27 mai 2024, 23:59

CALIGULA'S HORSE + THE HIRSCH EFFEKT + FOUR STROKE BARON

@ Paris (Backstage)

En temps ordinaire, pour se rendre à Paris pour un concert, il faut s’organiser un minimum et prévoir son trajet en fonction des bouchons, ralentissements et travaux en tout genre. Mais depuis la mi-avril, la situation s’est encore détériorée pour les résidents de l’ouest Franciliens. Une fissure assez importante ayant été découverte sur une portion de l’A13 dans le secteur du pont de Saint-Cloud, ledit pont est fermé à la circulation depuis lors dans le sens Paris-province. Ce qui, en termes de logistique, oblige à prévoir un itinéraire bis qui rallonge considérablement le temps du trajet retour. Cependant, on n’allait pas se laisser intimider par une vilaine fissure et risquer de rater l’un des rares passages des Australiens de CALIGULA’S HORSE dans la capitale, la dernière présence des prog-metalleux sur le territoire français remontant à octobre 2018.


Arrivée, une fois n’est pas coutume, en avance sur l’horaire prévu, on en profite pour se dégourdir les jambes et crapahuter jusqu’à la basilique du Sacré-Cœur de la butte Montmartre et prendre un bain de foule touristique. Mais point trop n’en faut : ça devient vite écœurant ces trucs-là et on préfère ne pas s’y attarder. L’ouverture des portes au Backstage By The Mill est prévue à 19h00 pour un début des concerts à 19h30. La soirée étant sold-out, les fans sont déjà nombreux lorsque l’on peut pénétrer dans la salle. En guise d’échauffement, FOUR STROKE BARON, trio originaire des Etats-Unis, propose une musique totalement inclassable, quelque part entre THE CURE, metal progressif et metal gothique, avec une forte présence de samples et une voix constamment déformée par une talk-box. Si la section rythmique est très bonne, le rendu électro sur la voix devient vite lassant, voire pénible. Le son général est écrasé par la prépondérance de la batterie, et le groupe est plongé dans une ombre peu propice à la découverte (comme c’est hélas souvent le cas pour les premières parties). Cela dit, si nous peinons à accrocher à la proposition musicale du combo, une partie des  spectateurs apprécie ce mélange de genres et le fait savoir au groupe qui est ravi d’un tel accueil.


Le changement de plateau donne l’occasion d’observer la dextérité des techniciens qui agissent avec précision et rapidité pour laisser la place au deuxième groupe, THE HIRSCH EFFEKT, autre trio, mais cette fois venu d’Hanovre en Allemagne, qui sert un punk rock / mathcore / artrock très particulier, mais ultra énergique, parfois mélodique, et si l’on n’y comprend rien, le trio s’y entend à foutre un bordel sans nom et une ambiance de dingues. Si le son ne s’améliore que peu, le groupe bénéficie d’un jeu de lumières bien plus étudié le mettant en valeur comme il se doit. Ni une, ni deux, la grande majorité des spectateurs se laissent embarquer dans l’univers du trio et la chaleur monte de plusieurs crans dans la salle. Mention plus qu’excellente pour le batteur Moritz Schmidt qui met tout le monde d’accord avec son groove et sa frappe de malade ! Le trio quitte la scène sous les applaudissements déchainés des spectateurs conquis par cette folie furieuse.

Encore un dernier changement avant que les quatre héros du soir n’investissent la scène à leur tour. Détail de la plus haute importance, comme nous le verrons plus tard : un technicien vient déposer un citron sur une serviette côté jardin, dans le coin réservé au bassiste… La petite scène respire un peu après avoir été encombrée par tout le matériel des musiciens précédents, qui ont dû se contenter, hélas pour eux, d’un espace très restreint. Et l’on se fait la réflexion que CALIGULA’S HORSE mériterait une salle d’une bien plus grande capacité au vu de la qualité constante de leur production discographique. Mais qu’importe puisque le concert de ce soir est complet et que les quatre cents fans présents sont entièrement dévoués à la musique technique, mélodique, puissante, délicate et infiniment riche du combo australien. C’est au son de la guitare du génial Sam Vallen, compositeur et guitariste aussi brillant que discret, que commence le show avec "The World Breathes With Me", extrait du dernier album, « Charcoal’s Grace » sorti en janvier dernier. Dale Prinsse, bassiste de son état, grand gaillard à l’humour décapant, et Josh Griffin, batteur au toucher puissant et léger à la fois, servent les parties rythmiques avec autant de feeling groovy que de sensibilité. Arrive sur scène celui que tous attendent, LA voix de CALIGULA’S HORSE, le charismatique Jim Grey, capable d’alterner au sein d’un même morceau un falsetto divin et gracieux et une voix de poitrine grave, forte et chargée en émotions. Non content, le vocaliste maitrise son propos, mais se révèle aussi un frontman habité, sincère et bourré d’humour. Ainsi, il n’hésite pas à nous apprendre certaines expressions et onomatopées typiquement Australiennes assénées lors de fortes chaleurs, telle ce « Huh » langoureux que le public surchauffé se fait un plaisir de répéter en cœur. Public qui sera, aux dires de Jim, l’un des plus barré et enthousiasmant de toute cette tournée Européenne. Le son est bien meilleur et permet d’entendre distinctement voix et instruments. Quant au light show, s’il n’est pas révolutionnaire, il met bien en valeur les différentes ambiances du concert - et elles sont nombreuses lorsqu’on parle de metal progressif. Les spectateurs sont ultra réceptifs, réagissent au quart de tour, et peu importe si on chante parfois comme des casseroles, on donne de la voix et on mange littéralement dans la main du chanteur qui ne cache pas son plaisir.


L’excellent "Golem" nous donne d’ailleurs l’occasion de hurler à pleins poumons le fameux « Now sing, wreck ! » qui rythme cette chanson ultra groovy. Puis le frontman nous explique que nous allons remonter le temps pour revenir progressivement au présent. C’est donc avec deux extraits de leur troisième disque « Bloom » (2015) que les musiciens enchainent : le morceau-titre "Bloom", suivi de "Marigold", deux incontournables morceaux, fédérateurs et jouissifs. On arrive à la période « In Contact » (2017), l’album qui a vraiment ouvert les portes internationalement au quartet. "Dream The Dead", magique avec la voix de tête de Jim Grey et le solo sublime de Sam Vallen, puis "The Hands Are The Hardest", qui n’avait plus été joué depuis sept longues années. On passe successivement par des moments intenses, dansants, aériens et chargés en émotions. La musique des Australiens est riche de mille détails qui tous s’assemblent dans une belle union et forment un ensemble extrêmement cohérent. Même si les ambiances sont changeantes, tout est fluide et naturel. Le groupe possède une discographie exceptionnelle sans aucun faux-pas. Un sans-faute absolu. On peut d’ailleurs regretter qu’il ait choisi de faire l’impasse sur ses deux premiers opus, « Moments From Ephemeral City » (2011) et « The Tide, The Thief & River’s End » (2013) qui contiennent également leur lot de pépites. Très attendu dans la suite logique de la remontée temporelle, le superbe « Rise Radiant » (2020) sorti en pleine pandémie mondiale peut enfin être dignement représenté sur scène avec pas moins de trois extraits : "The Tempest", "Slow Violence" et "Oceanrise", ce dernier voyant Jim Grey demander au public de chanter avec lui, et la réponse obtenue est tellement positivement bruyante que le vocaliste, lui-même surpris de ce retour plus qu’enthousiaste, n’a d’autre choix que de nous balancer un « OK ! Let’s sing the song ! » hilare (« OK ! Chantons cette chanson ! »).


Juste avant, Jim Grey qui présente tour à tour ses compagnons de route donne l’occasion à Dale Prinsse de prouver qu’il est non seulement un excellent bassiste, mais également un drôle d’oiseau qui fait mille pitreries dans une journée. Ainsi, le musicien récupère le fameux citron et croque à pleine dents dedans (avec la peau !). Pourquoi, me direz-vous ? Juste parce que c’est drôle et qu’il est aussi complètement barré, nous répond le frontman. Le bassiste fou ayant sans doute encore l’acidité du citron sur les papilles, peu de temps après, il manque de justesse de se vautrer sur scène en dérapant sur le retour situé en face de lui. Plus de peur que de mal et encore une occasion pour les fans de s’esclaffer à gorge déployée. L’atmosphère lors de cette soirée est tout simplement exceptionnelle. On baigne dans la bonne humeur, l’amour de la musique et son partage inconditionnel. Nous revoilà en 2024 avec les deux derniers représentants de « Charcoal Grace », "The Stormchaser" et le joyau qu’est "Mute" sur lequel les quatre artistes nous régalent de leur talent : quelle voix, quel solo somptueux, quel final poignant ! Ce moment suspendu dans le temps lorsque la musique, les artistes et les spectateurs ne font plus qu’un, lorsque les âmes s’envolent dans un même élan de générosité qui transcende tout. Magique !


Le groupe quitte la scène sous l’ovation bruyante et méritée du public qui en redemande encore, évidemment. De retour pour le dernier morceau, Jim Grey présente Sam Vallen et nous conte la genèse du groupe, alors qu’ils n’étaient encore que tous les deux à répéter dans la chambre du guitariste. Jamais, dit-il, n’auraient-ils pu imaginer à l’époque se retrouver à Paris en tête d’affiche d’un concert sold-out, et recevant un tel accueil chaleureux. Même si l’on se doute que le discours ne nous est pas réservé exclusivement, et que souvent les groupes nous tiennent les mêmes propos, on ne met pas en doute la sincérité du chanteur, très ému, et qui enchaine par un dernier titre que le groupe n’a plus interprété depuis longtemps, le très beau "Daughter Of The Mountain", issu de « Bloom », qui permet de terminer sur une note hautement poétique. Acclamations fournies et explosives une nouvelle fois pour les quatre membres du groupe qui quittent la scène avec des sourires qui en disent long sur leur gratitude. Tout comme les fans comblés qui peuvent s’en retourner dans leurs pénates le cœur léger, malgré les détours routiers qui grignotent encore un peu plus la déjà courte nuit. CALIGULA’S HORSE fait incontestablement partie des grands, et l’on souhaite de tout cœur que l’avenir s’annonce plus que prometteur pour un groupe amené à devenir un incontournable de la scène prog. Il ne saurait en être autrement tant les Australiens nous éclaboussent de leur talent depuis déjà fort longtemps.


Photos © Axelle Quétier - Portfolio

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Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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