval n’en a jamais assez, malgré les émanations annuelles d’un BLUT AUS NORD jamais à court d’idées, le voilà à nouveau aux commandes d’une entité énigmatique : YERÛŠELEM . Exit cette fois les rivages inquiétants d’un au-delà dont il n’est jamais vraiment revenu depuis l’album « Mort » et bienvenue aux froides dissonances et autres beats mécaniques dont un certain GODFLESH s’est fait le chantre incontesté durant ces trois dernières décennies. Même s’il est vrai que l’influence du groupe de Birmingham était déjà notable sur certains travaux de BLUT AUS NORD (la trilogie « 777 » est en la plus belle illustration), la filiation artistique adoptée ici est on ne peut plus claire, ou obscure c’est selon, et parfaitement assumée. Sauf que YERÛŠELEM ne se contente pas de plagier les commandements des grands anciens, il se les réapproprie le temps d’un voyage de trente-sept minutes dans un monde dont seule sa tête pensante a le secret. Un secret jusque-là bien gardé.
C’est donc toujours flanqué de son compère WD Field aux percussions et bruitages, tout comme Justin Broadrick demeure inséparable de son fidèle G.C. Green à la basse, que le rouennais livre ici une partition de premier ordre, tout en atmosphères, pas si éloignée des sombres registres qui lui sont familiers. Un format duo qui fait des merveilles, une fois de plus. C’est d’ailleurs bien connu, à deux c’est mieux. Surtout lorsqu’il s’agit de lâcher une suite de coups de boutoirs administrés par une main de fer dans un gant de velours (mon dieu ce "Joyless" d’une puissance meurtrière !) ou d’aligner comme le contrôleur zélé une série d'embardées dissonantes qui rappellent à quel point cette musique peut toucher au plus profond de soi. Les poumons sifflent, les rythmiques enflent, la basse bourdonne et fracasse, la schizophrénie elle, guette, tapie dans l’ombre et prête à engloutir tout cru sa proie toute désignée : vous. Et ce ne sont pas ces deux (trop) courtes plages aériennes qui relâchent le climat de tension, au contraire celles-ci distillent un faux calme, sournois, qui fait place nette pour le coup d’après. Le coup de grâce. Magnifié par des notes désincarnées, marque de fabrique du duo, ponctué de déclamations hantées apposant une dimension industrielle, quasi mécanique à cette sinistre entreprise.
Symbole d’une alliance réussie entre mélodies d'acier et dissonances acariâtres, entre rythmiques sombres et vocalises aériennes, YERÛŠELEM délivre ici une oeuvre somptueuse d'un indus-metal ténébreux qui fera frémir petits et grands. Ajoutez à cela un artwork lunaire signé (une fois de plus !) Dehn Sora doublé d’une production imparable que l’on croirait sortie des studios Avalanche (qui ont façonné les pièces-maîtresses de ce même GODFLESH aux début des années 90) et vous devrez vous rendre à l’évidence que « The Sublime » porte décidément bien son nom.