Comment résister à l’appel des sirènes, lorsque nous avons appris que DISCONNECTED allait jouer ce samedi 28 mai, à La Moba de Bagnols-sur-Cèze, dans le Gard ? A peine un peu plus d’une heure de route, pour rejoindre le lieu des festivités. Peccadilles ! Que sont ces quelques kilomètres de distance au regard de la qualité du concert qui nous attend ? Deux ans et demi de disette depuis la dernière fois que j’ai vu le groupe Troyen en live, où il avait une nouvelle fois enflammé la scène, c’était bien plus que je ne pouvais supporter. En outre, avec la sortie le 1er avril dernier de leur second album, « We Are Disconnected » (dont vous trouverez la chronique ici), cette soirée s’annonçait pleine de belles surprises.
La Moba est un lieu accueillant, à l’écart de la ville, avec un bar ainsi qu’un espace restauration dans l’arrière-cour, abrité du mistral qui souffle violemment ce jour-là. L’équipe y est aux petits soins pour les groupes et le public. La scène, bien que petite, est plutôt bien proportionnée, et la salle est assez vaste pour que les spectateurs puissent se placer au mieux, et ne pas perdre une miette du spectacle. Pour ouvrir les hostilités, ce sont les Gardois UNCOMFORTABLE KNOWLEDGE qui sont chargés de nous mettre dans l’ambiance. Le public est, hélas, un peu clairsemé. Mais qu’à cela ne tienne, il est déjà 21h lorsque les cinq musiciens entrent en scène pour nous présenter leur premier album, « Black Queen », sorti fin septembre 2021, dans un registre sludge hardcore. Les ambiances y sont lourdes et pesantes, mais non dénuées de musicalité. On rentre facilement dans leur univers, car les compositions sont bien construites, et l’énergie dégagée par le groupe est bien réelle. Seul bémol, la voix du chanteur, Guillaume Sabatier, est assez linéaire et monocorde, ce qui provoque, à la longue, une certaine lassitude et une impression de répétitivité. Il serait souhaitable également que l’attention soit mise à l’avenir sur la prononciation des textes en anglais, qui pâtissent d’un accent très "frenchy". Mais gageons que le groupe saura évoluer dans le bon sens pour peaufiner ses créations, et laissons le temps à la graine de germer comme il se doit.
Après un changement de plateau assez rapide, c’est vers 22h30 que GRAVITY entre en scène. Autre groupe, autre style. Les Montpelliérains proposent un metal moderne, sorte de croisement entre GOJIRA et MESHUGGAH, avec une touche de ETHS, emmené par la chanteuse, Emilie Thium, puissante growleuse, mais qui n’hésite pas à poser sa voix claire au gré des chansons, sur des textes en français. Les trois musiciens qui l’accompagnent sont hyper carrés et professionnels. Ça joue bien, très bien même, ça joue fort et ça groove, et ça fait immanquablement secouer les têtes... Le quatuor profite de ce concert pour nous faire découvrir en avant-première des extraits de son quatrième album à venir. Le public, qui compte quelques habitués, réagit fort bien aux sollicitations de la frontwoman. Et ce n’est que justice, au vu de la qualité de la prestation du groupe. A suivre de près.
© Sly Escapist
23h45, DISCONNECTED monte enfin sur scène pour un set d’un peu plus d’une heure qui va mettre tout le monde d’accord, et prouver une fois de plus que le quintet est un groupe ultra professionnel, rodé à la scène, doté d’une énergie explosive et d’une chaleur humaine communicative. Les nouvelles chansons passent l’épreuve du live haut la main, ajoutant une touche mélodique et émotionnelle au répertoire du groupe. Ca commence très fort sur "Life Will Always Find Its Way", enchaîné directement avec "Primal Rage", qui arrivent tels des tsunamis, balayant tout sur leur passage.
Le son et la mise en lumières sont, comme toujours, assurés par l’inséparable duo, Emmanuel Roussel (lumières) et Pierrot Kenroll (son), et le résultat est fantastique : jeu de lumières parfaitement adapté à chaque titre et un son parfait qui permet de bien distinguer chaque instrument ainsi que la voix d’Ivan Pavlakovic. Ce dernier est, comme à son habitude, entier, sincère, ultra énergique et charismatique au possible. Un véritable performer, qui attire tous les regards et capte l’attention de l’auditoire, mais qui sait aussi s’effacer pour laisser place aux musiciens qui l’entourent. Et le bougre est sacrément bien entouré justement, avec la paire d’excellents guitaristes, Adrian Martinot (également compositeur du groupe) / Florian Mérindol et la formidable section rythmique, composée de Romain Laure à la basse et de Jelly Cardarelli à la batterie. Le set se poursuit avec "Losing Yourself Again", l’un des morceaux les plus efficaces issu du premier album, « White Colossus » (chronique ici), puis vient un moment plus calme, avec la ballade "Your Way To Kill", sur lequel le groupe dévoile une facette plus intime et mélodique. Interprétation intense et émouvante qui offre à voir toute la subtilité et les nuances dont le groupe est capable. Et on ne peut empêcher la petite larme de poindre sous les paupières closes...
"The Only Truth" reste dans la même veine, les paroles de cette chanson ayant été écrites par Ivan pour son fils, l’émotion est à fleur de peau. "That’s How I’ll Face The End" est aussi punchy que sur l’album, la mélodie du début se transformant progressivement en rage bouillonnante. "King Of The World" suivi de "Blind Faith" continuent de nous laminer en règle, tandis que "I Fall Again" se révèle aussi efficace que prévu. Quel plaisir d’entendre tous ces morceaux prendre vie sur scène, conduits par des musiciens entièrement impliqués, malgré la faible affluence de ce soir. A n’en point douter, l’injustice sera réparée sous peu, et gageons que le public devant la Mainstage du Hellfest le 24 juin prochain sera bien plus nombreux pour accueillir DISCONNECTED à sa juste valeur, ce long week-end de l’ascension ayant plutôt joué en sa défaveur. Mais qu’importent ces considérations, puisque le groupe se donne à fond pour les personnes qui se sont déplacées (dont certains qui n’auront pas hésité à parcourir 500 kilomètres pour venir les acclamer !), et qu’il nous sert sur un plateau les trois derniers titres de la soirée, à savoir, le proggy et puissant "A World Of Futile Pains", le fédérateur "Unstoppable" et son refrain catchy, ainsi que l’incontournable "White Colossus", chanson-titre du premier album.
DISCONNECTED a, sans l’ombre d’un doute, franchi une étape importante avec la sortie de son deuxième album. En effet, les nouveaux morceaux apportent encore plus de relief, et permettent également à chaque musicien de développer sa touche personnelle, ce qui renforce leur cohésion, leur unité et leur unicité. En effet, en laissant libre cours à leur créativité, et en faisant fi des barrières, les cinq artistes ont créé un style très personnel, difficilement classable (et c’est tant mieux !), mais surtout profondément addictif. Et leurs performances scéniques ne font que renforcer plus encore ce sentiment. Cette soirée nous a démontré, une fois de plus, que DISCONNECTED est un grand groupe, promis à un bel avenir. C’est tout le mal qu’on peut leur souhaiter •
© Sly Escapist
