"Grand-guignolesque est un adjectif qui qualifie quelque chose d'une abomination exagérée et invraisemblable. Ce terme vient des spectacles du Grand-Guignol, ce personnage de théâtre d'épouvante."
Sans aller jusqu'à affubler le nouveau rejeton de PENSÉES NOCTURNES de douceurs comme "abomination" ou "épouvantable", je dois reconnaître que cette définition colle bien à la peau de ce sixième album de la troupe parisienne. J'aurais du pourtant m'en douter à la vue du credo "Déglingué black metal de ver en vice depuis 2009" trônant en bonne place sur la couverture du nouveau numéro. Ce groupe-là ne fait rien comme les autres et reste avant tout un saltimbanque nourri à l'extravagance et la folie, guettant, tapi dans l’ombre, le bon moment pour engloutir tout cru sa proie. Un peu comme ce vilain Grippe-Sou, planqué quelque part dans les égouts de Derry...
Mais rassurez-vous, ce music-hall d'un temps révolu n'a ici rien d'hostile et les différents spectacles qu'il propose régaleront aussi bien petits (enfin pas trop petits) et grands. Ses compositions ambitieuses aux structures alambiquées, son atmosphère originale qu'il distille tout au long de ces quarante-sept minutes trahissent comme jamais ce souci du détail. Une maîtrise de tous les instants ici mise au service au service d'instruments pervertis : accordéons démoniaques, pianos ivres et autres saxophones délirants, tous réunis pour un sabbat pinderesque !
L'ivresse lourde de "Deux Bals dans la Tête" qui introduit ce disque en est un bon exemple avec ses riffs musclés qui font la nique aux blasts sous un déluge de trémolos. Et quand la trompette de bal musette vient s'en mêler, c'est la fête à Neuneu qui débarque dans le salon ! A moins que ce ne soit ce "Poil de Lune" qui fait la gigue avec le thème du film "Les Temps Modernes" de Chaplin, improbable réunion sur le papier, pour lâcher une bouffée délirante à faire vaciller l'opiomane repenti ? "Les Valseuses" réjouissent, elles, le metalleux qui cherche à s'enivrer de rythmiques droit au but pendant que les choeurs de ""Comptine à Boire" s'embrasent d'énvolées folkloriques. Et le reste me direz-vous ? Un joyeux bordel orchestré de main de maître par Vaerohn, tenancier émérite depuis dix ans de cette maison d'aliénés qui fleure bon la schizophrénie par tous les pores ! Camisole, Camisole mioooooo !