6 avril 2020, 19:30

UN JOUR, UN ALBUM

• TOOL : "Undertow"


Parce que les journées sont longues en cette période de confinement, pourquoi ne pas mettre un petit coup de projecteur sur cet album sorti le 6 avril 1993 ? L'idée n'est pas d'en faire la chronique mais de rappeler quelques faits ou anecdotes que vous ignoriez peut-être sur la carte de visite de TOOL, qui fête aujourd'hui ses 27 ans.
 

• Dans la foulée de l'enregistrement de son premier EP, « Opiate », sorti en 1992, TOOL part sur les routes américaines en première partie de groupes comme CORROSION OF CONFORMITY, FISHBONE ou THE ROLLINS BAND. Henry Rollins fera d'ailleurs une apparition parlée sur “Bottom”, un des titres de « Undertow ». Le groupe expliquera que c'est parce qu'ils avaient joué ensemble au poker et que, ne pouvant honorer les 3 000 dollars qu'il leur devait, l'ex-frontman de BLACK FLAG avait réglé sa dette en faisant ce featuring. Info ou intox ? Avec TOOL, difficile de savoir…
 


• Dès le départ, les Californiens d'adoption sont à contre-courant de ce qui marche aux USA en général et à Los Angeles en particulier. Trop metal pour être grunge à une époque où ce sont les groupes issus de la scène de Seattle, et leurs dérivés, qui règnent en maîtres sur les charts, trop décalés voire barrés dans leur délire en général, ils ne tarderont pas à prouver, en ajoutant des nuances progressives à leur musique, qu'ils sont tout simplement inclassables et uniques en leur genre. Comme le déclarera le guitariste Adam Jones à Guitar World en 1993 : « Nos goûts vont de Joni Mitchell à KING CRIMSON, en passant par DEPECHE MODE et la country. Nous ne somme ni un groupe de metal, ni un groupe de grunge, ni un groupe de rock, ni un groupe de country. Nous sommes TOOL. » Et ils ont aussi une dent contre les groupes de “hair metal” qui squattent la scène de L.A., d'où la colère et l'ambiance de certains de leurs titres composés pour la plupart à l'époque de « Opiate ».

Les quatre hommes font également preuve d'un sens aigu du foutage de gueule. Ils annoncent en effet que leur univers est bâti sur la “lacrymologie”, d'après A Joyful Guide to Lachrymology, ouvrage d'un certain Ronald P. Vincent publié en 1949, selon lequel l'Homme ne peut progresser et se développer qu'en explorant et comprenant sa douleur physique et morale. D'où les larmes sous-entendues par le terme “lachrimology”. Un auteur aussi fictif que son livre, inventé par Jones, mais un mythe qui perdurera pendant plusieurs années…

• Rapidement, Adam s'impose comme le créatif de la bande. Originaire de l'Illinois, il a joué de la basse au lycée dans THE ELECTRIC SHEEP avec Tom Morello, futur guitariste de RAGE AGAINST THE MACHINE, AUDIOSLAVE et PROPHETS OF RAGE (voir 10 Choses à savoir sur Tom Morello), avant de recevoir une bourse pour aller à l'université (on le voit à droite de Morello sur la photo ci-dessous et à l'extrême gauche en cliquant sur la photo live en noir et blanc). Mais il a préféré s'inscrire à la Make Up Academy d'Hollywood. Il y apprend d'abord le maquillage mais aussi, et surtout, la sculpture et la réalisation d'effets spéciaux. Il travaillera d'ailleurs sur plusieurs films à gros budgets, comme S.O.S. Fantômes 2Terminator 2 : le Jugement dernier et Jurassic Park, entre autres. Il maîtrise aussi le stop motion qui sera utilisé dans quatre clips de TOOL, “Sober” et “Prison Sex” (« Undertow ») ainsi que dans “Stinkfist” et “Ænema” (extraits de « Ænima », deuxième album du groupe sorti en 1996).
 


• Faisons un bref aparté sur GREEN JELLÖ, qui se rebaptisera GREEN JELLŸ pour éviter un procès avec Kraft Foods, géant canadien de l'industrie alimentaire et propriétaire de la marque Jell-O qui produit des gelées, entre autres “délices” sucrés. Cette formation hard rock/punk parodique, qui s'est un temps présentée comme « le groupe le plus nul du monde », a eu un rôle de “catalyseur” pour TOOL pour plusieurs raisons. Tout d'abord, Danny Carey, le futur batteur, y a sévi pendant cinq ans sous le pseudo de Danny Long Legs. Ensuite, Jones, qui partage à l'époque un appartement avec le chanteur Maynard James Keenan, a participé à la création de certains de leurs costumes, tandis que ce dernier a fait les chœurs sur leur plus gros succès, “Three Little Pigs”, avant d'apparaître dans la vidéo de “Slave Boy” sur « 333 » (1994). Et son nom est même cité dans la chanson “Green Jellö Theme Song”. Enfin, le quartet signera sur le même label que GREEN JELLŸ, Zoo Entertainment, et c'est Sylvia Massy, qui a travaillé avec les joyeux drilles, qui réalisera le premier EP ainsi que la carte de visite de TOOL qu'ils coproduiront. La boucle est en quelque sorte bouclée (a perfect circle ?).

En 2014, le chanteur, qui fêtait ses 50 ans, et le batteur ont retrouvé GREEN JELLŸ et joué “Three Little Pigs” avec eux… Un registre et une ambiance “colorés” qui contrastent furieusement avec l'univers de TOOL.

 

 

• Sur “Disgustipated”, qui clôture l'album, on entend Keenan tirer quatre fois au fusil sur un vieux piano droit qui n'avait pourtant rien demandé à personne. Avant que Chris Haskett, guitariste du ROLLINS BAND, n'achève le malheureux instrument à grands coups de massue… Précisons que le chanteur a été observateur d'artillerie dans l'armée américaine dans une “autre vie”, alors les armes à feu, il connaît.
 


Adam Jones aimait tellement sa tête d'ampli Marshall Super Bass Non Master Volume de 1976 que pour la préserver au maximum, il la plaçait au frigo entre deux prises. « Un truc que je tiens d'un fabricant d'amplis Fender qui faisait “hiberner” les composants jusqu'à ce qu'ils soient prêts à être utilisés, expliquait-il à l'époque au magazine Guitar School. On ne trouve plus de pièce pour la plupart des amplis vintage. Et si tu changes quelque chose, ton son est altéré. »

• Si “Sober”, qui figurait sur « 72826 », une démo de 1991, n'apparaît pas sur « Opiate » mais sur « Undertow », c'est parce que la maison de disques voulait que les quatre hommes sortent d'abord leurs morceaux les plus heavy. Quoi qu'il en soit, sa vidéo, réalisée par Fred Stuhr, comme “Three Little Pigs” de GREEN JELLŸ (avec un petit coup de main de Jones pour le stop motion), ne ressemble à rien de ce qui passe à l'époque sur MTV. Elle donnera le ton : une vidéo de TOOL, c'est toujours sombre, étrange, déprimant et dérangeant. Et, hormis sur “Hush”, toute première vidéo du groupe extraite de « Opiate », plus jamais les musiciens n'apparaîtront à l'écran. A éviter de préférence un jour de gros blues…

 


• Tout comme celle de “Prison Sex” dont le texte parle des abus sexuels subis par un enfant et qui alterne entre le point de vue de la victime et de son prédateur. « La vidéo montre une personne abusée sexuellement pendant son enfance et qui a enfoui ce traumatisme dans son subsonscient, expliquera le guitariste qui a travaillé sur les effets spéciaux du clip avec le réalisateur Ken Andrews. Adulte, ce traumatisme refait surface quand il abuse lui aussi d'un enfant. Cette vidéo est l'interprétation surréaliste de ce cercle involontaire qui fait d'une victime un futur bourreau. »
Quoique très bien accueillie par la critique et les fans, qui vantent sa créativité et son symbolisme fort, le clip ne sera diffusée que quelques fois sur MTV…
 


• On l'aura compris, l'image a une grande importance pour TOOL. Si la cage thoracique, réalisée par Jones, qui orne la pochette, n'a en soit rien de particulier, les photos du livret vont leur valoir quelques soucis. On y voit en effet une femme très en chair dans le plus simple appareil, puis en couple avec un homme, nu lui aussi, ainsi que la radio d'un homme avec un godemiché dans le rectum. Sans oublier, pour faire bonne mesure, des photos du groupe avec des aiguilles qui sortent du visage. Quant à Maynard, il arbore un étrange appareil en métal qui lui déforme le visage, un peu comme celui que portera Till Lindemann de RAMMSTEIN à la fin de la vidéo de “Mein Teil” en 2004…
C'en est trop pour Kmart et Walmart, deux géants de la distribution américaine, qui retirent « Undertow » de leurs rayons, une vraie perte en termes de ventes, à l'époque, pour un groupe. TOOL rééditera alors l'album avec, en guise de visuel, un énorme code barre et un mot glissé à l'intérieur à l'adresse des fans. « Nous avons appris que de nombreux magasins dans la belle nation large d'esprit qui est la nôtre ne référencent pas « Undertow » en raison de son artwork explicite. Bien que nous détestions être censurés, nous voulons votre argent nous voulons que vous écoutiez notre musique, alors nous l'avons retiré. Remplissez le formulaire, placez-le dans une enveloppe, postez-le et nous vous enverrons l'artwork original gratuitement » peut-on lire dans le nouveau packaging.
Sur certaines versions, quand on démonte le plateau noir du CD, on découvre l'image d'une vache qui se lèche l'anus. Presque aussi souple que le monsieur sur « Ænima » qui pratique l'auto-fellation, tout seul comme un grand (on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même). Photo visible sous le plateau transparent dans les pays moins à cheval sur ce genre de détail finalement insignifiant.
 


• Le cochon qui apparaît sur l'arrière du livret et du CD s'appelle Moe. C'était un des animaux de compagnie d'Adam Jones et, malgré ce que pourraient le laisser penser les fourchettes plantées dans son ventre, il n'a pas été blessé pendant la session photo puisqu'il s'agit, bien entendu, d'un montage…

Paul D'Amour, le bassiste, quittera le groupe en bons termes en 1995 pour redevenir guitariste, son instrument de prédilection. Il sera remplacé par Justin Chancellor (PEACH), un sujet de sa Gracieuse Majesté, toujours en fonction depuis.
 

Discographie 
Undertow (1993)

Ænima (1996)
Lateralus (2001)
10,000 Days (2006)
Fear Inoculum (2019)
 


Un jour, Un Album
RAMMSTEIN : « Mutter »
DOWN : « II: A Bustle In Your Hegderow »
MASTODON : « Crack The Skye »
IRON MAIDEN : « The Number Of The Beast »

Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
Ses autres publications

1 commentaire

User
dark
le 12 avr. 2020 à 09:48
Un de mes albums "pré-mythique" avant l'immense et définitif Aenima.
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