
Lyon peut s’enorgueillir d’une scène metal et hardcore bien représentée. Avec son nouvel album « Diary », KAMIZOL-K compte bien encore amplifier le rayonnement. 12 chansons puissantes, comme les pages d'un journal intime, où chaque riff, chaque cri, chaque silence raconte une histoire émouvante. Échanges avec Marie, l’une des deux voix du groupe.
Pour commencer, parlons de l’arrivée d’Anthony à la batterie et le fait que ça ait pu influencer « Exile » et ce nouvel album…
Marie : Il est arrivé en 2019 et ça a clairement poussé Kevin à aller plus loin dans les compositions, en lui permettant de n’avoir aucune barrière. Soit Antho reprenait les parties de batterie en les faisant à sa sauce, soit il n’y avait pas de limite à se demander si les choses seraient possibles à faire. Ça a complètement changé le potentiel pour "mettre la patate". C’est vrai que sur « Exile », on ne le sent pas trop parce qu’il y avait encore des parties composées avec l’ancien batteur, mais sur « Diary », c’est 100% la batterie d’Antho.

Le mot "liberté" se ressent bien au fil de l’album, parce qu’il y a 12 pistes qui offrent des couleurs très variées. On n’est pas simplement dans du hardcore pur et dur, n’est-ce pas ?
Ah clairement ! Sur "Shadow’s Dance", tu as carrément du black metal à la fin. C’est arrivé comme ça, mais c’est aussi un clin d'œil à "Devil Pt" de « Exile ». Sans forcément se concerter, on aime tous ces idées de son sorti de nulle part, mais qui se fond dans la masse. J’aime trop ! Il faut aussi compter sur mes influences louches, avec le "visual kei" par exemple, là où Kevin est plus branché metal ou indus. Il a beaucoup d’influences quand il compose. Souvent aussi, il arrive avec un plan en nous disant « Si vous avez d’autres idées, faites, vous êtes libres ». Eh bien, souvent, Lionel et moi partons sur tout autre chose ! Et c’est ça qui fait que cela change tout : on va créer des refrains là où il n’en voyait pas.
Et au final, qui a le dernier mot ?
Tout le monde ! Quand l’un d’entre nous n’est pas satisfait du morceau, il va le dire de manière constructive. Et en général on part du principe que si lui le voit, c’est qu’il y a matière à chercher comment faire différemment. Au final, on se dit qu’effectivement c’est mieux ainsi. Mais à un moment, on arrête, parce que ça pourrait être sans fin, à coup d’une voix à refaire, un mot à changer...
Le "diary", c’est le journal intime. Les douze chansons ont été pensées pour rentrer dans ce concept, ou bien c’est en ayant le concept en tête que vous avez cherché à organiser les morceaux déjà composés ?
Tout s’est fait en même temps. Au départ, avant « Exile » il y a un personnage féminin qui se réveille dans "Awakening", et on a voulu construire un lore (histoires et traditions autour d’un univers de fiction - NDLR) à son sujet. Nous sommes très axés sur la psychologie, la folie etc... Ce sont des thèmes qui me touchent particulièrement. Sur « Exile » on a ensuite créé des clips qui évoquent l’émancipation du personnage. Elle se libère. Kevin est arrivé un jour en nous disant « j’ai imaginé une suite pour le lore du personnage, la suite va être son journal intime ». Quand il nous a dit ça, j’étais ravie, je suis rentrée directement dans l’idée, en me disant que j’allais vraiment pouvoir m’amuser sur les paroles, parce que je tiens aussi un journal intime si tu veux. C’est comme ça que le concept a démarré, on a vraiment travaillé l’écriture de l’album par rapport à ce lore, et on vient le compléter grâce aux clips des singles. On a laissé des indices dans les clips, tu en as aussi dans l’album, et je suis trop contente. Moi qui adore les jeux RP ("roleplay", jeux de rôles - NDLR), je me suis clairement éclatée ! C’était dur mais c’était trop cool aussi !
Au niveau des clips, il y a une belle progression du nombre de vues entre le premier et le dernier non ?
Alors il faut savoir que pour le premier clip, il y a surtout un gros manque de bol. Notre contenu n’a pas passé les critères de restrictions de Google, parce que "Battle Royal" contient les paroles « you fucking die inside », et on ne peut donc pas avoir la visibilité. Tu peux avoir des mots ou des images censurées. Sur "Nothing Can Stop Me", tu as une arme, du sang, et de ce fait elle est censurée à fond. On a capté le délire de Google et on a adapté un peu nos clips pour que ça passe. C’est pour ça que "Dark Knight" est très bien passé. Et pour "Key", c’était très dur, parce que pendant qu'on travaillait sur la direction artistique, on avait en tête ces risques. Il y avait le mystère autour des costumes, du lore. On voulait un truc typé "horreur", sans rentrer dans le "trop" non plus et très mystique...
Ce clip m’a carrément fait penser au film "The Ring"...
Oui, on voulait grave une esthétique d’horreur à l'ancienne, un peu japonaise. C'est ensuite que j'ai eu l'idée de mettre des fleurs... Il y a des pétales de fleurs dans l’idée de casser le robot, contourner la censure, et puis cela fait une dualité entre horreur et pétales. L’épouvante et la fragilité.
A l’écoute de l’album, j’ai eu le ressenti que Lionel et toi avez vraiment trouvé comment fonctionner en symbiose au niveau des voix. On vous sent en totale complémentarité, là où certains projets proposent des lignes de chant qui se contentent de coexister. Vous l’avez travaillé ?
Je pense qu'en fait c'est à force de composer ensemble, c'est une chose qu'on fait naturellement. On nous l'a beaucoup dit sur cet album-là et moi, par exemple, je ne m'en rends pas du tout compte, mais c'est vraiment quelque chose qui ressort tout le temps. C'est vraiment complémentaire sur cet album, c'est super bien perçu. Nous, quand on écrit les chansons, on part de là : tu as le morceau écrit, il y a toute la chanson dessus et des fois, il n'y a aucune répartition des voix et quand Lionel va travailler par exemple, il dit se « ok, là ça sera Marie qui posera. » Je fais la même chose et après, quand on rentre en studio, Thibault Bernard est là et ça lui arrive parfois d’encore répartir différemment. Donc, tout ce temps ensemble joue un peu sur la finalité, et on ne s'en rend pas du tout compte en cours de route. En fait, je pense que c'est l'habitude de travailler ensemble. Donc, oui, au final c'est vraiment un but qu'on cherche à harmoniser, mais on ne s'est pas dit "on va faire en sorte que ce soit plus additionnel tous les deux". C'est plus lié au fait qu'on pense à deux voix etc...
Est-ce que le fait d’avoir déjà pas mal tourné vous donne aussi cette optique de vous répartir les séquences en vous disant : « ok, là, je vais sauter partout pendant que toi tu vas assurer la voix sur ce passage » ?
Ah, complètement. Je suis beaucoup dans cet univers. Quand on est en train de composer, je m'imagine souvent comment cela va être en live et comment j'écris tel ou tel passage... J'écris beaucoup pour la scène et oui, je me projette souvent. C'est clair que l'expérience joue beaucoup, parce que tu te dis qu’il y a des passages qui sont significatifs. C'est pour ça que tout à l'heure, je parlais des mots… peut-être tu as le poids des mots. Tu ne vas pas crier un mot comme tu vas en exprimer un autre. Tous les mots ne se valent pas et ça n'a pas la même puissance, la même énergie et c'est pour ça que le choix des mots est minutieux sur un refrain ou sur un passage donné. Et bien sûr que c'est orienté vers le live. Je suis à 100% comme ça.

Il y a aussi sur l’album des chansons où vous avez mis des chœurs. Je pense, par exemple, à "Battle Royal" ou "Master Inside". Cela va carrément prendre une autre dimension avec le chant du public en live. C’est ce que vous visez ?
Ça c'est le côté fédérateur qu'on a toujours eu jusqu'à maintenant et on va le conserver, parce qu'en fait, on a un partage avec le public à chaque fois. Et ça nous fait toujours plaisir quand des personnes sont là, en face, et chantent nos morceaux. C'est aussi pour marquer une unicité. En fait, on a toujours eu ce truc dans le groupe de se dire qu’on a un groupe de 6 membres… enfin, on est 5 maintenant (suite au départ du bassiste - NdlR), mais on est un groupe, une unicité. Ce n'est pas juste Marie, juste Lionel, c'est le groupe ensemble et c'est vraiment le clin d'œil pour cela. J’aime qu’on nous identifie comme une entité globale, au-delà des membres.
Cette idée d’équipe soudée me permet d’évoquer le fait que vous avez à nouveau collaboré avec Thibault Bernard pour cet album. Dirais-tu qu’au fil du temps, il accompagne votre évolution ?
Ah oui ! Il apporte sa touche, propose des réarrangements, des idées, et puis on se marre bien avec lui et des fois, quand il y a une idée qu'il ne nous voit pas garder, il nous le dit en blaguant. On comprend alors tout de suite que ce n'est pas bon et c'est trop drôle. Pour nous faire comprendre qu'il n'aimait pas ce qu'on avait mis au niveau des voix, il les remplaçait par des extraits de Patrick Sébastien. Bon et puis en plus, il n’est pas très branché hardcore à la base. Il aime donc apporter un son plus gras, plus extrême, et j’adore. Sa culture musicale va nous ouvrir les oreilles si je puis dire, pour faire évoluer notre musique. C'est un gros travail pour lui. A chaque fois qu'il travaille sur une composition, il nous propose à l'avance des sons de guitare et d’instruments et va faire des tests chez lui, puis nous les envoyer et en profiter pour tester de nouvelles chose. Ça, c'est vraiment bien, parce que j'aime toujours quand il y a de la nouveauté. Tu as toujours cette idée de te dire que si tu fais un truc nouveau, c'est que d'un côté tu es en train de marquer ton identité petit à petit. Et puis, tu travailles avec ton ingénieur du son aussi et ce n'est pas n'importe qui. Le fait de collaborer ensemble depuis un moment nous permet d’être dans l’échange et c’est formidable, sachant qu’ensuite, c’est aussi lui qui va nous accompagner en concert. Il sait forcément comment mettre en valeur notre son.
J’aimerais parler plus en détails d’un morceau de l’album qui m’a beaucoup plu, c’est "Mrs Vengeance"...
Tu tapes dans le mille parce que "Mrs. Vengeance", c'est la base de « Diary ». C’est la musique que Kevin a composée comme la suite de "Stand Up". C’est l’état d’esprit du personnage principal après qu'elle se soit faite attraper, qu'elle se soit échappée et, comme le titre le dit, qu'elle pourrait se venger. C'est complètement la musique qui est construite autour de l'album, c'est le lore de la suite, le cœur de l’histoire.
Avec ce point de vue du personnage… Et puis l’ambiance du morceau est peut-être un peu plus metal aussi...
Oui, c'est ça, elle est vraiment cool. C'est une facette de KAMIZOL-K, celle qui fait le plus metal, mais c'est une des seules de l'album au final je pense. Je trouve qu'elle se marie bien avec la toute dernière, "The End Of Everything", que j'adore et qui, pour moi, est parfaite pour terminer l'album, parce qu'encore une fois ça laisse vraiment des touches de mystère et c'est comme un résumé de ce qui s'est passé pendant les 12 chansons. Je trouve qu’elle fait écho à "Mrs Vengeance", elle est sur le même thème et elle a cette ambiance un peu "déprime".
En parlant de cette chanson qui clôt l'album, elle se termine sur un fondu. Est-ce une manière de nous laisser en suspend pour une éventuelle suite ?
Complètement. Avec les voix qui se fondent pour laisser un peu de mystère, on va dire. Le morceau te résume un peu tout ce qui s’est passé dans l’album, et tu peux te demander ce qui va se produire ensuite. Personne ne le sait à ce stade… enfin, moi si ! (rires) De toute façon, la notion d'album conceptuel, j’adore, tout comme les jeux de rôles, semer des indices aussi. Pendant des mois avant la sortie des singles, on a publié sur nos réseaux plein de stories, de reels qui spoilaient énormément notre album et d'autres choses. Et c'était trop drôle, parce que les gens ne comprenaient pas ce qu'on faisait. Mais maintenant, quand ils me demandent ce qu’est un album concept, ou des clefs pour comprendre notre album, je leur dis d'aller sur notre Instagram, de chercher les réels et là, tu as un spoil incroyable. Je me suis éclatée à mettre des références, des indices, des paroles de musique, des titres, des idées et d'expliquer complètement en quelque sorte. C'est un peu une plongée dans le mental de la femme à ce moment-là. Et tu le retrouves alors sur tous nos réseaux, et ce depuis bien avant la sortie de l'album. Et maintenant qu'il est sorti, tu peux, si l'histoire t'intéresse, aller fouiller nos réseaux et regarder tranquillement ce qui s'est passé avant...
