Une note fantomatique résonne au loin. A moins que ce ne soit le souffle d'un vent glacial, drapé dans une brume épaisse. La tempête gronde. Un éclair illumine le ciel puis l'orage s'efface, quelques minutes plus tard, pour laisser place à une volée de grêlons qui s'abat comme autant de grosses billes doom, dures, douloureuses sur les âmes en peine. Contemplant cet obscur spectacle cinq mystérieuses silhouettes s'effacent dans la pénombre, une bougie à la flamme bleutée dans chaque main, pour prendre le chemin d’un autel où trônent des restes d'offrandes noircies. Pas de doute, ATARAXIE est bien de retour.
Et le quintet rouennais n’est pas venu les mains vides puisqu’il propose sur « Résignés » une symphonie d'une heure et vingt-trois minutes de musique. Qui s'apparente plus à une plongée dans un gouffre béant, à errer dans les ténèbres éternelles au son d'une section rythmique monolithique et perverse. Une lente et inéluctable descente dans les entrailles de la bête, qui porte aux nues les charmes de la lenteur, synonyme une nouvelle fois d’ambiance de fin du monde. Comme si la lourdeur se suffisait ici à elle-même, écrasant de son poids toute tentative d'en sortir vainqueur, à l’image de ces rythmiques suffocantes, de cette section rythmique qui tronçonne ou du vocaliste rugissant tel un prêtre possédé. Il se dégage ainsi de ce magma de noirceur une tension permanente qui contraste étrangement avec une certaine sérénité. De celles qui règnent au fond d'un cimetière perdu dans la campagne normande, bordé de grilles en fer forgé et dont la splendeur gothique laisse planer une mystérieuse quiétude. A moins que ce ne soit cette production profonde et authentique qui fleure bon la terre humide et le brouillard impénétrable, ce son qui magnifie l’univers ténébreux d’ATARAXIE et de son doom death victorieux.
« Résignés » ne porte cependant pas si bien que cela son nom. Peut-être parce que l’espoir y est malgré tout bien présent, tout comme la mélancolie, sourde et amère, qui jamais n'a résonné avec autant de justesse que sur ce quatrième épisode. Mais une fois revenu de ce voyage que l’on pensait sans retour, après une quasi heure et demi passée dans l’outre-monde, ce qui interpelle est l’incroyable homogénéité présente tout au long de l’album. Chaque note y est distillée avec une précision et un soin qui confinent tout deux à la thanatopraxie, chaque pièce du puzzle s’imbrique naturellement dans la suivante pour former un tout logique et implacable. Comme une marche dans les ténèbres guidée par une main glaciale mais bienveillante.
Terminus, tout le monde descend.