
Voilà déjà quelques années que les bulletins de la défaillante santé de Paul Di'Anno tombent malheureusement sur nos téléscripteurs. Chanteur d’IRON MAIDEN sur le culte 45 tours 3 titres « The Soundhouse Tapes » (1979), les deux premiers albums « Iron Maiden » (1980) et « Killers » et enfin, le mini-album « Maiden Japan » en 1981, Paulo comme on le surnomme revient sur nos radars pour de bonnes nouvelles cette fois, à savoir la sortie d’un album, le premier depuis la fin embrouillée d’avec le groupe ARCHITECTS OF CHAOZ et un très bon mais unique disque en leur compagnie. En 2022, un DVD single était sorti (mais uniquement en bundle avec un t-shirt pour remercier les fans de leur contribution aux frais médicaux engendrés par les multiples opérations qu’il devait subir), ce qui avait permis de découvrir deux chansons que l’on retrouve à nouveau sur ce disque. On parlait alors de ce projet sous le nom de WARHORSE. Or, et tout comme ce fut le cas pour le premier album de BRITISH LION (projet annexe de Steve Harris, bassiste d’IRON MAIDEN), sort ce premier album en bonne et due forme sous le nom de Paul Di'Anno's WARHORSE afin d’associer un nom connu à un groupe qui ne l’est pas. Commercialement parlant, ça se tient. Ayant toujours à titre personnel soutenu l’homme et l’artiste, je n’ai pas eu à hésiter une seule seconde pour me procurer ce disque sorti sur un label indépendant, Bravewords Records. En achetant l’album en direct, une carte postale dédicacée était incluse à l’envoi sans frais et sans supplément de prix, faits assez rares pour être soulignés. Mais que nous est-il donc permis d’entendre sur ce disque ?
Enregistré en compagnie des guitaristes Hrvoje Madiraca et Ante "Pupi" Pupačić au studio Pupi à Split en Croatie où Paul s’est relocalisé contraint et forcé par les opérations médicales qui ont eu lieu là-bas depuis quelques années, l’album contient dix titres dont deux reprises. Ceux du DVD single, "Stop The War", en écho au conflit entre l’Ukraine et la Russie, ainsi que le percutant "The Doubt Within" et son refrain fédérateur. Le propos global ne dépaysera pas les fans de heavy metal de facture classique avec "Warhorse", "Go", "Here Comes The Night" où la voix éraillée de Paul est tranchante à souhait ou la finale "Going Home", des morceaux bien troussés et répondant en tous points au cahier des charges du genre. Sur "Warhorse", on notera la présence de Joe Lazarus à la batterie, fils de Steve Lazarus, ancien responsable du fan-club d’IRON MAIDEN et, accessoirement, ex-beau-frère de Steve Harris. Très convaincante également, la reprise d’un morceau de DEPECHE MODE, "Precious", une relecture metal d’un standard de la synth-pop paru en 2005 sur l’album « Playing The Angel ». Certains pourront s’en étonner mais Paul s’y veut aussi à l’aise que dans le registre agressif qu’on lui connait plus généralement. Mais pour rappel, ce n’est pas la première fois qu’il se frotte à des répertoires et registres vocaux éloignés du sien comme en témoignent les reprises de "Living In America" de James Brown, "Kashmir" de LED ZEPPELIN, "Ain’t Talkin' 'Bout Love" de VAN HALEN ou la musclée "Sleeping Bag" de ZZ TOP enregistrées par le passé et que vous retrouverez aisément sur internet. Anecdotique cependant pour ne pas dire totalement dispensable, "Tequila", ritournelle festive pour le moins, datant de 1958 et interprétée initialement par THE CHAMPS dont on peut aisément retenir les paroles (un unique « Tequila ! » scandé de ci de là), si l’on n’a pas abusé toutefois de la dite-boisson évoquée. Allez, on va dire pour cette fois que c’est fun et bon esprit. Circulez...
Bien que mis en boîte en home-studio, les configurations n’ont souvent de nos jours pas grand-chose à envier aux gros studios classiques d’ailleurs, la production du guitariste Ante "Pupi" Pupačić est musclée et le musicien s’y entend pour faire sonner l’ensemble comme il se doit. S’il n’est pas connu dans nos contrées, ce n’est pas pour autant un perdreau de l’année et il a déjà bien roulé sa bosse au niveau local. Au four et au moulin, il se charge en sus de l’intégralité des musiques et des paroles avec son comparse six-cordiste, Paul se contentant de donner de la voix. Ne cherchez pas à philosopher ou à disserter des heures sur les sujets abordés, les paroles sont assez basiques dans leur ensemble mais le genre de heavy que le groupe pratique n’a jamais été le moteur de sujets à réflexion intense et ce, quel que soient les groupes d’ailleurs. Et puis, avouons-le-nous, ce n’est pas ce que l’on recherche vraiment. En parlant de donner de la voix, Paul y va franchement et, bien que cloué sur son fauteuil, envoie toujours ce qu’il faut. Bien plus qu’en live d’ailleurs ou il est généralement en roue libre et à la peine en fin de set, enchaînant clope sur clope et très souvent sous quelque emprise chimique et/ou éthylique (on ne se refait plus à son âge). Ici, comme il a toujours su le faire par le passé, il est impossible à prendre en défaut et, à ce titre, l’on s’en rend particulièrement compte sur "The Doubt Within" où il alterne entre agressivité sur les couplets, pré-refrain mélodique et refrain en voix de tête qui monte encore très bien jusqu’où il faut. Si la technologie actuelle permet souvent de nos jours de faire "des miracles" (on se comprend), point de cela ici et l’on peut affirmer que l’habillage de sa voix ne sert qu’à rehausser l’ensemble. Pour finir, un clin d’œil appuyé à "Forever Bound", qui nous fera sourire par son petit côté lorgnant vers les compositions récentes de la Vierge de Fer mais qui séduit par son authenticité autant que son efficacité. Et justement, cela nous donne un aperçu plutôt réaliste de ce qu’aurait pu donner sa présence à leurs côtés s’il n’avait été débarqué en 1981. Mais ceci est une autre histoire...
Si, aux premières lectures, l’album se veut anodin, il dévoile au fil des écoutes des nuances et subtilités ainsi que des détails au niveau des arrangements dont il serait dommage de passer à côté sans s’en rendre compte, eu égard aux efforts entrepris pour arriver à ce résultat. En live, impossible de contredire le fait que Paul se repose sur son court mais crucial apport à la légende IRON MAIDEN mais il a toujours su proposer des albums de qualité, bien que certains aient pu à l’occasion se montrer dispensables par rapport à d’autres. Malgré sa courte durée (36 minutes) et le fait qu’il renferme deux reprises en son sein, ce premier album, et l’on n’espère pas le dernier, de Paul Di'Anno's Warhorse est une belle surprise, surtout venant de son chanteur, particulièrement si l’on considère toutes les tribulations qu’on l’a vu traversées ces dernières années. Up the Paul!