23 octobre 2020, 19:00

FEVER 333

• "Wrong Generation"

Album : Wrong Generation

Quiconque était devant l’une des Mainstage du Hellfest en 2019 se souvient de la prestation apocalyptique et dévastatrice de FEVER 333. Pour beaucoup – dont votre serviteur – une découverte et pour la majorité, une révélation. Comment un trio peut-il déverser sur scène une telle énergie pure et rage musicale ? Si le groupe ressort exsangue de sa prestation, le public lui n’en est pas moins rincé, groggy en un magistral K.O. technique. La formation américaine balance des cocktails (Molotov) hybrides oscillant entre metal, hardcore, punk et hip-hop. Si certains voudraient le comparer à RAGE AGAINST THE MACHINE, ils n’auraient pas tout à fait tort bien que FEVER 333 tire et parle ensuite quand le gang de Morello faisait peu ou prou l’inverse, la situation ayant drastiquement changée depuis toutes ces années, en pire s’entend. Après un très remarqué et remarquable premier album en 2019, le groupe originaire d’Inglewood en Californie propose ici « Wrong Generation », un EP composé de 8 titres pour à peine 18mn (quoiqu’avec le nombre de titres qu’il renferme, il se doit d’être défini dans les termes comme un album), ce qui signifie vous l’aurez compris que les brûlots présents sur ce disque sont brefs, concis et vont droit au but.

Je n’évoquais pas RATM uniquement pour son propos musical car le chanteur afro-américain Jason Aalon Butler est lui aussi un activiste militant proactif afin que soit reconnus les droits des gens de couleur. Ainsi, à la suite du décès en mai dernier de George Floyd, Butler se joint aux marches de protestation pendant 13 jours d’affilée. Le quatorzième, il s’attèle à entamer la composition de « Wrong Generation » qui débute par l’accès de colère brut qu’est ''Bite Back'' et ses accents metal indus sur son refrain. Les titres ici se suivent mais ne se ressemblent pas, brassant les influences diverses énoncées en préambule, notamment avec le hip-hop prégnant du morceau suivant, ''Block Is On Fire'' aux paroles explicites et – fort à propos – incendiaires (« Los Angeles brûle, le bloc est en feu ! »). Des paroles pas moins empreintes d’une forte colère lorsque démarre le titre éponyme ''Wrong Generation'' où l’on peut entendre le chanteur déclarer « My Uzi weighs a ton » (« Mon Uzi pèse une tonne »), quelques mots extraits du morceau du même nom à créditer au groupe de hip-hop PUBLIC ENEMY, pas la moindre des références en matière de revendication ethnique et de défense des droits de la communauté afro-américaine. La pavasse dédiée à la mémoire de George Floyd prend la forme de ''You Wanted A Fight'', adressée aux policiers responsables de sa mort et où est hurlée la citation « I can’t breathe ! » (« Je ne peux pas respirer ») que la victime a répétée plus de vingt fois lors de son arrestation avant de succomber. Si vous n’êtes pas plus sensible que cela au crossover pratiqué par FEVER 333, soit vous arrêtez votre lecture à cet endroit soit vous le serez peut-être plus certainement à la faveur de ''For The Record'', concentré punk-rock plié en 2mn et deux secondes. Plus surprenante dans l’ambiance de ces huit titres est ''The Last Time'', en l’occurrence un simple piano-voix délicat porté par la voix toute aussi délicate de Butler avant de clore les débats avec la sautillante ''Supremacy'', qui évoquera à certains le giron musical emprunté par un groupe comme P.O.D. ou 311.  

« Wrong Generation » est un recueil de chansons à caractère, sinon politique du moins citoyen, et qu’on ne peut dissocier du mouvement Black Lives Matter dont la résonnance a dépassé les frontières des Etats-Unis pour que son écho arrive jusqu’aux oreilles du monde entier. FEVER 333 n’en fait pas moins avec ce « Wrong Generation » (« Vous avez déconné avec la mauvaise génération » avertit le chanteur), la musique étant un langage universel. Et si le propos développé dans les textes de Butler se trouverait amoindrie par les personnes ne maîtrisant pas la langue de Shakespeare, la musique du groupe se suffira peut-être à elle-même afin de faire lever le poing à certains. Et si tant est que ces mêmes personnes aient lu attentivement et avec intérêt cette chronique, ils savent désormais de quoi il retourne.

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
Ses autres publications
Cookies et autres traceurs

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies ou autres traceurs pour mémoriser vos recherches ou pour réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus sur les cookies : mentions légales

OK