25 mars 2021, 19:17

LE JOUR OÙ…

Steve Vai devient le guitariste du Diable


En 1986, Steve Vai apparaît sur grand écran dans Crossroads, le Chemin de la gloire pour jouer… le guitariste du Diable.

La légende raconte que Robert Johnson, légendaire bluesman américain né vraisemblablement en 1911 dans le Mississippi, était un musicien médiocre. Vexé que Son House, guitariste de blues qu'il idolâtre, lui ait dit un jour qu'il jouait très mal, il disparaît pendant un an. Quand il réapparaît, c'est un virtuose et un excellent chanteur. Le public est à ses pieds. Il raconte alors qu'il a rencontré le Diable au carrefour ("crossroads") des routes 49 et 61 à Clarksdale, dans le Mississippi. Et qu'il lui a vendu son âme en échange du talent, de la gloire et de la fortune. Ce dont il parle d'ailleurs dans plusieurs de ses chansons, dont "Me And The Devil Blues". 

Influence assumée de Jimi Hendrix, LED ZEPPELIN, AC/DC, BLACK SABBATH, Eric Clapton ou Keith Richards des ROLLING STONES, pour ne citer que quelques-uns de ses disciples, Johnson mourra à 27 ans. Et deviendra le premier d'une série de grands artistes foudroyés à leur zénith au même âge, le "fameux" Club des 27 qui compte également Hendrix, Brian Jones des STONES, Janis Joplin, Jim Morrison des DOORS, Kurt Cobain et Amy Winehouse.

Pourquoi cette digression sur Robert Johnson et son fameux "carrefour" me direz-vous ? Parce qu'il a inspiré en partie le film américain Crossroads, le chemin de la gloire, sorti en 1986. Une fiction qui suit Eugene "Lightning Boy" Martone, incarné par le jeune Ralph Macchio, tout auréolé du succès de Karaté Kid (1984), un guitariste de 17 ans fasciné par l'histoire du légendaire bluesman, qui rêve de mettre la main sur sa 30e chanson perdue. Willie Brown, alias Blind Dog, (John Seneca), un vieil harmoniciste qui a joué avec Robert Johnson, accepte de la lui donner à condition qu'il l'aide à sortir de prison et qu'ils effectuent ensemble un voyage, initiatique pour le jeune musicien, au Mississippi. L'histoire révélera que Blind Dog a lui aussi vendu son âme au Diable…

Jack Fusco, dont le scénario, qu'il a écrit dans le cadre de sa thèse de Master, lui avait valu de remporter le FOCUS Award avant que Columbia Pictures n'en acquière les droits, raconte que Jimmy Page, Keith Richards et Johnny Winter s'étaient montrés très intéressés par le rôle. Et que le nom de Stevie Ray Vaughan avait même été brièvement évoqué. Mais c'est Steve Vai, alors âgé de 26 ans, découvert par le fantasque Frank Zappa qui le surnomme « l'acrobate de la guitare », qui décroche le rôle tant convoité. Le virtuose new-yorkais, qui a sorti son premier album solo, « Flex-Able », en 1984, rejoindra David Lee Roth avec qui il enregistrera ses deux premiers albums, dont le jouissif « Eat 'Em And Smile » (1986).

Climax du film : pour sauver l'âme de son ami harmoniciste, mais aussi la sienne, Eugene/Macchio va affronter, le temps d'un duel de guitares épique, Steve Vai – Jack Butler dans le film – un guitariste qui a vendu son âme au Diable… Pourtant, le jeune acteur ne savait pas jouer de guitare avant le tournage et n'a décroché le rôle que parce qu'à l'époque, il était "bankable". Et que dans les années 80, les teen movies (E.T. L'extraterrestre, Retour vers le futurLes Goonies…) ont le vent en poupe. « C'est marrant parce qu'il m'arrive encore de rencontrer des gens qui me disent : "Il t'a battu !", confiait Steve Vai en rigolant voilà deux ans au détour d'une interview. En fait, je lui ai appris à faire semblant. Arlen Roth et moi avons travaillé avec Ralph pendant tout le film pour qu'il soit crédible. Arlen a eu un rôle très important. » 

Pendant plusieurs mois, ce dernier a en effet donné quatre cours de guitare par semaine à l'acteur, histoire qu'il ne soit pas ridicule à l'écran. Du coup, pendant la fameuse scène du duel de guitares sur "Eugene's Trick Bag", composé par Vai et largement inspiré de "Caprice #5" de Niccolo Paganini (que certains prenaient pour le Diable en raison de son exceptionnel talent), c'est uniquement lui que l'on entend – sauf sur les parties de slide dont s'est chargé Ry Cooder, qui a également produit la B.O. du film. En 1995, Steve utilisera certains riffs du morceau dans "Bad Horsie", un des titres du EP « Alien Love Secrets ». 

Ralph Macchio, réapparu voilà deux ans dans la série Netflix Cobra Kai, n'a pas démérité, même si le placement de ses doigts au moment du solo ne correspond pas à ce qu'il joue. Mais c'est bien Vai qui mérite le prix d'interprétation pour ne soi-disant pas arriver à passer la fin du solo… Le Diable a perdu, alors, fair-play, il déchire le contrat qu'avait signé Blind Dog. Un happy end, même si une seconde fin dans lequel l'harmoniciste mourait avait également été tournée.
 


Pourtant, Arlen Roth, dont le nom n'apparaîtra finalement pas dans les crédits pour quelque obscure raison, était contre le fait que ce soit Steve Vai qui affronte le gentil héros dans la scène majeure du film. Il le jugeait « beaucoup trop heavy metal » à son goût et regrettait que le film, axé sur le blues, se termine non pas sur le duel qu'il avait enregistré avec Ry Cooder, mais sur du « metal néoclassique ». Il est vrai qu'en 1984, le virtuose avait remplacé Yngwie Malmsteen, considéré comme le créateur du genre, au sein d'ALCATRAZZ… Mais même si l'on ne peut pas donner totalement tort à Arlen Roth, il ne faut pas oublier que l'acteur joue le rôle d'un jeune prodige qui, au départ, étudie la guitare classique à la Julliard School de New York. Et que de tous les musiciens stars pressentis, exception faite de Page, c'était bien Vai qui avait le plus "la gueule de l'emploi" pour incarner le méchant. Roth précise toutefois qu'il est devenu très ami avec Steve pour qui il dit avoir le plus grand respect. C'est bien la moindre des choses…

« J'ai adoré cette expérience, se souvenait Vai en 2012 à l'occasion d'une interview avec StuffC'était génial de jouer le rôle d'un guitariste avec un gros ego – ça me ressemble si peu (rires) ! Ce qui est marrant, c'est que les amis de mon fils me connaissent principalement comme "le guitariste qui a joué dans la scène finale de Crossroads", ce qui les impressionne beaucoup. Et ça me va très bien. »

Pas sûr que ce film ait donné envie à une génération d'ados de découvrir le Delta Blues et ses pionniers, mais en tout cas, il aura montré au grand public la beauté et la puissance de la six-cordes. Et créé quelques vocations. « Le film Crossroads m’a bouleversé, expliquait Mark Tremonti, guitariste d'ALTER BRIDGE à HEAVY1 en 2019. J’ai dû le voir au moins 100 fois. 80 % du temps, j’avançais jusqu’au duel final, mais ça a été le déclic pour moi ». Quant à Nita Strauss, qui accompagne Alice Cooper depuis plusieurs années, elle disait que c'est cette scène qui lui a donné envie de se mettre sérieusement à la guitare. A l'époque, elle ne jurait pourtant que par la gymnastique. Et elle avait un très bon niveau puisqu'elle était remplaçante dans l'équipe olympique américaine. Finalement, comme Vai, elle est devenue une "acrobate de la guitare"...

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Blogger : Laurence Faure
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Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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