15 avril 2023, 23:54

BETIZFEST (Jour 2)

@ Cambrai (Palais des Grottes)

La seconde journée du BETIZFEST, consacrée au metal, proposait un programme éclectique, donnant un bel aperçu de la variété et de la richesse du genre. Thrash, crossover, post black, tendance electro ou punk, reflets doom se sont succédés tantôt en une ribambelle festive, tantôt en une triste procession.

Rencontre et entretien avec HANGMAN’S CHAIR oblige, je n’assiste qu’à une petite moitié du concert de DUST BOLT. Présents sur la tournée INSANITY ALERT/CRISIX, qui s’achève à Cambrai, les Allemands proposent un thrash pas toujours bloqué dans les canons du genre, qui semble lorgner vers le grunge ou la noirceur du death. Surprenant, ce mélange n’en est pas pour autant déplaisant surtout que les gaillards, motivés, headbanguent comme de beaux diables. Une découverte intéressante.


Si DUST BOLT m’était inconnu, tel n’est pas le cas de JUNON, ex GENERAL LEE, qui nous séduit régulièrement. Les Nordistes allient lourdeur et vitesse, portés par la voix dantesque d’un chanteur possédé. Trois des quatre compositions de leur unique EP, « The Shadows Lengthen » sont joués, le mélancolique "Flood Preachers" qui ouvre le bal des damnés, l’envoûtant et doomy "Carcosa" et le teigneux "Sorcerer" qui achève la fête macabre. Les autres titres, d’inspiration hardcore, plaisent aussi et laissent augurer d’un premier album prometteur, prévu pour début 2024.


Changement d’ambiance avec l’arrivée sur scène des zébulons INSANITY ALERT ! C’est parti pour un crossover fou, débridé, sans la moindre retenue. Dopés par l’hystérie de Kevin, chanteur-clown à l’énergie débordante alors même qu’il semble un peu patraque, les fans transforment le Palais des Grottes en un moshpit incandescent. Les stagedivers se multiplient, bien gérés par les bénévoles assurant la sécurité ; passionnée, connaisseuse et sérieuse, l’équipe du BETIZFEST maîtrise avec sang froid la situation.
Les panneaux en carton mousse aux messages saugrenus se multiplient, notre préférence allant à « Oubliez Macron, Pensez Picon ». Jetés dans la foule, ils bondissent ensuite de mains en mains. Entre deux morceaux explosifs, Kevin nargue la foule, parfois en français, en vantant les mérites du public de Strasbourg, invite à faire la fête ou se moque de son bassiste, qui achève le concert avec un chapeau en forme de crotte.

Les morceaux s’enchaînent aussi loufoques (mention au bête mais jouissif "Why is David Guetta Still Alive?" ou à "Confessions Of a Crabman" et sa chorégraphie débile) que les accessoires utilisés : lunettes de soleil ridicules, bong gonflable, serpentins... Ces 45 minutes, dans un univers foutraque, se concluent sur "Run To The Pit" et son refrain clin d’œil à MAIDEN devenu « Run to the pit / Mosh for your life ». Tiens, un spectateur jaillit d’on ne sait où partage ce titre emblématique... « Quel ouragan ! » aurait pu dire Stéphanie de Monaco si elle avait été adepte d'IA – qui ici n’a rien, mais alors rien du tout, à voir avec l’intelligence artificielle. Les Autrichiens resteront ensuite très longtemps à leur stand de merchandising, disponibles et chaleureux, toujours d’accord pour une photo ou un selfie.


Ensuite le temps se couvre ; soleil et mistral disparaissent quand tombent pluie et brouillard. Le désespoir poisseux et magnifique de HANGMAN’S CHAIR se répand dans le Palais des Grottes, l’enrobe d’une ouate de douleur, lardée des coups de caisse claire, éclats de lame dans une nuit où rode la mort. Pris par un entretien avec IGORRR, je ne peux assister qu’aux dernières minutes, intenses, ("Naïve") de la prestation de ce groupe grandiose.


Toujours aussi sympathiques et décontractés, des balances à la fin du concert, les membres de POGO CAR CRASH CONTROL livrent, comme à leur excellente habitude, une nouvelle prestation endiablée. Du single "Aluminium" à la triplette finale incandescente ("Qu’est-ce qui va pas ?"/"Tête Blême"/"Crève"), ils déroulent, sourires aux lèvres et agressivité bienveillante en bandoulière, leur mélange inflammable de punk, metal, grunge, hardcore. La fosse réagit, reprend les paroles à tue-tête, se lance dans un wall-of-death de fort belle facture entre deux séances de pogos furieux. Lights-show simples mais efficaces, attitude scénique parfaite, l’incontournable et bien rageur "Conseil", un peu de calme ("Cristaux Liquides") avant de relancer l’incendie, c’était parfait Messieurs-Madame, ne changez rien !


Une fois encore, l’ambiance change avec l’arrivée de CELESTE. Surgissent les ténèbres dès les premières notes de l’intro qui jamais ne se dissiperont. Les musiciens, le front orné d’une lampe rouge, deviennent des ombres, des mirages dans la fumée, des silhouettes dans les stroboscopes, des fantômes sanglants quand les ligths virent au vermillon. Le groupe passe outre un problème technique sur la vidéo qui accompagne les premières minutes de cette plongée dans un univers où règnent mystères et malaises.
Pas de discours, aucune interaction avec le public, juste la musique, pesante, rampante, puissante, traversée d’éclairs frénétiques. L’atmosphère mortuaire, aux relents de fleurs fanées, atteint un sommet fangeux avec "Le Cœur Noir Charbon", oppressant malgré la timide éclaircie d’une voix féminine, au clip sordide. A peine une heure, et la sensation de sortir d’une apnée forcée, d’avoir eu la tête maintenue sous une eau marécageuse.


Retour au thrash et à la bonne humeur avec les Espagnols CRISIX ! Forts de compositions solides, los hombres ravissent les amateurs de mosh, toujours nombreux, toujours en forme. Ils balancent leurs hits ("World Needs Mosh", "Ultra Thrash", "The Great Metal Motherfucker") et insistent sur leur dernier album, « Full HD », avec notamment l’amusant et non moins efficace "Macarena Mosh". Los chicos font des clins d’œil aux musiques hispaniques à grands coups de maracas, ils arpentent les planches sans jamais s’arrêter, ne cessent de se taquiner. Bazooka, le chanteur, qui n’hésite pas à monter dans les aigus, revêt un masque, après qu’a retenti le thème du film... The Mask. Arrive enfin le temps fort de ce déchaînement joyeux : le medley metal où les gaillards échangent leurs instruments pour reprendre "Hit The Light", "Walk" et "Antisocial". Leur longue tournée achevée sur ce set brillant, los guerreros auront bien mérité de retrouver leurs doux pénates barcelonais.


Le festival se conclut avec IGORRR, qui nous attire dans un monde qui fait penser au Pays des Merveilles d’Alice, revisité par un esprit torturé, qui oscille entre euphorie et angoisse, entre humour et lourdeur. Les spectateurs, attentifs, traversent un désert oriental ("Downgrade Desert") où il croisent non pas un lapin blanc mais un "Camel Dancefllor". Ils se perdent au Moyen-Âge ("Nervous Waltz"), partagent un épais morceau "Viande" avec l’ogre "Robert", tout en évitant le "Paranoid Bulldozer Italiano", avant de monter sur un étrange "Cheval". Attention toutefois à éviter les lourds "Parpaings"...

En hauteur derrière ses ordinateurs, Gautier Serre, maître de cérémonie, agit en chef d’orchestre, en marionnettiste qui anime les deux chanteurs. Marthe Alexandre, reine de pique des parties baroques, et JB Le Bail, chevalier noir et grimé, pour le registre metal, semblent s’affronter en un duel sans fin pour parfois communier dans un soupçon de paix. Un guitariste et une imposante batterie offrent une force organique au concert, riche de jeux de lumière recherchés. "La Marche Funèbre" de Chopin clôt ce spectacle intense, qui désarçonne parfois, qui captive souvent. Même si certains fans estiment que cette formation – IGORRR changeant régulièrement de personnel – ne donne pas encore sa pleine mesure, les novices ont été embarqués dans un voyage troublant, point final d’une odyssée immobile de deux jours dans le Palais des Grottes.

Il reste juste à féliciter l’équipe du BETIZFEST, pour son organisation parfaite et son affiche haut de gamme. Après ce 20e anniversaire réussi, vivement la 21e édition !

Jour 1

Blogger : Christophe Grès
Au sujet de l'auteur
Christophe Grès
Christophe a plongé dans l’univers du hard rock et du metal à la fin de l’adolescence, au tout début des années 90, avec Guns N’ Roses, Iron Maiden – des heures passées à écouter "Live after Death", les yeux plongés dans la mythique illustration du disque ! – et Motörhead. Très vite, cette musique devient une passion de plus en plus envahissante… Une multitude de nouveaux groupes a envahi sa vie, d’Obituary à Dark Throne en passant par Loudblast, Immortal, Paradise Lost... Les Grands Anciens – Black Sabbath, Led Zep, Deep Purple… – sont devenus ses références, comme de sages grands-pères, quand de jeunes furieux sont devenus les rejetons turbulents de la famille. Adorant écrire, il a créé et mené le fanzine A Rebours durant quelques années. Collectionneur dans l’âme, il accumule les set-lists, les vinyles, les CDs, les flyers… au grand désarroi de sa compagne, rétive à l’art métallique.
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