Le vendredi 16 mai était une date marquante pour la scène metal et rock parisienne : en plus d’être l’un des rares vendredis du mois qui ne tombaient pas après un jeudi férié, quatre concerts exceptionnels se déroulaient en même temps : PALLBEARER jouait à Petit Bain, CASTLE RAT et WITCHORIOUS jouaient à la Boule Noire, le Backstage by the Mill était pris d’assaut par LISATYD pour sa release party ainsi que par LIQUID BEAR et VENUS WORSHIP et le Klub était envahi de doom avec NVAGE, CLEGANE et MAUDITS. Nous aurions aimé pouvoir être à tous ces concerts en même temps et, bien que le concert de la Boule Noire ait été merveilleux à tous égards, nous adressons nos félicitations à tous les groupes qui jouaient ce soir-là et qui font vivre la scène parisienne grâce à leur musique et leur énergie.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les membres de WITCHORIOUS ont le diable au corps. Les photos en témoignent : le flou artistique montre bien qu’ils sont tellement habités par leurs morceaux qu’ils ne tiennent pas en place. Sont-ce des êtres humains ou bien des fantômes qui assurent, concert après concert, des performances aussi mémorables ? On a parfois des doutes tellement Antoine Auclair, au chant et à la guitare, Lucie Gaget, au chant et à la basse, et Paul Gaget, à la batterie, déploient une énergie quasi-démoniaque.
Une fois les préparatifs terminés, le groupe monte sur scène. Commencent alors les riffs de ‘Monster’, morceau qui montre déjà une bonne partie de la maîtrise du groupe : le chant est tantôt clair, tantôt saturé, la batterie se fait de plus en plus intense et assassine au fil du morceau et les parties de guitare et de basse sont assurées avec maîtrise jusqu’au motif musical final qui stoppe le morceau de façon nette. ‘Catharsis’ cueille le public pas encore remis du premier morceau pour mieux l’emporter dans sa rage. Les riffs se font de plus en plus violents, le chant gagne en force et la batterie en rapidité avant que les musicien.ne.s ne ralentissent subitement pour reprendre de plus belle. Le morceau s’achève dans un refrain qui ne s’arrête plus, répétant à l’envi ‘I’m a devil to myself’.

Mais pour un plongeon total dans l’obscurité du doom, il fallait bien le morceau ‘Eternal Night’. Alors que la batterie se fait un peu plus calme en jouant davantage sur les cymbales, les vibrations de la guitare accompagnent le chant clair de Lucie Gaget. Elle ne tarde pas à ajouter à cette alchimie le thérémine dont les notes aiguës transportent encore plus le public dans un monde de fantômes et d’obscurité totale et terrifiante dont on ne peut s’échapper. Dans la même veine obscure, le groupe entame les notes inquiétantes de ‘The Witch’ dont les paroles prémonitoires sont accompagnées de la même maîtrise instrumentale et de la même cohésion entre les membres du groupe pour annoncer une damnation toujours plus inévitable.
Le concert se termine avec ‘Sanctuaire’ et ‘Blood’. Le frontman prend le temps de remercier le public de la Boule Noire de sa présence et rappelle le nom du groupe pour les personnes qui ne le connaîtraient pas encore. Bien que les t-shirts arborés par le public soient plus à l’effigie de CASTLE RAT que de WITCHORIOUS, la salle comble compte quelques fans du groupe qui les soutiennent lors de leurs dates parisiennes. Le refrain de ‘Sanctuaire’ berce le public qui, au fil des morceaux, voit le groupe s’amuser de plus en plus et le frontman crier de plus en plus fort. Après un set sombre au possible, le groupe conclut avec quelques riffs et coups de caisse à l’unisson, le tout mené par le batteur qui a encore de l’énergie à revendre. Les applaudissements pleuvent et le groupe quitte la scène.

Il était une fois, dans un royaume très très lointain, une Reine des Rats (aussi connue sous le nom de Riley Pinkerton, au chant et à la guitare) qui voulait protéger son royaume. À l’aide de ses fidèles acolytes, le Comte (Henry Black qui assure les parties de guitare), le Druide (Joshua Strmic à la batterie) et le Docteur de la Peste (Ronnie Lanzilotta, à la basse), elle se livra à un combat sans merci contre le Rat Faucheur (personnage assuré par différentes performeuses au fil des concerts).
C’est l’histoire à laquelle on assiste pendant un concert de CASTLE RAT. Pour sa première date en France, le groupe n’a pas fait les choses à moitié : c’est une Boule Noire sold out qui l’a accueilli, montrant bien que le public parisien est amateur de doom et demandeur d’histoires de Donjons et Dragons. Les membres du groupe arrivent sur scène costumés et maquillés comme pour une fête médiévale, illustrant à merveille leur fantasy doom metal. Après avoir joué l’un des morceaux déjà cultes du premier album tout aussi culte du groupe sorti le 12 avril 2024, ‘Dagger Dragger’, la frontwoman prend la parole pour narrer l’histoire de son royaume qu’elle et ses compagnons souhaitent protéger à tout prix. Leur ennemi apparaît alors sous la forme d’un rat vêtu d’un body en simili-cuir, de collants en résilles et de chaussures montantes à semelles compensées noires. Le rat est armé d’une faux qu’il n’hésite pas à brandir au-dessus de la Reine des Rats pour la vaincre. Vient ensuite ‘Nightblood’ dont la fin ménage le suspense pour la suite de la soirée. Tout au long des morceaux, les membres du groupe interagissent entre eux et avec le public : bien que le masque du Docteur de la Peste cache son visage, son nez pointu permet (à peu près) de savoir de quel côté de la salle il regarde. Quant aux maquillages terrifiants du Comte et du Druide, ils rendent les grimaces de joie encore plus perceptibles. La Reine des Rats est, quant à elle, concentrée sur son jeu et sa performance scénique. Guitariste, conteuse et comédienne en une seule soirée, il y a de quoi appréhender un peu le concert. Heureusement, le public parisien rend bien au groupe l’énergie dont il fait preuve et le met en confiance.

© Ivane Payen
Afin de ménager un moment de calme entre deux coups de faux, le groupe entonne ‘Cry For Me’. Les lumières cessent de s’agiter et la Reine des Rats chante, accompagnée des deux guitares, quelques vibratos dans la voix pour la chanson la plus douce du groupe. Arrive ensuite un nouveau morceau dans lequel le Druide assure un solo de batterie pendant lequel il semble s’animer d’une énergie démoniaque. Le public accueille ce morceau (comme tous les autres) avec joie et enthousiasme. Nouvel interlude musical avant que le cri de la frontwoman au début de ‘Fresh Fur’ ne résonne dans la Boule Noire. Les riffs sont plus lourds, le calme n’était là que pour annoncer la tempête à venir. Alors que le Druide fait résonner les caisses et les cymbales de sa batterie, les guitaristes et le bassiste jouent à l’unisson ou assurent les mélodies qui accompagnent le chant réverbéré de la Reine des Rats. Les riffs sont bons, chaque musicien a droit à quelques moments de mise en lumière, montrant que le groupe fonctionne comme une bande d’ami.e.s basée sur la solidarité et l’admiration mutuelle. Se déroule ensuite un nouveau chapitre de l’histoire : le Rat Faucheur s’approche de la Reine des Rats qui s’empare de son épée. Le combat à mort voit le Rat vainqueur quitter la scène en laissant la Reine au sol, morte. Heureusement, dans chaque jeu de rôle plein de rebondissements, le Maître du Jeu prévoit des solutions. Le Docteur de la Peste sort alors une fiole de sa poche et la fait boire à la Reine. Miracle ! Elle revient à la vie ! La potion a un effet quelque peu radical et la fait courir de gauche à droite sur scène, elle sautille et sursaute, puis régurgite une partie de la potion sur le bord de la scène avant de se redresser et de reprendre sa guitare pour les deux derniers morceaux du set. Encore une belle surprise : ce sont deux nouveaux morceaux qu’offre le groupe au public de la Boule Noire. Tout aussi bien accueillis que les morceaux précédents, ceux-ci laissent présager un deuxième album prochainement. Un dernier combat entre la Reine des Rats et le Rat Faucheur et le public quitte la scène sous les applaudissements et les cris de joie du public.
Après le concert, la salle se vide petit à petit et les groupes prennent le temps d’échanger avec le public, WITCHORIOUS depuis le stand de merch et CASTLE RAT depuis la salle pour prendre la mesure de l’adhésion du public après cette première rencontre. C’est l’occasion de discuter, prendre des photos et remercier le public pour son énergie. Les imbéciles diront que CASTLE RAT capitalise sur la plastique avantageuse de la frontwoman pour assurer son succès. Les connaisseur.se.s sauront que le groupe déploie des trésors d’énergie et de mise en scène immersive pour proposer un show qui plaise à la fois aux oreilles et aux yeux avec des costumes et des maquillages travaillés, des mélodies accrocheuses et des histoires à suspense dignes d’un très bon jeu de rôle.
