12 mai 2019, 23:51

METALLICA + GHOST + BOKASSA

@ Paris (Stade de France)

Après des jours de pluie s’abattant sur la France, autant vous dire qu’on a prié Sainte-Evelyne Dhéliat pour que la météo soit clémente et ouf !, elle l'a été pour cette date unique de la tournée des stades de METALLICA en France et son passage à la capitale.

C’est donc par un bel après-midi de mai, le 12 pour être exact, que les Four Horsemen posent leur flight cases le temps d’une soirée au Stade de France, 7 ans jour pour jour après leur précédente venue en ces lieux. Les files d’attente des différentes portes extérieures sont déjà longues d'une cinquantaine de mètres alors que l’après-midi ne fait que commencer. Les bars éphémères et food-trucks sont déjà à pied d’œuvre pour sustenter tout ce beau monde. Chacun porte fièrement ses couleurs du groupe ou celles de GHOST qui, avec BOKASSA, aura l’honneur d’ouvrir pour les Mets. Une joyeuse ambiance détendue et printanière flotte parmi les fans et les bars environnants les font patienter en diffusant les classiques du groupe toutes enceintes dehors (ce qui a pour effet d'attirer le metalleux, tel le chant des sirènes, pour se perdre ensuite dans les abysses houblonnés). 16h30, c’est l’ouverture des portes et la lente procession se met en marche pour gagner son précieux siège ou sa place en fosse, au plus près de la scène.

Pas de scène centrale pour cette tournée des stades, mais une configuration standard avec, néanmoins, le dispositif réservé à la tournée américaine : quatre écrans géants côte à côte avec, aux extrémités, un M et un A géants de la même typographie qe le dernier album, en guise de seul décor. On retrouve le fameux Snake Pit au centre et une avant-scène l’entourant.
 


18h15, les Norvégiens BOKASSA ouvrent le bal devant un Stade de France à moitié rempli et où il est encore possible  de circuler sur la première moitié de la pelouse. Le groupe plébiscité par Lars lui-même et qui s’est offert un petit warm-up la veille au club Le 1999 fait le job avec son thrash/punk/stoner mené par Jørn Kaarstad à la guitare/chant et sa voix rocailleuse à souhait. Le public reste globalement peu expressif mais de-ci de-là, on voit quelques têtes qui se balancent et des metal horns se lever. La set-list est efficace, l’énergie aussi et on voit clairement que le trio prend du plaisir à jouer et interagir avec le public qui se prend au jeu. Petite frayeur pour le bassiste Bard Linga lorsque sa sangle de basse décide de lâcher prise en pleine exécution de "Only God Can Judge Me", le contraignant à jouer un genou à terre le temps qu'un technicien vienne rattacher la vile gourgandine. Ce numéro de jonglage lui vaudra l’acclamation du public pour s'en être honorablement sorti malgré tout. Le groupe achève ses 40 minutes réglementaires sous des applaudissements nourris.

Petite pause et changement de plateau pour l’arrivée de GHOST avec une scénographie réduite pour l’occasion. Ici, point de scène avec promontoire et escaliers blanc, juste une structure en fond, une sorte de paravent aux allures de vitraux, la batterie côté jardin et les claviers côté cour montés sur de petites scènes mobiles. Le soleil apporte sa lumière rasante quand retentit la bande son d’ouverture de «Prequelle» avec "Ashes" et sa comptine inquiétante qui annonce le premier titre interprété, "Rats", qui d’entrée de jeu fait bouger la fosse. Dommage que le groupe s'exprime en plein jour, cela ne lui permet pas de nous faire profiter de l’ambiance que les lumières pourraient apporter, mais bon, l’essentiel est là, le line-up est bien rodé depuis sa dernière mise à jour opérée l’année dernière et l’ajout de vrais choristes et musiciens - musiciennes devrait-on dire - en lieu et place de bandes enregistrées (même s'il en reste encore un peu, la voix du Cardinal est souvent doublée pour donner plus de profondeur à son chant) apporte un vrai plus en qualité et en authenticité de la part des Suédois. Un show raccourci pour l’occasion qui va droit au but et pioche dans la discographie les titres phares à l’instar de "Absolution", "From the Pinnacle to the Pit" et "Cirice" qui font la part belle à l’album « Meliora», l’album de la consécration en 2015.
 


Le très heavy “Faith” et l’instrumental "Miasma" mettent en lumière les Ghouls et à peine les premières notes de "Year Zero" sont-elles jouées que le public s'exclame et s’anime de plus belle. Jeux de lumières et fumigènes apportent un plus notable même si, encore une fois, l’effet est moindre en plein jour. Le Cardinal Copia incarne toujours à merveille son rôle de Monsieur Loyal lubrique et malsain. A la question : "aimez-vous danser ?", chacun comprend qu'il est l'heure d'une "Dance Macabre", avec ses lumières bariolées aux accents de dancefloor. Et le stade se met à bouger sur des sonorités très pop plutôt inattendues en ouverture de METALLICA. Pour ceux qui n'ont pas peur du mélange des genres, ça claque des mains en rythme, ça saute en l'air, bref le titre est calibré pour le live ; après, on aime ou pas l’orientation moins sombre de ce registre dans le répertoire du groupe. Cette prestation sans faille s'achève sur le tubissime "Square Hammer", un GHOST qui a parfaitement joué son rôle de première partie, c'est-à-dire chauffer le public et pour le coup, le public est ravi.

Allez, dernier changement de plateau et la scène se révèle complètement. 21h, "It's a Long Way to the Top (If You Wanna Rock 'n' Roll)" est balancée dans la sono et la ferveur gagne le public. C’est sous un ciel au soleil couchant et au dernier son de cornemuse que les écrans s’allument avec "The Ecstasy of Gold" et Eli Wallach courant à travers ce cimetière gigantesque. Tout le stade entonne la mélodie d’Ennio Morricone qui enchaîne ensuite, avec en montée progressive du volume, l’intro de "Hardwired" et sa caisse claire fracassante. Les Four Horsemen arrivent enfin sur scène. La fosse est littéralement déchaînée et c’est un véritable rouleau compresseur qui déferle sur les spectateurs. Une  foire d’empoigne telle qu’il faudra attendre l’arrivée de "The Memory Remains" pour calmer un peu les ardeurs des plus virulents. Les écrans projetent Marianne Faithfull durant le post refrain repris en chœur par la foule. James Hetfield, toute moustache dehors avec ses cheveux mi-longs blanchissants, nous demande si on aime aussi les vieux titres et "Ride the Lightning" est lâché dans l’arène, ce qui déclenche à nouveau l’euphorie du public. James montre d’ailleurs une aisance vocale qui, par le passé, lui faisait un peu défaut (en même temps, c’est normal, il n’a plus la voix de ses 20 ans). C’est un régal d’entendre ce titre qui affiche plus de 34 ans au compteur et qui, pourtant, ne semble pas avoir pris une ride (the lightning…elle était facile celle-là).
 


S’ensuit un inattendu "The God That Failed" tiré du « Black Album » qui refait surface après des années d’absence et entendu que très récemment lors de leur concerts, en Italie et en Espagne, la semaine dernière. Petite pause avec une intro vidéo sur fond d’accords détachés de "The Unforgiven", le temps pour les techniciens d’installer la guitare acoustique sur son pied, et James commence le riff, suivi par ses comparses, et c’est tout le Stade qui chante la mélodie d’introduction. On commence à discerner qu'il s'agit d'un concert axé sur les hits à travers les âges. James se balade, fait le tour du snakepit, fait mine de faire tomber sa guitare parmi les fans aux premières loges et salue les 80 000 membres de la Metallica family présents dans ce stade rempli jusqu’à la coupole. "Moth Into Flame" déclenche des moshpits un peu partout dans l’assemblée sous les yeux d’un Kirk Hammett ravi à la guitare OUIJA violet pailleté assortie à la batterie de Lars. A la question « Do you want heavy ? » de Papa Het, on sait ce qui va suivre : "Sad But True" martèle de toute sa lourdeur, à grands renforts d’animations sur les quatre écrans où l’on peut voir des marteaux battre la mesure, le tout sur fond coloré bleu et rouge, avec incrustation de captation live du groupe du plus bel effet. James termine la chanson sa guitare tête vers le bas contre la scène et la désaccorde dans une agonie de décibels saturés avant de laisser place à une nouvelle vidéo en musique à l’ambiance inquiétante où des corps flous derrière des parois de verre semblent recroquevillés et prisonniers d’une cellule invisible.

Quelle meilleure illustration vidéo pour accompagner “Welcome Home (Sanitarium)" avec ses lumières blanchâtres et vertes immersives. La nuit tombe désormais sur la Plaine Saint-Denis et les lumières des téléphones portables finissent ce tableau en panorama avant la montée en puissance du morceau. C’est autour de Robert et Kirk de venir au-devant de la scène pour nous interpréter un titre surprise comme ils ont coutume de le faire dans la majorité des pays qu'ils traversent, en reprenant une chanson d’un artiste national connu. Pour nous, ce sera un titre de Johnny Hallyday avec "Ma gueule", chanté par Robert dans un français approximatif. Et le public de hurler « Quoi ma gueule ? » : effet garanti, qu’on n'aime ou pas le Taulier. Robert reste ensuite seul devant pour un petit solo entre plaquage d’accords saturés, slap et mélodies pour arriver à la ligne de basse d'"Orion" en hommage à Cliff Burton, décédé il y a déjà 32 ans durant la tournée de «Master of Puppets». Quand le groupe revient sur scène, c’est sans transition qu’il offre "Frantic", piqûre d’adrénaline directement injectée dans le cœur et là encore, le stade réagit instinctivement, les moshpits sont de mise. Des lasers traversent la totalité de l’édifice dans un balai lumineux "frenetic" des plus "hypnotic tic tic toc" !

"One", avec son intro de champ de bataille et sa cinématique de soldats se transformant peu à peu en armée de squelettes apporte une ambiance des plus solennelles, prenantes et immersives, un très beau travail du côté des animations est à noter sur tout le concert, ce qui plaira aux spectateurs les plus éloignés qui peuvent, à défaut de voir le groupe pas plus grand qu’un personnage de Lego, profiter d’un show travaillé et varié. Vous reprendrez bien du bon vieux thrash avec ça ? Ça tombe bien, "Master of Puppets" déboule sans transition pour le bonheur des fans, des moshs et du 220 bpm, le public chante avec James, ce dernier s’en amuse même, faisant mine de reprendre le chant et puis finalement, non. Le gaillard est d’humeur taquine et joviale, c’est clair, depuis le début du concert, les quatre sont en super forme et tout sourire. Là aussi, le public hurle à tue-tête les notes de la mélodie à deux guitares qui précède l’un des rares solos que Mister Hetfield exécute. Une deuxième batterie s’élève au-devant de la scène et à partir de cet instant, le groupe joue essentiellement de ce spot, plus en avant pour ceux qui n’ont pas la chance d’être au plus près.
 


"For Whom the Bell Tolls" verra Kirk filer en quatrième vitesse vers son technicien pour un problème de coupure de son de sa guitare, vite réparé, et il accompagnera l’ami Robert dans sa fameuse marche de la mygale. "Creeping Death" et son ambiance rouge tout droit sortie des enfers donne aux adeptes du mosh des allures de petit diablotins et comme un seul homme, le public hurle « Die, Die, Die », accompagnant James au chant. "Seek & Destroy" impose au public de sauter sur le final aux accents festifs. Le groupe quitte la scène, c’est le moment du rappel et c’est sous les couleurs du drapeau français qu’il délivre un "Spit Out The Bone", quatrième titre du dernier album joué ce soir, ce qui confirme une set-list aux allures de best of plus qu’une tournée en support au dernier disque, cet exercice-là ayant déjà été réalisé en septembre 2018 ? Les éternelles "Nothing Else Matters" et "Enter Sandman", quant à elles, viennent sans grande surprise clôre la soirée.

Ce soir, 80 000 personnes ont vibré, sauté, crié d’une voix commune avec METALLICA qui nous a offert un spectacle de 2h30 haut en couleur, tout en puissance. C’est rodé, c’est efficace, une machine huilée où l’improvisation n’a pas sa place. Pas de reprises, pas de solo de Kirk (ce qui n’est pas une mauvaise chose), les bémols (coup de vieux de James, plantages rythmiques de Lars, la reprise de Johnny) ont été suffisamment relayés sur les réseaux depuis comme autant de rengaines qu'il n'est même pas utile de disserter davantage à leur sujet.
On repart avec cette sensation d’avoir été à une réunion familiale, celle d'une grande communauté qui s'appelle le metal, présidée par les maîtres du genre, des institutions et des légendes encore bien vivantes, généreuses et aussi authentiques qu'elles puissent être quand on atteint un tel statut.

Blogger : Benjamin Delacoux
Au sujet de l'auteur
Benjamin Delacoux
Guitariste/chanteur depuis 1991, passionné de musique, entré dans les médias à partir de 2013, grand amateur de metal en tous genres, Benjamin Delacoux a rejoint l'équipe de HARD FORCE après avoir été l'invité du programme "meet & greet" avec UGLY KID JOE dans MetalXS. Depuis, il est sur tous les fronts, dans les pits photo avec ses boîtiers, en face à face en interview avec les musiciens, et à l'antenne de Heavy1, dont l'émission MYBAND consacrée aux groupes indépendants et autoproduits.
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