Un peu plus de deux décennies séparent « Cult Of Luna », premier album des Suédois, et « The Long Road North » qui vient de paraître chez Metal Blade Records. Plus de vingt années passées au service d’une musique chargée en atmosphères et en émotions. Plus de vingt années où le groupe a expérimenté les contours à géométrie variable d’un univers, sombre et ténébreux, dont lui seul possède les clés d’entrée. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le clan d’Umeå n’a encore une fois pas loupé le coche sur cette nouvelle offrande d’une impressionnante profondeur et d’une sensibilité à fleur de peau. Pendant plus de soixante-dix minutes, c’est à nouveau à un voyage envoûtant auquel CULT OF LUNA nous convie.
De retour donc sur les platines à peine trois ans après la sortie d’un « A Dawn To Fear » où son metal hypnotique a une fois encore fait des merveilles, la bande à Persson impressionne d’entrée de jeu par une production d’une puissance aliénante. Celle-ci, toujours troussée de main de maître par le guitariste Magnus Lindberg, en impose avec une force, une densité comme il s’en fait rarement ces jours-ci. Eric Olofsson, guitariste qui a accompagné le groupe jusqu’en 2014, n’est en pas en reste sur l’aspect visuel de l’album puisqu’il signe ici une couverture intrigante et crépusculaire évoquant des paysages d’une froideur de toute beauté. Côté musique, le sextet s’enfonce toujours plus loin dans des territoires qui mêlent post-rock, sludge et metal atmosphérique. Ceux-ci explosent d’ailleurs dès les premières minutes d’un "Cold Burn" remonté comme jamais. La profondeur du chant, massif, s’accorde à merveille avec des riffs balancés en mode "direct à la carotide" qui en laisseront plus d’un sur leur fessier. Mais c’est un signe trompeur, comme pour mieux attirer l’auditeur dans des abysses dont il ne reviendra pas sans séquelles, puisque le reste du disque s’inscrit dans des ambiances plus contrastées. Ainsi des joyaux comme "Into The Night" ou "Blood Upon Stone" s’aventurent sur des routes plus sinueuses où la délicatesse apparente des rythmiques se mêle à une tension permanente. Tout comme les intermèdes instrumentaux, ce "Beyond I” nourri au drone et agrémenté du chant envoûtant de Mariam Wallentin et son faux jumeau "Beyond II" dont le saxophone de Colin Stetson hante les moindres recoins, qui apportent un soupçon de clarté dans cette obscure expédition.
S’il ne fallait pourtant retenir qu’un moment de bravoure sur ce dernier disque titanesque, ce serait le monumental "An Offering To The Wild". Celui-ci, du haut de ses 13 minutes, s’apparente à une montée en puissance, tribale et schizophrénique, qui se joue de l’auditeur pour le faire replonger tête la première alors qu’il pensait en avoir fini avec lui. C’est d’ailleurs sur ce morceau, comme sur le titre éponyme "The Long Road North", que Thomas Hedlund envoie une prestation bluffante derrière ses fûts. Avec sa frappe millimétrée et menaçante, le batteur témoigne d’une aisance remarquable dans tous les registres. Ses petits camarades ne sont pas en reste puisque eux aussi tirent leur épingle du jeu en redonnant ses lettres de noblesse au terme "créativité" tout au long de « The Long Road North ». Un travail collectif qui inspire un profond respect.
Alors oui, cela vaut pour chaque album de CULT OF LUNA, le nombre d’écoutes pour en découvrir toutes les subtilités sera proportionnel au plaisir récolté en fin de parcours. Comme à chaque fois, le sextet se plaît à brouiller les pistes avec un certain doigté et honore avec classe un style qu’il a contribué à populariser il y a plus de deux décennies. Il ne reste maintenant plus qu’à croiser les doigts pour que la date du 11 mars 2022, initialement prévue à L’Olympia de Paris en compagnie d’ALCEST et SVALBARD, puisse être reportée dans des conditions idéales afin de savourer ce mets de premier choix sur scène. L’espoir fait vivre...