Aux Etats-Unis arrive la période de Thanksgiving avec la tradition des remerciements, de la reconnaissance pour les moments de joie. Donc, si l’envie vous en prend, vous pouvez déjà remercier votre trio de l’extrême, non pas pour sa gentillesse, extrême elle aussi, mais pour le bon son qu’il vous fait découvrir tout au long de l’année, pas seulement en ces jours pluvieux mais heureux. Car Crapulax, Clément et Aude ne reviennent pas seulement de la chasse aux champignons : ils vous ont dégoté à nouveau de vraies petites perles à vous mettre sous la dent, creuse ou en or. Pour notre part, nous vous remercions, chères lectrices, chers lecteurs, de nous être fidèles depuis tous ces nombreux épisodes. Nous vous vouons une reconnaissance éternelle !
PERFIDIOUS : « Savouring His Flesh » (Time To Kill Records)
Après un démarrage des plus classiques, comprenez par là un EP (« Cursing The Nazarene » en 2015), suivi d'un premier album (« Malevolent Martyrdom » l'année suivante), la formation italienne de death metal old-school passe la seconde avec ce « Savouring His Flesh » en tous points remarquable.
Composée d'anciens HUSQWARNAG dont on vous avait dit le plus grand bien dans cette rubrique (mis à part leur nom imprononçable...), PERFIDIOUS donne dans le massif et le brutal en digne successeur de SINISTER, DEICIDE et autres CANNIBAL CORPSE. En témoignent ces "Your World Crumbles" et "Master Of Illusions" qui sont des modèles d'efficacité en termes d'agressivité calculée.
Une agressivité qu'on pourrait également qualifier de "condensée" si l'on en juge l'absence totale du moindre solo de guitare (excepté celui, rachitique de quelques secondes, sur "Enclosed In My Vision") et d'une batterie omniprésente qui martèle à tout bout de champ comme sur "A Throne I Build (I Want To Proudly Avenge)".
« Savouring His Flesh » fait en tout cas de ce groupe féroce, rapide et destructeur une bonne raison d'aller vérifier sur scène à quel point ça déboîte !
(Crapulax)
REPURGATOR : « Fovea Inferno » (L'Ordalie Noire)
Parmi les nouveaux espoirs français issus de la sphère du death metal qui flattent vraiment les esgourdes en 2024 figurent dans le peloton de tête les Franciliens REPURGATOR. Avec un nom qu'on retrouverait plutôt dans la pharmacie du coin comme médicament pour régurgiter des glaviots, REPURGATOR semble les balancer d'ailleurs beaucoup plus loin que ses concurrents génériques ("Hammered Skull", de loin le meilleur titre de l'album) avec de jolies couleurs verdâtres fluorescentes et odeurs de vieilles chaussettes en plus ("Blood & Gore", très bon titre également).
Belle puissance de frappe au niveau sonore, donc, belle production qui mérite d'être soulignée : on ne peut rêver mieux comme démarrage que ce « Fovea Inferno » doté qui plus est de splendides performances au niveau des parties solo ("Plague Death", "Blood Frenzy") et de passages mélodiques qui ne dénaturent pas l'aspect brutal de l'ensemble.
Plus fort que tout : leur capacité à dégainer des riffs qui flattent les oreilles comme sur "Gruesome Masterpiece" qui vont, chose certaine, asseoir durablement la réputation des gars de REPURGATOR s'ils continuent dans cette voie. C'est tout le mal qu'on leur souhaite en tout cas.
(Crapulax)
NOIRSUAIRE : « Black Flame Of Unholy Tradition » (Khaoszophy Productions)
Duo français occitan formé en 2022, NOIRSUAIRE provient de l’esprit sombre de N. qui s’occupe de l’écriture des chansons, des guitares et du chant. Il fut ensuite rejoint par le batteur émérite Agravh (BEYOND THE PERMAFROST, ex-ACOD) et à eux deux, ils proposent un true-black metal traditionnel, froid, rapide, incisif. Composé durant l’été 2024 avec, en toile de fond, le terroir pyrénéen et son folklore, l'EP « Black Flame Of Unholy Tradition » n’est en fait qu’un prélude à un album à venir. Avec 4 titres et une intro funeste et mystérieuse, il montre un groupe solide dévoilant le diable qui sommeille en lui et fait vivre la flamme noire d’un black metal old-school et brutal. Les guitares sont acérées, les rythmes sont blastés, les vocaux d’outre-tombe sont maîtrisés pendant 17 minutes ravageuses. Pas le temps de larmoyer, NOIRSUAIRE va droit au but avec un art qu’il maîtrise.
Si les codes sont respectés tant au niveau des visuels que du contenu, ce premier EP montre aussi que les montagnes françaises regorgent d’atmosphères lugubres inspirantes pour une musique sans concession. Ce « Black Flame Of Unholy Tradition » est de bon augure pour la suite. A suivre donc.
(Aude Paquot)
TIME LURKER : « Emprise » (Les Acteurs de L’Ombre)
Après un premier album éponyme en 2017 et un split avec CEPHEIDE deux ans plus tard, c’est sous la forme d'un duo que revient cette année le groupe de black atmosphérique français TIME LURKER. En effet, le multi-instrumentaliste Mick est accompagné sur cette nouvelle « Emprise », de Sotte au chant. Avec 5 titres aussi violents qu’habités, TIME LURKER fait la part belle à un black metal dépressif mais rapide, où les atmosphères mélancoliques ("Poussière Mortifère") rivalisent avec les riffs hypnotiques blastés ("Cavalière de Feu"). Un titre comme "Disparais, Soleil", avec ses arpèges clairs, son rythme lent et sa voix hurlée à la mort, donne la chair de poule. Grâce à son break enchanteur et son atmosphère éthérée, c’est un morceau saisissant et criant de détresse.
Pour terminer l’album, c’est un black metal épique et instrumental qui nous est proposé avec un "Fils Sacré" fouillé et cadencé. Un beau final, martial et heavy. Pour célébrer ses 10 ans d’existence, TIME LURKER propose un album abouti avec « Emprise » et son black metal tour à tour émouvant et vindicatif. Précis et incisif, ravagé mais aussi envoûtant. Une belle réalisation.
(Aude Paquot)
WORMSAND : « You, The King » (Mrs Red Sound)
Originaire de Menton, au sud du Sud de la France, ce trio délivre avec doigté un doom de premier rang qui flirte avec les folles années grunge. Le tout empreint d’une légère touche de sludge, ténébreux comme il se doit. Tout ici fleure bon les mid-tempo envoûtants, les légers dérapages psychédéliques de bon aloi, une finesse mélodique et une richesse de composition qui feront frémir les palpitants les plus exigeants. Mais aussi vibrer les esgourdes de celles et ceux qui recherchent des rythmiques pesantes et autres descentes de toms teigneuses.
WORMSAND opte sur cet album pour un son rugueux, immersif qui le rapproche de certaines formations comme MINSK, BARONESS ou KYUSS dans ses premiers émois. Les 8 titres dispensés ici délivrent des guitares musclées qui naviguent à vue entre calme et tempête. "Progressif" serait d'ailleurs un terme qui irait à WORMSAND comme un gant, dans le sens premier du terme, tant le groupe prend son temps pour trousser des atmosphères de toute beauté ("To Die Alone" en est d’ailleurs le plus bel exemple).
« You, The King » est un kaléidoscope de sensations tout bonnement fascinant, qui n'en reste pas moins une œuvre délicate à assimiler. Mais qui saura prendre la peine de lui confier ses esgourdes se verra récompensé par une immersion dans un monde étrange aux ambiances uniques...
(Clément)
COILGUNS : « Odd Love » (Humus Records)
Les Helvètes sont de retour avec un quatrième album à l’allure de bonne grosse louchée de goudron qui va tartiner et irriter les conduits auditifs, un uppercut qui dévisse la mâchoire avec classe et sans préavis. De vrais refrains bien sentis, des guitares sulfureuses mais aussi des lignes de chant passées au papier émeri : vocifération, action !
Ouais, ça cogne dans les parois et ça donne envie de gueuler « Motherfucker » dans tous les couloirs de l'open space ! « Odd Love » lâche ici un son immersif et rugueux qui attrape les esgourdes en mode 20 000 Lieues sous les Mers avec quelques paliers de décompression dissonants venant de temps à autre rappeler que l’on n’est pas vraiment certain de ce qui se trame vraiment plus bas. Une ligne de basse clinquante, un roulement de tom sec et précis, broum, le riff vrombissant d’une gratte au soin bien grassouillet, presque sludge, se charge du reste. Voilà un modus operandi post-hardcore bien énervé connu qui fonctionne à merveille !
Ajoutez à cela quelques breaks bien sentis, des accélérations judicieuses et, surtout, des vocalises habitées qui se posent habilement sur l’épais goudronnage en règle et vous obtiendrez une ambiance furieuse distillée avec amour. C’est du tout bon... à consommer sans modération !
(Clément)