Le talentueux et intarissable multi-instrumentaliste belge DÉHÀ, dont nous vous avons déjà parlé lors de la sortie de « A Fleur de Peau-III-A Fire That Does Not Burn », sort à nouveau un album. Oui, à nouveau car il s'agit du vingt-sixième... En quatre ans ! (un vingt-septième est paru entre temps, « Averses », le 1er avril).
Quand on parle de créativité, DÉHÀ ne compte pas ! « Decadanse » donc repousse les limites de l'extrême et du sentiment de mal-être grâce à deux titres de plus de vingt minutes chacun : "The Devil's Science" et "I Am The Dead". Un mélange de passages electro, de funeral doom, de true black metal, de growls, de hurlements et de voix parlées. Bref, tout un panel d'horizons musicaux et donc une grande variété d'émotions, décrites et ressenties.
L'univers sombre et chaotique de DÉHÀ commence par un artwork de toute beauté réalisé par Oana Beatrice Popescu où la mort est incarnée,personnifiée, presque palpable. Mais c'est également dès les premiers sons synthétiques mystérieux de "The Devil's Science" que l'auditeur se trouve emporté dans un monde complètement funeste. Des riffs lourds et des rythmes lents débutent un passage funeral doom accentué par des lamentations chuchotées puis growlées et des claviers atmosphériques. C'est ensuite un tourbillon de riffs ultra rapides et un rythme blasté qui prend le relais sur des growls caverneux et puissants contrebalancés par les hurlements visiblement tourmenté. Le morceau transcendant fera la part belle à cette alternance lourdeur / rapidité, cette dualité black metal, teintée de death avec une atmosphère imposante, tout en intégrant des petites touches électro brutales et des dissonances saisissantes. Les paroles récitées donnent encore plus de corps à un ensemble complexe, complet aussi férocement efficace. Les moments blackgaze et les vocaux théâtraux associés apportent un peu d'une grandiloquence totalement à propos.
L'inspiration de DÉHÀ ne se tarit pas avec le deuxième morceau "I Am The Dead" qui est une réelle ode à la mort et son aura incarnée. D'un doom extrêmement lent et profond, on passe sans transition à des mélodies arpégées dissonantes puis à un black metal avant-gardiste au chant clair, des rythmes hyper blastés et dévastateurs mêlés de claviers à nouveau très atmosphériques. Mais ce n'est évidemment pas tout : des moments électro totalement déstabilisants viennent casser une descente aux enfers que l'on avait acceptée comme inévitable. C'est sans compter sur des soli mélodiques, presque heavy et des chants chamaniques, juste posés là, avec tout leur sens et leur valeur spirituelle. L'album s'achève sur quelques notes de piano, effrayantes, empruntes de torpeur et signifiant la fin d'un voyage diabolique assumé.
« Decadanse » est un album riche, sibyllin, qui mélange tout ce qu'il y a de mieux dans le metal extrême pour en faire la quintessence d'un post-black apocalyptique incomparable à ce qui se fait ailleurs. DÉHÀ a cette faculté de nous emporter avec lui, chaque fois qu'il dévoile un nouveau titre. Et comme son imagination n'a pas de limite, la curiosité qui nous anime est impatiente de déjà découvrir la suite.
