3 octobre 2021, 15:47

Pat O'May

Interview

Le guitariste plutôt habitué aux douces sonorités folkloriques a décidé de montrer les dents avec « Welcome To A New World ». Un nouveau disque dont les 12 morceaux tournent autour d’un personnage très énigmatique, un certain Mister No Face, qui au passage, devrait vous rappeler un célèbre film de science-fiction... Un concept-album donc, qui ne manquera pas de vous faire voyager, comme à sa grande habitude.


Salut Pat, j’ai cru comprendre que tout n’a pas été simple jusqu’à la sortie de ton nouvel album ?
L’album aurait dû sortir l’année dernière en mai ou juin, cela a été compliqué à cause de la COVID. La tournée a d’abord été annulée, plus de 50 dates, ce qui fait très mal ! Il a donc fallu reprogrammer sa sortie et décaler l’enregistrement, ce qui m’a donné plus de temps pour le peaufiner. En avril dernier, on s’est demandé si on le sortait bien en septembre. Quand on n’a pas de dates prévues, c’est un album qui tombe à l’eau. C’est comme ça, si tu ne tournes pas avec un album, tu ne le vends pas, et avec toute l’énergie que nous avons donnée depuis deux ans... Nous avons donc fait le pari de le sortir effectivement en septembre. Et tant bien que mal, je pense que nous allons réussir à faire des concerts. Sûrement avec des taux de remplissage qui ne seront pas les mêmes que d’habitude, mais il faut bien qu’on avance. Si on avait retardé encore sa sortie, cela aurait fini par être un album qui sortirait de mes radars. Je suis quelqu’un d’assez prolifique et pour l’instant, je suis dedans. Mais si on m'avait dit qu’il devait sortir dans un an, d’ici là, je serais à coup sûr sur un autre projet.

Je rebondis sur le fait que tu as eu la possibilité de le peaufiner, pour toi c’était finalement un mal pour un bien ?
Je pense que j’aurais pu m’en passer, car je l’aurais peaufiné différemment. Musicalement, tout l’album était déjà écrit fin janvier 2020.

Donc, le concert à Paris le 22 septembre dernier au Café de la Danse a été de vraies retrouvailles ?
C’était le premier concert qu’on allait faire avec le groupe depuis un an et demi. La dernière fois remonte au 28 février à Quimper avec Patrick Rondat pour "Les Deux Pats". J’aime tellement rencontrer les gens, cela fait partie de ce qui m’inspire, échanger, c’est le cœur de mon métier !

Est-ce que pour toi cette période a tout de même été productive ?
J’ai connu plusieurs états. D’habitude j’arrive à gérer trois projets en même temps, c’est mon fonctionnement. Je me suis retrouvé en début de confinement avec 3 semaines de tournées annulées, de belles salles avec un remplissage qu’on n’avait pas vu depuis longtemps, une première claque. Plus tard cela passe un peu, je commence à rebosser sur l’album, je pensais alors qu’au mois de juin on pouvait repartir. Et là, seconde claque vu que ce n’était pas possible. Subitement, je me suis retrouvé à ne plus pouvoir gérer trois projets à la fois. Et sans que je m’en aperçoive tout de suite. Une sorte de léthargie s’est installée, de façon insidieuse, le matin je me levais sans avoir envie de faire quoi que ce soit. Avec le début des répétitions et de l’enregistrement, je me suis remotivé, mais cela a été les montagnes russes pour moi.

« Welcome To A New World » sonne globalement plus heavy et moins folk, tu as voulu durcir le ton ?
Je crois qu’à l’écoute c’est assez clair (rires). Je suis victime de mon inspiration, je ne la contrôle pas. Je ne me suis pas dit que j’allais faire quelque chose de plus dur, ou ne pas mettre d’éléments celtiques. Quand je suis parti en me disant que j’allais écrire un concept-album, je me suis posé la question : « Et si je racontais une histoire qui allait durer une heure ? ». Depuis longtemps dans ma musique, j’aime raconter des histoires, c’est mon truc de pouvoir faire voyager les gens. J’ai donc commencé à rentrer dans le sujet en trouvant cette idée de "Mister No Face" qui se demande comment il en est arrivé là, puis j’ai développé. J’ai écrit le premier morceau, "I Shall Never Surrender", quelque chose de très cool mais qui envoie un peu, on part après sur une ballade, puis on revient dans le dur... en tout cas, je ne le calcule pas à l’avance. Je prends ma guitare, je me mets derrière mon ordinateur, je m’ouvre et les choses arrivent. Et figure-toi que l’ordre dans lequel j’ai écrit les morceaux est le même que celui de l’album ; la fin de "I Shall Never Surrender" m’a fait découvrir "Grinch", et la fin de "Grinch" m’a amené l’autre morceau "Anything I Want", et ainsi de suite. Un peu comme si je tirais le fil d’Ariane en toute fluidité.

Je reviens sur ce fameux "Mister No Face", à quel moment a-t-il été matérialisé ?
C’est à partir du quatrième morceau que j’ai commencé à le travailler graphiquement. Je suis tombé sur cette silhouette de businessman qui incarne justement ce concept de base : comment se libérer de nos peurs qui nous emprisonnent.

Quand on le voit, on ne peut s’empêcher de penser à l’agent Smith dans Matrix, qui pourrait symboliser la théorie du complot. Par rapport au message que tu veux faire passer, est-ce que tu n’as pas peur qu’il soit mal interprété, surtout en ce moment ?
Si les gens font ce genre de parallèle c’est dommage car ce n’est pas ça du tout. Et ce concept n’a rien à voir avec la situation dans laquelle nous sommes, mais il se trouve que ça se télescope. Tout ce que j’ai écrit a été fait avant qu’on se retrouve dans cette situation de COVID, mais ce foutu télescopage est assez impressionnant. En tout cas, tu es le premier à m’en parler.

Cet album a été masterisé au prestigieux studio Abbey Road à Londres, pour le commun des mortels quel est l’apport de ce lieu ?
C’est une longue histoire. C’est le quatrième album que je masterise avec Alex Wharton à Abbey Road, sauf cette fois où je ne pouvais pas être présent pour les raisons que tu connais... Pour moi, Alex c’est un magicien et j’ai un énorme respect pour ceux qui font du mastering. C’est un art ! C’est la dernière opération qui a lieu entre ce que tu as enregistré et ce que les gens vont écouter. Tu peux ruiner un album ou lui donner 50 000 couleurs. Et Alex n’est pas là que pour corriger, il possède ce génie de révéler des choses et cette créativité que peu vont avoir. Je n’ai jamais vu quelqu’un travailler avec autant d’implication dans un projet. La première fois qu’on a mixé ensemble sur un précédent album, il avait réussi à entendre un coup de médiator sur la caisse, alors que j’avais écouté 500 fois ce morceau sans jamais m’en apercevoir.

On ressent une grande profondeur à travers ces 12 chansons, certaines durent même 8 minutes. Quel est celle qui t’a le plus marqué lors de sa composition ?
C’est difficile (hésitation). J’aimerais te dire autre chose que tous, mais c’est un peu le cas. Je vais quand même citer "In This Town", avec ce riff qui m’éclate et aussi dans les différents solos. Quand tu vois le clip, il n’y en a qu’un, alors que sur l’album il y en a deux, et dans ce solo qui se trouve sur la vidéo, il y a quelque chose de fort...


​Tu as l’habitude de participer à des masterclass, est-ce que pour toi la transmission de ton savoir est aussi importante que le live ou la composition ?
Oui, parce que lorsque j’ai commencé la guitare, j’aurais adoré qu’il y ait des masterclass. Je fais partie d’une génération où il n’y avait quasiment pas de professeurs de guitare, et certainement pas d’école type MAI (Music Academy International, NDR), ni même de vidéos pédagogiques. Partager, c’est un bonheur, mais donner des cours ce n’est pas du tout ma came, cela ne m’intéresse pas. Le principe des masterclass est de partager ton expérience, c’est ce qui m’intéresse et le Guitare Camp, j’adore !

Est-ce qu’un guitariste de ton niveau continue de se challenger ?
J’apprends tout le temps. Ma façon de me challenger, c’est par exemple sur cet album, au niveau de la composition des solos. Je ne me demande pas si je vais être capable de les jouer facilement. Je fais les choses et après je me rends compte que cela devient compliqué (rires). Aussi au niveau du rapport chant/guitare, entre ce que je joue et ce que je chante, la plupart du temps, cela n’a rien à voir et c’est un défi à chaque album. Au niveau des chorus de guitare, j’enregistre dix ou vingt pistes de solos et après, je fais un montage. Je me retrouve alors avec des choses improbables à reproduire, mais qui, selon moi, racontent une histoire. Et quand je garde telle ou telle prise, je me fous de savoir si à jouer cela sera compliqué. Même si c’est injouable, je vais me débrouiller pour que cela le devienne... mais il y a des trucs que je n’ai jamais pu refaire. (rires)

Toi qui ne t’arrêtes jamais, quels sont tes prochains et sûrement nombreux projets ?
Il y a quelques musiques de films qui sont en train de se dessiner, il y a aussi l’écriture d’un spectacle et un projet avec des gamins pour une école. Il y a le prochain Guitare Camp sur lequel je prépare la programmation. Dans les deux semaines à venir, je dois finir de monter les vidéos qui passeront à l’arrière du show. Je fais cela sur DaVinci Resolve. J’aime bien le montage, c’est comme l’artwork, c’est moi qui l’ai fait sur Photoshop, je n’ai pas toutes les techniques, mais je mets toutes mes idées et après, je file cela a un mec qui va peaufiner les détails.
 

Christophe Babin, Pat O'May, John Helfy
Blogger : Jérôme Graëffly
Au sujet de l'auteur
Jérôme Graëffly
Nourri dès son plus jeune âge de presse musicale, dont l’incontournable HARD FORCE, le fabuleux destin de Jérôme a voulu qu’un jour son chemin croise celui de l'équipe du célèbre magazine. Après une expérience dans un précédent webzine, et toujours plus avide de nouveautés, lorsqu’on lui propose d’intégrer l’équipe en 2011, sa réponse ne se fait pas attendre. Depuis, le monde impitoyable des bloggers n’a plus aucun secret pour lui, ni les 50 nuances de metal.
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