40 ans. 40 ans que notre boucher préféré tranche, coupe, taillade rôtis, bavettes, faux-filets et autres jarrets dans la plus grande des sauvageries... et pour notre plus grand plaisir aussi, avouons-le ! Cela serait donc logique qu’il fatigue un peu, que ses poignets, rompus aux plus délicates des opérations de découpe, commencent à donner des signes de faiblesse. Eh bien que nenni ! DESTRUCTION nous revient avec un quinzième album et ne semble pas vouloir prendre sa retraite de sitôt ! Du moins, ce n’est pas la forme insolente qu’il affiche sur cette nouvelle galette, délicatement intitulée « Diabolical », qui laisse penser le contraire ! Le plus punkisant des groupes du Big Teutonic 4 signe ici une œuvre d’une redoutable efficacité qui fera nul doute référence dans sa discographie. Ce qui n’était pourtant pas gagné...
En effet, suite à une période que seuls les représentants de Big Pharma auront eu tout loisir d’apprécier à sa juste valeur ($$$$$$), et à un changement de label, après vingt ans de bons et loyaux services chez Nuclear Blast, DESTRUCTION a signé chez Napalm Records, "Schmier" a dû faire face à un problème de taille : le départ de son fidèle lieutenant, le guitariste historique du groupe allemand, Mike Sifringer. C’est donc le seul Schmier qui s’occupe désormais des compositions, et autant dire que le bougre s’est lâché sur des morceaux qui ne laissent guère de place à la gaudriole. On sait le bonhomme porté sur les textes engagés politiquement et socialement et de toute évidence, les mois que nous venons de vivre n’ont pas calmé notre bassiste/chanteur ! La preuve ? "No Faith In Humanity", véritable charge contre une humanité au bord du gouffre par sa seule faute. Corruption, roublardise politique, violence urbaine et délitement des liens sociaux sont au menu de ce titre qui donne une bonne vision d’ensemble de « Diabolical ».
Bien sûr, parler ici de concept-album serait quelque peu exagéré, mais force est de constater que l’ambiance sulfureuse du disque nous ramène vers l’époque bénie de l’explosion du thrash metal, quand un groupe comme TESTAMENT, pour ne citer que lui, dévoilait une vraie conscience politique à travers des textes lorgnant plus sur THE EXPLOITED que sur VENOM. À ce titre, les intonations de Schmier sur le « Practice what you preach prononcé » à 1:27 de "Repent Your Sins" ne peut pas être le fait du hasard... Tout respire le thrash old-school sur ce « Diabolical », jusque dans la pochette représentant un headbanger tenant un avant-bras figé en plein horns up et menant un gang de zombies (parmi lesquels on reconnaît le boucher fou) à travers des déchets toxiques ! DESTRUCTION ne prétend pas réinventer la roue mais seulement perpétuer une tradition qu’il a lui-même aidée à s’établir.
Ainsi, des morceaux comme "Diabolical" ou "Ghost From The Past" sont là pour nous rappeler que notre musique de prédilection n’aurait jamais vécu le tournant crucial du début des années 80 sans des pierres angulaires comme « Sentence Of Death » ou « Infernal Overkill », le groupe s’offrant même le luxe de rendre un hommage appuyé aux pères fondateurs SLAYER et VENOM lors du terrible "Whorefication" ! Ceux qui voyaient dans l’avant-dernier album du combo, « Born To Perish » (sorti en 2019), une réinvention de DESTRUCTION en seront pour leurs frais ! On se souvient en effet que de trio le groupe s’était mué en quatuor avec l’arrivée du Suisse Damir Eskic en tant que second guitariste et le remplacement de Vaaver à la batterie par le Canadien Randy Black (ex-ANNIHILATOR, notamment). Et le groupe a beau afficher un visage encore plus international depuis l’arrivée de l’Argentin Martin Furia en remplacement de Mike Sifringer (pour la petite histoire, il officiait en tant que tour-manager et technicien son de la formation depuis 2016), c’est bien du sceau du plus pur thrash germanique que « Diabolical » est marqué !
Pourtant, loin de se complaire dans la violence gratuite, DESTRUCTION ne manque jamais une occasion de sublimer son metal par des incursions mélodiques, et la paire Furia-Eskic d’illuminer des morceaux pourtant aplatissants par des soli dignes d’un célèbre duo de guitaristes, Glenn Tipton-KK Downing... quand ce ne sont pas les bretteurs d’HELLOWEEN, Kai Hansen et Michael Weikath, qui se voient honorés par un hommage plus ou moins direct sur "Hope Dies Last" ! Wunderschön ! Cet équilibre entre riffs féroces et harmonies enchanteresses se voit complété par une variation d’ambiances fort bienvenues. Ainsi, par instants, Schmier et les siens n’hésitent pas à se rappeler au souvenir du heavy metal, le vrai, notamment sur "The Lonely Wolf" qui pourrait sans peine figurer sur un disque de... RUNNING WILD ! Bref, voilà de quoi patienter sans trop souffrir jusqu’à la sortie du nouvel album de KREATOR, prévu pour juin. German thrash metal is back !
