Le quatuor de Stockholm THE MOTH GATHERER est un habitué des productions de qualité, ses deux premieres sorties sont à ce titre de vilaines merveilles post-metal aux ambiances tristounettes du plus bel effet. Et ce n'est pas « Esoteric Oppression » qui me fera dire le contraire tant ses mélodies sombres, ponctuées de riffs de plomb et d'une production d'acier, s'avèrent une nouvelle fois addictives. Pendant près de quarante-trois minutes les cordes et les peaux frémissent avec délice, créant des atmosphères prenantes avec en toile de fond le froid, les ténèbres et la nuit.
C'est dans ce décor glacial que l'introductif "The Drone Kingdom" convie à la même table puissance et lourdeur, toutes deux presque doom, pendant dix longues minutes épiques. Formant ainsi une fresque progressive, aux multiples tonalités, la force de ce morceau réside dans les contrastes avec lesquels il jongle sans fausse note. La performance du batteur, qui cogne comme un damné ou les hurlements du vocaliste, empreints d'un profond désespoir, sont ici bien mises en valeur. Pour sûr, THE MOTH GATHERER n’a pas de leçon à recevoir en matière de noirceur. L'artwork clair-obscur, en forme de porte d'entrée vers un autre monde, en est d'ailleurs la plus juste des représentations. Qui sait ce qu'il se trame de l'autre côté ?
A peine le temps de souffler que le monstrueux "Motionless In Oceania" et sa dissonance entêtante prend des allures de plongée en eaux troubles. Quelques notes planent au loin, comme pour mieux s'effacer avant de laisser la place à "Utopia" ,qui tartine une épaisse couche de bitume sur des rythmiques hurlant leur colère. "Failure Design" est issu du même tonneau, brumeux et menaçant, distillant des ambiances toujours plus sombres, presque méditatives. Peut-être en prévision du final haletant qu'est "Phosphorescent Blight", paré de structures plus nuancées aux mélodies lumineuses, qui arracherait presque un pincement au cœur.
THE MOTH GATHERER propose ici un troisième disque riche, intense, naviguant avec malice entre atmosphères tour à tour ténébreuses et embardées sauvages où les guitares crient leur détresse à qui veut bien l'entendre. Un juste équilibre entre mélodies inspirées et parties atmosphériques sombres, captivantes. Une réussite, tout simplement.