Avec son patronyme fleurant bon le trafic de vodka frelatée, le groupe renvoie sans détour à l’abandon, la solitude et les nuits noires. Bingo à la vue de cette pochette désespérée où une main implore le secours au milieu des flots, à moins que ce ne soit le dernier signe d’une vie résignée qui tente une dernière fois de susciter l’attention auprès de son ultime spectateur. Vous l’aurez deviné, KORSAKOV c’est bel et bien du black metal du genre rasé de près au niveau des veines, de ceux qui évoquent HARAKIRI FOR THE SKY ou HERETOIR sur leurs premiers albums. Du "post" donc qui tente lui aussi de se faire une place auprès d’un soleil désespérément noir. Et force est de constater que le duo lillois est plutôt bon élève en la matière tant son premier album pose des bases solides pour la suite. Les quarante-trois minutes de « Погружать » passent en effet comme une lettre à la poste en instaurant des paysages sonores brumeux, inquiétants et rageurs tout en dégageant en toile de fond une véritable mélancolie, une sensibilité à fleur de peau.
Parce qu’entre nous cet album a de furieuses allures de plongée dans l'obscurité d'une forêt froide et hostile, accompagné dans ses envolées furibardes par une section rythmique habile dans tous les registres, du sludge bien poisseux aux plans atmosphériques introspectifs et chiadés en passant par quelques crochets black du meilleur effet ("III" au passage). Les tripes sont ici vomies avec hargne, la bile coule, les émotions jaillissent à fleur de peau. Le duo balance sur ces six titres toute sa science de la sauvagerie contrôlée, de celle qui découpe et incise avec fougue et précision. Et derrière ses aspects parfois bourrus de prime abord, l’album livre ses secrets au fil d'écoutes attentionnées. Comme sur ce dernier morceau héroïque, "VI", trompeur avec son intro faite de dissonances et ces mélodies insidieuses qui s'étalent toutes en nuances, éclatant brutalement comme un foie de marin russe gavé à la vodka-formol sans prévenir. Touché-coulé : retour à Mourmansk.
KORSAKOV signe ici un premier album net et sans bavures, doté d'une prod-mammouth bien velue, sur lequel il indique clairement la conduite à tenir à son écoute : « Jusqu'ici tout va bien. Mais l'important, c'est pas la chute, c'est l'atterrissage. »