20 décembre 2022, 19:44

NO RETURN

Interview Alain Clément


NO RETURN fait irrémédiablement parti du paysage metal français et a largement œuvré à son rayonnement. Tout a commencé lors de la période dorée des années 90, qui a vu tant de grands noms émerger. Alain Clément, guitariste et membre fondateur, et ses acolytes ont depuis fait perdurer ce savoir-faire et frappent de nouveau aujourd’hui avec leur nouvel offrande, « Requiem ». Un album qui voit en plus le grand retour de Steeve Petit, impressionnant frontman de ZUUL FX, et ce, 20 ans après son premier passage au sein de la formation. Toujours fidèle à ses principes, NO RETURN n’a pas fini de nous en mettre plein les oreilles...
 

« Requiem » est votre troisième album sur le label danois Mighty Music, comment se passe votre collaboration ?
C’est une belle collaboration et il y a une bonne osmose. C’est mieux d’être sur un label moins important mais qui travaille correctement, au lieu d’être noyé dans la masse. Car si tu es sur un label un peu plus gros mais qui se contente de sortir ton album pour favoriser ses "locomotives", ce n’est pas intéressant. Sinon, depuis « Fearless Walk To Rise » en 2015, le fait que le label soit étranger nous a permis à chaque fois de réaliser des tournées plus importantes, et donc de refaire parler de NO RETURN en Europe.

Ce nouvel album annonce le grand retour de Steeve "Zuul" Petit, 20 ans après son premier passage chez NO RETURN. Comment as-tu réussi à le convaincre de revenir ?
Ce n’est pas moi qui suis allé le chercher, c’est lui qui est venu à moi. Il a vu notre annonce comme quoi nous étions à la recherche d’un chanteur. Il m’a alors appelé et m’a dit que l’histoire de NO RETURN n’était pas finie et qu’il aimerait bien reprendre ce poste. Donc, on s’est rencontrés et nous avons évoqué la possibilité de refaire un album ensemble, et surtout discuté de la direction qu'on voulait suivre pour celui-ci. En conclusion, cela a donné « Requiem ».

Est-ce que vous étiez restés en contact depuis tout ce temps ?
Depuis 20 ans, on s’était éloignés. La rupture fut compliquée mais c’est pour cela qu’on a mis tout à plat, pour repartir sur des bases saines.

Est-ce que tu te rappelles du premier morceau que tu as joué avec lui ?
Il a effectivement fait un essai sur "The Only One", pour moi c’était important car ce morceau représente ce que NO RETURN est capable de faire en 2022, on ne voulait pas surfer sur la nostalgie et faire un « Machinery 2 ». Je voulais voir comment il allait se comporter sur ce titre.

Ce fut donc une vraie audition ?
Artistiquement il n’y a pas de souci avec lui, je savais qu’il avait évolué et que tous deux, nous avions gagné en maturité ainsi qu’en expérience.

Quand Steeve est arrivé, tout été déjà composé donc ?
Il y avait des embryons de morceaux, tout n’était donc pas écrit. Pendant la pandémie, nous avons continué à composer. Il a apporté ses textes et musicalement, c’est Geoffroy (Lebon, l'autre guitariste) et moi qui avons composé. Après, nous proposions aux autres membres nos morceaux avec l’envoi de fichiers par Internet. Une fois que la musique était bouclée, Steeve collait ses textes dessus.


D’un point de vue historique, c’était plutôt toi qui composais le plus, non ?
Nous avons effectivement partagé la composition. Après, il n’y a pas de règle absolue, l’essentiel est de garder l’esprit NO RETURN, avec cette approche musicale où il y a un gros travail sur les guitares. Et de montrer aussi la diversité du groupe, même si, à la base, notre ADN est très thrash et death metal, nous pouvons aussi proposer des parties heavy ou même de metal progressif.

Le line-up est plutôt stable depuis plusieurs albums, est-ce pour toi un bon signe ?
C’est important de garder pendant un certain nombre d’années le même line-up, justement pour bien se connaître humainement et musicalement. Après, malheureusement, on n’est jamais sûr de rien et les gens à travers leur vie privée et professionnelle ont parfois d’autres ambitions. Et on sait très bien que faire de la musique demande des sacrifices à plusieurs niveaux. Personne n’est irremplaçable, ce qui est important, c'est de garder cette passion intacte pour la musique, et tant que l’esprit NO RETURN est présent...

En tant que professeur dans ta vie professionnelle, tu as justement trouvé cet équilibre ?
Ce n’est jamais évident bien sûr, mais cela fait partie du deal. Dans NO RETURN, nous voulons faire les choses le plus professionnellement possible. C’est-à-dire sortir des albums pour faire des concerts et des tournées, et cela demande beaucoup d’investissement en termes de temps, d’argent, et justement de sacrifice dans d’autres domaines, dont la vie privée.

Au niveau de la production de l’album, il y a eu du changement par rapport aux précédents ?
Nous avons fait « Requiem » avec Oliv’, qui est notre ingénieur du son pour les concerts. Nous avions fait les précédents avec Jacob Hansen, mais avec la pandémie, c’était difficile de retourner au Danemark. Et comme Oliv’ a toujours super bien travaillé, et qu’il nous a suivi sur plusieurs tournées européennes, il connaît bien le groupe. Il a donc eu carte blanche et le résultat est bluffant ! Cette production n’a pas du tout à rougir de celle de Jacob. C’est un excellent technicien, très méticuleux, qui a vraiment fait un travail de fou.

Avez-vous prévu d’autres étapes pour promouvoir « Requiem » ?
On voudrait faire un autre clip – soit un playthrough au niveau des guitares, ou une vidéo pour sortir un autre titre. C’est prévu dans les semaines à venir, le but est de réactualiser de manière régulière ce nouvel album.

J’ai cru comprendre que vous veniez de faire votre premier concert depuis 2019 ?
Notre dernier concert était effectivement celui pour l’enregistrement de notre live, et nous en avons fait un il y a quelques semaines. Le premier pour « Requiem », c’était à Falaise en Normandie. Nous avons proposé les nouveaux morceaux et présenté la set-list, ça s’est très bien passé.

Avez-vous prévu d’autres dates ?
Il y en a d’autres qui vont arriver en février 2023, puis après en avril. On espère en caler d’autres mais il y a un véritable embouteillage qui est hallucinant au niveau du réseau des salles, à cause de la pandémie. Il y a des annulations de tournées, des reports... C’est un vrai casse-tête pour arriver à trouver une date.

Avez-vous comme objectif les festivals pour l’été 2023 ?
Nous avons commencé à démarcher des festivals. Mais le problème est le même, car ils ont reprogrammé les groupes qui n’avaient pas pu jouer les années précédentes. C’est assez compliqué, mais on va essayer de jouer le plus possible.

Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus au sujet de la set-list, car vous avez l’embarras du choix ?
Le but est de présenter un éventail de nouveaux morceaux pour promouvoir le nouvel album, ainsi que d'autres de la période avec Steeve. Mais aussi des plus anciens, du premier et deuxième album.

J’imagine que Steeve a dû apprécier le fait de pouvoir rejouer les chansons de son époque ?
Oui, carrément, car il a connu NO RETURN comme ça, et c’est important qu l’on continue de jouer ces morceaux qui figuraient sur « Self Mutilation » et « Machinery ».

Comment as-tu connu Steeve ?
Il était batteur dans ICELAND et je connaissais le groupe. De fil en aiguille, on est devenu potes et lorsqu’on a eu un problème de chanteur dans NO RETURN, il s’est proposé. On a essayé et ça l’a fait !

Justement, Steeve, c’est une carrure et une présence scénique impressionnantes, le plaisir de se retrouver des années plus tard a dû être partagé...
Complément ! A cette époque, au niveau du visuel sur scène, c’était vraiment une machine de guerre et avec l’ensemble du groupe, cela faisait un bloc. Et maintenant, c’est ce qu’on veut retrouver. C’est marrant ce que tu dis car après le concert de la semaine dernière, il y a des gens qui nous disaient : « Vous n’avez pas joué ensemble depuis 20 ans, mais vous bougez en même temps ». Les automatismes reviennent naturellement, alors que c’était le premier concert et qu’on n’avait pas "bossé" cela avant.

Il y a eu beaucoup de chanteurs dans NO RETURN, est-ce qu’à chaque fois tu t’es adapté aux spécificités de chacun ?
Pour moi, la scène ça se vit en live et tu dois retranscrire les émotions comme tu le sens. La musique que je joue, elle me fait vibrer, donc je ne vais pas bouger en fonction du chanteur mais par rapport à ce que je ressens à la guitare, ce que j’ai envie de transmettre. En revanche, il faut que l’énergie soit assez homogène. Alors quand il y a des passages énergiques, il faut que tout le groupe bouge ensemble pour donner cet effet massif. C’est important et peu importe le chanteur.

Je ne dois pas être le premier à avoir remarqué que la pochette de « Requiem » rappelle énormément celle de « Machinery » ?
Tu as bien remarqué, il y a une double signification. Donc le petit clin d’œil pour les fans qui connaissent « Machinery » à l’époque de Steeve, afin de faire le lien avec « Requiem ». Puis par rapport aux textes, justement, l’évolution technologique qui peut avoir des effets pervers et n’a pas forcement que du positif comme on nous le vend tout le temps. Tous ceux qui connaissent NO RETURN de cette période trouve cela sympa, et en plus ça colle aux paroles.

Quels sont les sujets qui sont traités ?
« Requiem » traite de la société. On considère que l’Homme cause des effets néfastes, d’où l’aspect "abîmé" de la femme cyborg sur la pochette. De plus, il y a l’aspect négatif de la technologie avec le thème de la désociabilisassions, comme on peut le voir depuis plusieurs années avec tous les écrans sur lesquels on passe notre temps, que ce soit smartphone ou PC. On gagne en individualisme et il y a beaucoup moins de communication.

Entre « Machinery » et « Requiem », il y a un lien telle une suite ou une vraie frontière ?
« Requiem » n’est pas « Machinery 2 », on ne voulait pas du tout surfer sur la nostalgie. Notre but était de mixer les deux périodes, donc celle où Steeve était présent et l'actuelle. En 20 ans, Steeve a évolué musicalement et nous aussi.

Tu pratiques la guitare depuis de nombreuse années, est-ce que techniquement, tu continues de te challenger d’album en album ?
C’est important pour tous musiciens d’évoluer. Que tu aies 20 ou 60 ans de carrière, tu as toujours des choses à apprendre. Mon sentiment à ce sujet, c’est qu’il faut écouter le maximum de groupes différents et toujours apprendre afin d’ouvrir NO RETURN et d’incorporer des éléments nouveaux, d’enrichir la technique, de l’embellir ou même de la simplifier, parce que la technique pure ne m’intéresse pas. Pour moi, quand tu fais un solo, c’est aussi une histoire. Il faut qu’il y ait des nuances et des reliefs, et si tu es juste académique, tu perds cette émotion que tu veux transmettre. Donc, je ne me challenge pas personnellement, mais ma vision de musicien doit évoluer.


Concernant « Requiem », il y a toujours beaucoup de mélodies mais j’ai eu l’impression que le ton s’est durci, est-ce que tu attestes ?
J'approuve complément. Le but était de mettre en avant à la fois l’agressivité et la mélodie. Car justement, quand tu as une phase mélodique et après une phase agressive, par exemple si tu as un solo mélodique avec une guitare aérée et juste après un blast, tu as justement cette impression d’une agressivité beaucoup plus marquée.

NO RETURN a désormais plus de 30 ans de carrière et a touché un grand nombre de fans au fil des années, as-tu remarqué un renouvellement au niveau des générations, notamment en live ?
Oui, le public de NO RETURN brasse maintenant deux générations. Ce qui est marrant, c’est qu’il y a des fans de la première heure qui viennent en concert avec leurs gamins, qui ont parfois 20 ans et qui se mettent à écouter du thrash. C’est assez touchant de pouvoir constater cela, ainsi que cette fidélité. C’est pour cela que je tenais à cette pochette clin d’œil pour les personnes qui ont suivi le groupe depuis tant d’années, et notamment pour les concerts.

« Psychological Torment » est votre premier album, quel regard portes-tu sur lui ?
J'y suis très attaché. On était jeunes et complétement inexpérimentés, c’est le premier qu’on enregistrait en studio, avant nous avions fait que des maquettes. En directeur artistique, nous avions eu la chance d’avoir Marky Marquis, le batteur de CORONER dont on était fans. Nous étions partis enregistrer en Allemagne, et il était resté avec nous pendant 3 semaines. Pour moi, il y a beaucoup de nostalgie, c’était un moment très fort car nous avons beaucoup appris et cela nous a permis de faire plein de choses avec NO RETURN par la suite, aussi bien en France qu’à l’étranger.

A mon humble avis, faire un album en 1990 et en 2022, ce n’est plus du tout pareil ?
Bien sûr, déjà rien qu’au niveau de la technique. A l’époque de « Psychological Torment », nous enregistrions encore avec des bandes, c’était direct ! Maintenant, la technologie te permet de faire des copiés-collés plus facilement.


​Que t’évoques la scène metal d’aujourd’hui ?
Il faut bien comprendre qu’à l’époque, nous étions une poignée de groupes dans notre style. Il y avait LOUDBLAST, MASSACRA, CRUSHER, AGRESSOR, MERCYLESS, et quand je regarde la scène actuelle il y a une saturation hallucinante de groupes. Mais je remarque aussi que nous avons une scène française qualitative, tous styles confondus. Du rock metal au black, nous avons beaucoup de groupes performants et ce n’était pas forcement l’étiquette que nous avions dans les années 90, voire même les années 2000, où nous étions considérés un peu comme « c’est un groupe français donc ce n’est forcément pas top ». Et nous, on s’est toujours battus, que ce soit en France ou à l’étranger, sur le fait que l’origine de ton groupe importe peu, tu peux faire de la bonne musique, car la musique est internationale.

Est-ce que vous avez déjà songé à refaire une tournée avec tous les groupes de l’époque ?
On aurait bien aimé faire un "Brutal Tour 2". Mais quand on a fait cette tournée, il y avait énormément de monde. Je ne sais pas si à l’heure actuelle il y en aurait autant. Quand on voit la fréquentation des salles maintenant, ce n’est plus la même chose.

Selon toi, est-ce que NO RETURN a de beaux jours devant lui ?
J’espère ! Tant que tu as cette passion et cette flamme qui te gardent et qui te guident, c’est le plus important. Au bout de 33 ans, je l’ai encore. Mais si un jour je ne l’ai plus, dans ce cas, il faut être honnête avec soi-même et avec les gens avec qui tu composes et il faut arrêter.
 



Blogger : Jérôme Graëffly
Au sujet de l'auteur
Jérôme Graëffly
Nourri dès son plus jeune âge de presse musicale, dont l’incontournable HARD FORCE, le fabuleux destin de Jérôme a voulu qu’un jour son chemin croise celui de l'équipe du célèbre magazine. Après une expérience dans un précédent webzine, et toujours plus avide de nouveautés, lorsqu’on lui propose d’intégrer l’équipe en 2011, sa réponse ne se fait pas attendre. Depuis, le monde impitoyable des bloggers n’a plus aucun secret pour lui, ni les 50 nuances de metal.
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