6 avril 2024, 20:07

MADDER MORTEM

Interview Agnete M. Kirkevaag

Blogger : Clément
par Clément


C’est avec panache que les Norvégiens MADDER MORTEM ont annoncé leur grand retour discographique en ce début d’année avec « Old Eyes, New Heart », leur huitième album. Toujours précurseurs dans un style à la croisée du metal progressif et du doom, le groupe poursuit sa trajectoire entamée depuis maintenant plus de 25 ans et s’affirme une fois encore comme une référence incontournable en la matière. Une occasion idéale pour HARD FORCE de faire le point en compagnie de sa chanteuse, Agnete M. Kirkevaag, sur l’actualité de MADDER MORTEM...
 

Agnete, c’est un véritable plaisir que de retrouver le groupe avec « Old Eyes, New Heart » qui fait suite à « Marrow », paru en 2018. Dans quel état d’esprit est le groupe aujourd’hui avec ce nouvel album dans sa besace ?
Merci, pour nous aussi c’est un plaisir de se rappeler à votre bon souvenir ! Concernant notre état d’esprit, il est le même à chaque sortie d’album : confiant. Sans excès bien sûr, mais les cinq années qui séparent « Old Eyes, New Heart » de « Marrow » ont été mises à profit pour en peaufiner les moindres détails. Après, je ne vais pas te cacher que nous sommes impatients de savoir comment le public va le recevoir. Même si nous avons déjà obtenu quelques indices puisque les deux premiers singles qui sont sortis en fin d’année dernière (ndlr :"Towers" et "The Head That Wears The Crown") ont visiblement été appréciés. Et cela nous met en confiance car ils sont tous deux différents dans la forme. Maintenant, ce qui nous importe le plus, c’est ce que nos fans vont en penser. L’avenir nous le dira...

Plus de cinq ans séparent donc ces deux albums, peux-tu nous dire ce qui s’est passé pour le groupe dans ce laps de temps ?
Tout d’abord, nous avons organisé une tournée composée d’une douzaine de dates, le "Marrow Tour 2018". Ensuite, nous avons commencé à travailler sur un film, Howl Of The Underdogs, qui regroupe des archives, des témoignages d’amis, de fans, de journalistes, mais aussi les dessous du concert que nous avons fait pour les 20 ans de notre premier album, « Mercury », qui s’est tenu à Oslo en 2019. Nous avons essayé de regrouper un maximum de matériel pour faire de ce film un témoignage du passé, mais aussi du présent. Que ce soit pour nos fans comme pour ceux qui ne nous connaissent pas forcément. Puis nous avons commencé les répétitions, le travail de nouvelles compositions et la COVID nous est tombée dessus. La suite, tu la connais j’imagine puisque le virus n’a épargné personne. Lorsque la situation s’est éclaircie, nous avons pu reprendre le travail en studio afin de finaliser les morceaux pour « Old Eyes, New Heart ». Il y a eu des choses très positives à cette période puisque notre bassiste et notre guitariste ont tous deux été papa. D’autres ont été plus dures à vivre, comme la perte de notre père l’année dernière (ndlr : Birgen Pieter, son frère, est guitariste du groupe). Ce sont des moments douloureux. En parallèle, il faut bien garder à l’esprit que nous ne sommes pas un "gros" groupe, il fallait donc aussi pouvoir assurer une source de revenus pendant toute cette période avec des jobs à côté.

Comment vois-tu la progression du groupe, album après album ? Est-ce une question de maturité, d'années qui passent, qui font que le son de MADDER MORTEM est de plus en plus "progressif" et moins doom qu’à ses débuts ?
De la maturité, certainement (rires). Puisque depuis la sortie de « Mercury », 25 années se sont écoulées. 25 années pendant lesquelles nous avons peaufiné notre technique, que ce soit instrumentale ou en studio, tourné en Europe et vécu diverses fortunes qui font qu’aujourd’hui, notre regard a changé sur de nombreux sujets. De mon côté, j’ai également progressé dans la maîtrise de ma voix, en essayant de rechercher des textures différentes. Et puis, du haut de notre fin d’adolescence, lorsque nous avons commencé la musique avec mon frère, nous étions de vrais "die-hard", fans de certains groupes jusqu’au bout des ongles. Nous faisions tout à fond, sans prendre le temps de réfléchir. Lorsque « Mercury » est sorti, quelques années plus tard, nous étions vraiment dans ce trip "norvégien", avec ce côté nature, la forêt en arrière-plan avec une ambiance mystique. Puis nous avons commencé à écouter de nouvelles choses, différentes, comme de la pop, de la musique classique, qui nous ont ouvert l’esprit et ont eu des répercussions sur notre musique. Tout cela s’est fait très naturellement. C’est peut-être ce qui donne ce côté plus "progressif", moins frontal au fil des ans à MADDER MORTEM. Cela ne nous empêche pas pour autant de prendre une bonne salve de black metal entre les oreilles quand l’occasion se présente !

Concernant l'artwork, votre père a travaillé sur deux tableaux, le premier pour le single "The Head That Wears The Crown", le second pour l’album « Old Eyes, New Heart ». Le travail réalisé sur les textures et les tons utilisés en font le pendant visuel idéal...
En fait, nous avions pris la décision bien avant la sortie de cet album d’utiliser certaines des peintures que mon père avait réalisées. Je lui ai fait écouter les toutes premières démos de l’album, lui ai parlé des textes puis il s’est montré enthousiaste à l’idée de peindre quelques toiles avec ces quelques éléments que je lui avais confiés. Et son enthousiasme était bien palpable puisqu’au final, ce ne sont pas moins d’une dizaine de tableaux qu’il nous a présenté en nous laissant le choix sur celui qui, selon nous, collerait le mieux à l’esprit de l’album. Notre choix s’est porté sur deux d’entre eux, le premier que tu peux retrouver sur le single "The Head That Wears The Crown" et le second pour « Old Eyes, New Head ». L’ambiance y est froide, sombre, ténébreuse et cela a indirectement influencé la production, peut-être moins chaleureuse qu’à l’accoutumée. Ensuite, Costin Chioreanu (ndlr : à la manœuvre sur certaines pochettes d’ARCH ENEMY, ARCTURUS, SPIRITUAL BEGGARS, GRAVE, etc.) est venu apposer sa patte sur les tableaux tout en respectant le travail de mon père pour finaliser ces deux artworks.

Côté production, vous avez travaillé avec des personnages renommés comme Fredrik Nordstrom et Pelle Seather sur vos premiers albums, mais depuis la sortie de « Eight Ways » en 2008, c’est désormais ton frère qui produit tout de A à Z. Y a-t-il une raison particulière à cela ?
Oui, la première raison est financière (rires). Travailler avec de gros producteurs comme ceux que tu cites coûte évidemment de l’argent, beaucoup. Notamment pour le temps que tu passes en studio avec eux. C’est en partie pour cela qu’à partir de « Eight Ways », mon frère s’est équipé de matériel pour monter son propre studio. Au-delà du côté financier, cela apporte plus de confort dans l’enregistrement puisque tu peux prendre le temps que tu veux pour mettre tout cela en boîte. Le fait est que tu peux t’offrir les services du meilleur producteur du monde pour te produire, celui-ci réalise une prestation de très bonne qualité, mais ton groupe n’est pour lui qu’un parmi tant d’autres qui défilent dans son studio tout au long de l’année. Ce que je veux dire, c'est que nous sommes les plus qualifiés pour savoir comment notre musique doit sonner. Mon frère pourrait t’en parler des heures même s’il s’est arraché les cheveux à de nombreuses reprises au moment du mixage, c’est un perfectionniste qui peut passer beaucoup, parfois trop de temps, sur un détail. C’est une force aussi !

Au rayon des nouveautés, Anders Lanberg vous a rejoints en 2018, juste avant la sortie de l’album « Marrow ». Que penses-tu qu'il a apporté à l’évolution du son de MADDER MORTEM, notamment avec son expérience au sein de BEYOND INSANITY et EXPLICIT KARMA ?
Son parcours apporte un vrai plus à notre musique. BEYOND INSANTY et EXPLICIT KARMA n’ont en effet pas grand-chose en commun avec MADDER MORTEM et c’est en partie pour cela qu’il nous a rejoints. Il te suffit d’écouter le morceau "Towers", pour lequel il a sorti quelques riffs mémorables, pour t’en rendre compte. Son apport est une bouffée d’air frais, surtout pour mon frère et moi qui avons le nez dans le guidon depuis plus de 25 ans dans notre musique. C’est également un très bon guitariste qui s’intéresse à la technique, au matériel, bref à tout ce qui touche à son instrument fétiche. On pourrait même le qualifier de véritable expert de la guitare !

Revenons deux décennies en arrière, le tout premier album de MADDER MORTEM, « Mercury », est paru en 1999 sur le défunt label Misanthropy Records qui était très influent sur la scène metal extrême de l’époque. Quels souvenirs conserves-tu de cette collaboration ?
De très bon souvenirs. Tout d’abord l’offre qu’il nous ont faite à l’époque était la meilleure. Ensuite, nous savions que les artistes qui collaboraient avec ce label étaient déjà bien en avance sur leur temps par rapport au reste de la scène black metal de l’époque. Je pense à des groupes comme ARCTURUS, PRIMORDIAL, VED BUENS ENDE ou encore ...IN THE WOODS. Bien sûr il y avait aussi BURZUM, qui pour moi était un simple idiot du point de vue de ses idées politiques, mais dont la musique avait quelque chose d’unique. Tiziana Stupia, la fondatrice de Misanthropy, était aussi quelqu’un d’inspirant, en dehors des modes et qui était toujours guidée par une vision artistique personnelle pour qui l’argent était une notion secondaire. Enfin jusqu’à un certain point (rires).


​Terminons cet entretien avec la traditionnelle question du live : avez-vous des concerts prévus dans les mois à venir pour présenter les titres de ce nouvel album sur scène ?
Avant de te répondre, j’aimerai mettre en lumière auprès de vos lecteurs le coût d’une tournée, d’un concert depuis que la crise sanitaire est terminée. Les coûts ont grimpé en flèche et malheureusement je n’ai aucune certitude de pouvoir réunir suffisamment de fonds pour partir écumer les scènes. En parallèle, nous avons nos boulots à côté puisqu’il faut bien s’assurer de quoi vivre correctement. Que ce soit en tête d’affiche ou en première partie, cela ne me semble pas possible d’envisager quoi que ce soit à court terme. A l’époque où nous étions chez Century Media Records, le contexte était bien différent et le label avait tout intérêt à nous envoyer tourner pour vendre plus d’albums, du merchandising et nous faire connaître. Aujourd’hui, cela a bien changé et nous sommes trop vieux pour endurer des conditions de tournée précaires, dans un tour-bus miteux avec un repas qui n’est pas toujours garanti (rires). Mais nous avons quand même en tête de nous produire cet été sur quelques festivals. D’ailleurs à ce sujet nous avons été confirmé sur deux d’entre eux : l’Inferno Metal Festival quia eu lieu le 30 mars à Oslo et le Prog Power Europe qui se tiendra à Baarlo, aux Pays-Bas, au mois d’octobre. N’hésitez pas à consulter notre site dans les prochaines semaines, peut-être que d’autres dates seront ajoutées !
 


© Madder Mortem - DR

Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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