1 février 2019, 17:08

WITHIN TEMPTATION

• "Resist"

Blogger : Sedastian
par Sedastian
Album : Resist

« Resist » a failli ne jamais voir le jour. Après le succès de « Hydra » en 2014 et une longue tournée à travers le monde, WITHIN TEMPTATION s'est retrouvé face à l'angoisse de la page blanche. Les quatre années d'absence du groupe sont expliquées par ce soudain manque d'inspiration, mais également par des problèmes personnels tels que le burnout de la frontwoman Sharon den Adel. Pour en sortir, la chanteuse s'est mise à écrire dans un style beaucoup plus intimiste qui a donné naissance à son premier album solo début 2018 : « My Indigo ». Globalement saluée par la presse, la chanteuse a pu exposer une sensibilité et une vulnérabilité qu'elle a rarement l'occasion d'exprimer avec WITHIN TEMPTATION. Une prise de recul nécessaire pour revenir en force avec ce septième album studio.

À l'époque de la sortie de « Hydra », WITHIN TEMPTATION confessait déjà son envie d'inviter davantage d'artistes à l'avenir. Un souhait réalisé, puisque « Resist » compte trois nouveaux guests, dont Jacoby Shaddix (PAPA ROACH) présent sur le premier single, "The Reckoning". Un titre accompagné d'un vidéo-clip dont le décor désertique rappelle "What About Us?". Seule la partie centrale, mélodiquement proche de "Dangerous Mind", permet d'identifier le groupe. En effet, la profondeur de l'accompagnement musical, ajouté au thème electro et à la voix chaude de Jacoby Shaddix est tout-à-fait inédite et en fait l'un des meilleurs titres de l'album.

Les deux morceaux suivants sont tout aussi incroyables. "Endless War" est une combinaison de styles parfaitement maîtrisée : mélodies très pop soutenues par un rythme rock et agrémentées d'une ambiance electro, mais que la voix lyrique de Sharon vient ramener dans un univers opératique. On appréciera aussi la présence du piano en début et fin. Le lyrisme s'affirme sur "Raise Your Banner" avec, dès l'introduction, des choeurs dignes d'une fin du monde proche. Le thème apocalyptique n'a aucun mal à rester en tête. C'est sur ce titre que Sharon peut explorer les limites de sa tessiture, en allant d'une voix très grave sur les couplets à des sommets sur la fin. À souligner également : le solo de guitare inspiré et l'interlude au violoncelle qui n'est pas sans rappeler "Edge Of The World". En revanche, la performance d'Anders Fridén (IN FLAMES) passe quasiment inaperçue : ce n'est pas sa voix qui fait la réussite du morceau.

L'album devient de plus en plus électronique : le thème de "Supernova" aurait pu être utilisé pour la bande originale de Tron: Legacy. Le morceau dispose d'éléments intéressants tels que des glissandos de cordes et des choeurs masculins au niveau du pont, mais qui prennent malheureusement beaucoup de place, au détriment de la voix, plus en retrait cette fois-ci. L'album subit donc une petite baisse de régime à partir de ce moment-là. Le fait que "Holy Ground" soit très pop n'est en soi pas dérangeant. Ce qui l'est davantage c'est la façon de chanter de Sharon qui ne lui ressemble pas et qui ne semble pas du tout naturelle : le choix du vocabulaire et la soudaine contraction de certains mots est très surfaite. De plus, les paroles adolescentes sont très éloignées de celles plus profondes des premiers titres. Les quelques cris de jeunes tout au long du morceau renforcent cette idée.

Le choix de sélectionner "In Vain" comme deuxième single est assez étonnant. Il s'agit d'un morceau au rythme très R'n'B. L'introduction à la guitare rappelle un LINKIN PARK en pleine gloire ("Bleed It Out") puis tend vers un rythme percussif et un effet de basse à la TWENTY ONE PILOTS ("Heathens"). La chanson manifeste un certain pessimisme quant à l'avenir de l'humanité.

"Firelight" est l'objet non identifié de l'album et atteint des profondeurs en terme de qualité de composition, mais également d'ambiance. Il s'agit d'une très lente complainte dont l'introduction sertie d'une litanie hypnotique (pour ne pas dire soporifique) aux voix tribales revient tout au long de la chanson, comme une incantation magique que l'on répète sans cesse. L'invité, Jasper Steverlinck (ARID), possède une voix très particulière que l'on qualifierait d'androgyne – sensuelle, onirique et très dramatique avec des sonorités antiques. On imagine très bien la scène : une communauté mystérieuse se réunissant un soir de pleine lune autour d'un feu en forêt, entrant dans une transe agitée. Ce morceau aurait dû faire partie du projet solo de Sharon, mais avait été jugé trop sombre. C'est pourquoi il se retrouve sur « Resist », bien qu'il n'y ait pas non plus sa place.

L'écart avec le morceau suivant est abyssal ! Et nous sommes heureux de trouver enfin un tempo beaucoup plus énergique sur "Mad World" – les tempos étant assez lents sur tout l'album de manière générale. Bien que l'influence de "Faster" soit palpable, il s'agit d'une des réussites de l'album.

La douceur s'invite sur cette fin d'album avec "Mercy Mirror", et elle est la bienvenue. Le piano et la voix de Sharon y sont pour beaucoup dans l'ambiance épurée du morceau. À nouveau très pop, il apporte un souffle d'air frais avant le dernier morceau plus dense. En effet, la lourdeur revient clore l'album avec "Trophy Hunter". On y retrouve des choeurs et une ambiance hantée. Si vous écoutez bien, vous pourrez entendre du SIXX:A.M. sur l'introduction et du IN THIS MOMENT sur les couplets.

Ce qui est frappant sur « Resist », c'est le nombre d'effets utilisé. Il y a beaucoup plus d'éléments hybrides que précédemment, et ceux-ci sont mieux intégrés au metal que sur « Hydra » – la production est plus claire. Les ambiances sont beaucoup plus sombres et intenses qu'auparavant et traduisent bien les épreuves qui ont poussé le groupe à écrire ces chansons. Pour renforcer cette sombreur, les tempos ont été délibérément choisis très lents et lourds. On notera aussi le retour de la voix lyrique qui avait quasiment disparue sur les deux précédents albums. Certains qualifieront l'album de commercial. Peut-être est-ce le cas, mais la commercialité d'un album n'empêche pas qu'il soit aussi inspiré et créatif.

C'est sans surprise que l'on découvre que le symphonique a complètement disparu. Il s'était progressivement effacé au cours des deux derniers albums pour aujourd'hui se transformer en un son heavy chargé d'électronique. Mais WITHIN TEMPTATION a bien fait de prendre ces cinq années pour livrer cette réussite musicale. Nous n'avions pas le même sentiment pour « Hydra », dont la sortie semblait avoir été pressée et la réalisation laissée inaboutie. Ce nouveau son est en lien direct avec l'univers dans lequel nous embarque le groupe, très à la mode en ce moment, mais malheureusement largement exploité par des groupes avant eux : le monde en déclin, la prise de pouvoir des machines, la dystopie sont des thèmes présents depuis plusieurs albums chez KAMELOT par exemple. WITHIN TEMPTATION arrive donc légèrement en retard. Ce constat désastreux de l'avenir de notre monde s'associe à une douleur émotionnelle, d'où la perception d'un certain pessimisme dans l'écriture. Par moments, le concept manque de crédibilité. Celui-ci semble ne servir que de prétexte à l'expression musicale. Alors que Sharon décrit « Resist » comme un appel à la résistance envers les autorités supérieures qui cherchent à contrôler nos vies et nous priver de toute liberté, l'album ne fait que décrire un état et ne cherche pas à l'élever. Se concentre sur le mal, pas sur le peu de beauté qu'il reste dans ce monde. Pour un album qui se veut résistant, le message d'espoir n'est pas identifiable. Même si le monde était voué à l'échec, pourquoi ne voudrait-on pas garder espoir ? Nous reste l'espoir que WITHIN TEMPTATION réussisse un jour à élever son concept au niveau de sa musique qui, malgré tout, marquera fortement cette année.

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