15 octobre 2020, 19:00

Tyler Bryant & THE SHAKEDOWN

• "Pressure"

Album : Pressure

La gifle remonte au 15 mai 2016. Ce jour-là, je me trouve à La Boule Noire, une toute petite salle parisienne, célèbre dans le monde entier pour avoir été le temple de l’un des trois concerts de la journée-marathon que METALLICA a effectuée en 2003. Je suis venu pour couvrir le concert de Tyler Bryant & THE SHAKEDOWN jusqu’alors inconnu au bataillon, du moins en ce qui me concerne. Arrivé dans l’après-midi sur les lieux avec l’équipe HARD FORCE afin d’aider du mieux que je peux à la réalisation d’un reportage vidéo, j’assiste aux balances et le groupe envoie à l’issue trois titres, ces derniers étant filmés pour l’occasion. Et moi, je suis là, abasourdi par ce que je vois et entends. Le doute n’est plus permis le soir même alors que la salle très copieusement remplie d'initiés applaudit de façon extatique et non exagérée ce jeune homme d’à peine 25 ans et qui en paraît presque dix de moins. Le charisme qu’il dégage, sa façon d’appréhender son instrument fétiche – une Fender rose –, la fougue qu’il met à drainer et fédérer le public, tout me sidère. Tyler Bryant concentre une rare dose de talent et en cela frôle l’indécence. Et c’est sans compter avec le répertoire musical ! On est là aussi dans le haut du panier. Ça groove, ça pulse, ça rocke à tout va, mon vumètre interne est dans le rouge ! Un album chroniqué par mes soins puis un deuxième et me voilà en train d’écouter « Pressure », nouveau bébé de ce petit démon du rock blues ou du blues rock, vous vous ferez votre opinion. Une cuvée 2020 forcément un peu spéciale parce qu’année assez spéciale. Hey ho, let’s go!

Ce qui m’a frappé d’entrée cette fois avant d’entendre la moindre note est le titre de l’album, « Pressure » et, plus encore ensuite, les paroles de la chanson-titre qui indiquent que Tyler « sent la pression lui tomber dessus ». Apparemment, tout l’inverse de la réalité (ou alors il cache bien son jeu) car Tyler est la coolitude faite rock, sorte de croisement entre Steven Tyler et Slash pour leur nonchalance et décontraction, tout en brillant même dans le noir. Le bientôt trentenaire met ici les points sur les i d’entrée de jeu avec un titre musclé, foncièrement hard, et expédié en 2mn30. Si le morceau suivant, ''Hitchhiker'', évoquera quelque part un AC/DC avec son gimmick "poum tchac" à la batterie lors du break et associable aux Kangourous, le GPS recalcule notre route en direction non plus de la highway to hell mais vers la Route 66 avec ''Crazy Days'', titre composé en écho à la folle année (de merde) qu’est 2020, avec Rebecca Lovell de LARKIN POE, épouse de Tyler, invitée au chant. Des moments forts, il y en a d’autres et on adhère sans retenue à ''Holdin’ My Breath'', laquelle dégage un groove, accompagnée cette fois de Charlie Starr de BLACKBERRY SMOKE, qui évoquera à certains un petit côté ZZ TOP années MTV, sans que cela soit une remarque négative.

Mise à nue est un terme fort à propos lorsqu’arrive ''Like The Old Me'', chanson toute en retenue et pudeur avec une orchestration dépouillée mais qui remplit l’espace sonore et résonne en l’auditeur comme un orchestre de 40 musiciens. Ou encore ''Loner'', ces deux titres étant assez émouvants de par la mélancolie qu’ils dégagent. On attend et on entend rarement cela de la part d’un artiste aussi jeune car les fêlures, ou du moins leur évocation, sont plus souvent l’apanage "des vieux". N’allez pas croire pourtant que « Pressure » ne joue que sur la fibre émotionnelle ou ne fait qu’emprunter à ses aînés quelques gimmicks que la formation de jeunes loups remet à sa sauce. Du rock il y en a (''Fuel'', ''Backbone'') et une certaine sensualité émane de ''Fever'' (avec un titre pareil, remarquez...) et le blues pur et dur cher au cœur de Tyler clôt le propos lors d’un ''Coastin’'' dépouillé. Cependant, il faut envisager ce disque comme un tout, beaucoup plus éclectique d’ailleurs que ses prédécesseurs sans que cela nuise à l’ensemble. Plus mature ne serait pas le terme le plus approprié, bien que cela puisse s’appliquer au timbre de voix de Tyler qui change avec les années. Il faut plutôt y comprendre que le désormais trio puise dans son expérience déjà conséquente afin de livrer ces 13 nouveaux titres, tous très bons une fois encore. On y est, il ne lâchera plus et on en veut encore. Tyler Bryant & THE SHAKEDOWN ? Incontournables !

Sorte d’OVNI musical, non pas dans le propos, mais par rapport au talent qu’il conjugue avec ses comparses (le batteur Caleb Crosby en tête, Tyler et lui n’étant jamais bien loin l’un de l’autre), le groupe continue d’avancer sur les sentiers poussiéreux du rock et du blues, lorgnant une fois encore du côté du crossroads mythique où, selon la légende, le bluesman Robert Johnson aurait croisé le Diable à cet endroit et lui aurait vendu son âme, lui coûtant la vie à seulement 27 ans. Mais Tyler s’en fout lui, il a 29 ans. Et toute la vie devant lui. Long live Tyler !

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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