
Un groupe peut avoir une décennie d'existence derrière lui et choisir pour autant de repartir d'un regard neuf quand il s'agit de se réinventer. C'est ce que propose NEVERTEL, projet metalcore originaire de Tampa en Floride. Il faut dire que "Start Again" est le premier album à paraître dans le catalogue du label Epitaph et à cette occasion le ton est à la fois à la nostalgie des influences qui ont forgé le son du groupe mais aussi résolument tourné vers l'avenir dans une quête de modernité.
C'est en pleine tournée que Raul Lopez, guitariste et voix rap, nous expose cette démarche.
L’album parle de recommencer et la pochette présente ce qui ressemble à des flammes, serait-on dans la référence au Phoenix qui rejaillit de ses cendres ?
Raul : Ouais, alors quand on a décidé de l’artwork, on y a pensé, parce que quand on réfléchit à un nouveau départ, on pense forcément au Phoenix, non ? Comme une renaissance. Nous voulions quelque chose dans cette idée mais également un peu d’abstrait quand tu regardes, pour que ce ne soit pas si évident que ça. C’est pour ça que nous avons vraiment aimé que le blanc l’emporte un peu sur les flammes à ce stade. C’est comme si tu voyais la part rouge de l’artwork se faire estomper par le blanc, là où ça dit « Start Again ». On a pris le temps pour concevoir tout ça et lui donner l’aspect que nous voulions. Je suis ravi du résultat, c’est mortel et ça représente ce que nous pensons que l’album signifie. L’artiste qui l’a fait est aussi celui qui a fait l’artwork de « Afterglow » pour SLEEP THEORY. Nous lui avons transmis notre musique et même quelques dessins que nous avions faits nous-mêmes, ça a été un processus très collaboratif, au fil duquel nous avons pu affiner ce que nous voulions vraiment. A partir du cinquième dessin, nous avons commencé à voir apparaître ce résultat et même si parfois c’est difficile de décrire quelque chose visuellement, ça a été très facile de travailler ensemble.
Quand tu me parles de ce dosage entre le blanc et les flammes, ça m’évoque de suite cet équilibre que j’ai perçu sur l’album entre une ambiance un peu old school à la LINKIN PARK des années 2000 d’un côté et du son très moderne à la BAD OMENS de l’autre. C’est aussi un parti pris pour vous ?
Je crois que nous voulions créer quelque chose d’intemporel. Autant pour « Everything in my Mind » nous avions cherché à sortir des cases et être très créatifs, voire presque étranges, autant pour cet album nous avons voulu parler à l'enfant qui est en nous et revenir à la version de nous-mêmes qui a décidé à 16 ans d’attraper une guitare, si tu vois ce que je veux dire ? Je veux inspirer ce Raul à nouveau. Du coup je pense que nous avons essayé de créer quelque chose d’intemporel pour notre premier gros accord avec un label. Nous avons pris beaucoup de temps pour ça, on est très loin d’un processus sur un an seulement. Si on part du premier morceau que nous avions, il faut remonter à quatre ans en arrière et je dirais donc que le processus créatif pour cet album s’est étalé sur quatre ans.
Tu parles du fait d’avoir été signé par Epitaph, est-ce que ça aussi ça a fait une différence au niveau de la production de l’album ?
Oui, totalement ! Nous avons travaillé avec Johnny Taylor, David Cowell ou Josh Landry et c’était la première fois que nous collaborions vraiment avec d’autres producteurs ou compositeurs, ce qui était dingue. Nous ne l’avions jamais fait avant, nous qui avions toujours tout écrit nous-mêmes, qui nous étions auto-produits… c’était effrayant, mais quand tu trouves les bonnes personnes avec qui interagir et partager une certaine vision proche de la tienne, ça te permet de ne pas rester enfermé dans ta tête sans arriver à terminer certains projets. C’est aussi génial de monter une équipe pour t’entourer et je suis super fier de qui nous avons choisi et de la manière géniale dont les choses se sont faites dans cette équipe.
C’était un défi d’avoir un regard extérieur au groupe aussi ?
Oui, ça peut faire peur. Tu t’ouvres à d’autres personnes et même si tu les respectes, tu ne sais pas si ça va le faire quand il va s’agir d’écrire ensemble. Mais je peux te dire que ces trois personnes avec qui nous avons travaillé sur l’album nous ont totalement cernés et compris. Tout a été fluide. Parfois, tu rentres en session d’écriture et ça ne marche pas. Mais avec ces gars-là, on a tout simplement accroché.
Peut-être que ça a été formateur pour vous aussi ?
Ouais, à 100%. Je pense que je suis maintenant un meilleur producteur et compositeur qu’avant, juste du fait d’avoir travaillé à leurs côtés et d’avoir appris comment ils font. Ils m’ont appris beaucoup de choses que je ne soupçonnais pas et je les utiliserai dès notre prochain album, c’est trop cool !
Du coup, pas d’attente de quatre ans pour voir venir le prochain album peut-être ? (rires)
Non clairement ! J’adore tourner et jouer en live, mais il me tarde déjà de composer de nouveaux morceaux, parce que c’est ce que je préfère.
Plusieurs singles de l’album ont déjà été dévoilés, quels sont les retours que vous en avez ?
Ils sont très bons, c’est dingue ! Le morceau avec SLEEP THEORY marche très bien, tout comme “Good Intention” ou mon préféré “Ever After”. Il y a différentes ambiances sur cet album, chacune pouvant te parler à un moment différent de ton parcours personnel.
Peux-tu m’en dire plus sur “Break the Silence” avec SLEEP THEORY justement ?
Nous tournons avec eux actuellement. Ce sont de très bons amis, je dirais même des frères à ce stade. Nous partageons tout et c’est génial. Quand il leur arrive quelque chose de bien, nous les applaudissons et nous sommes ravis pour eux et ils font pareil pour nous. Je pense que nous sommes meilleurs amis et nous avons toujours voulu collaborer musicalement à un moment. Je ne dirais pas que c’était le moment parfait, mais quand nous avons écrit les bases de “Break the Silence”, ça nous a paru bien de le faire. C’était comme une évidence, donc nous avons prévu du temps avec Dave Cowell et nous sommes allés en studio une semaine ensemble. C’était très fun, c’était fou, mais nous avons créé quelque chose de vraiment mortel.
Vous avez composé l’instrumentale et eux les paroles, c’est ça ?
C’est ça ! Nous avons composé l’instru et notre manager, Steve, qui est aussi le leur, la leur a fait écouter pendant qu’il était en Europe avec eux. J’étais en mode “hey, on travaille sur l’album, écoute cette instru, ça va être mortel !” Et quand je l’ai envoyée à Steve, Cullen (Moore, chanteur de SLEEP THEORY - NDLR) l’a entendue aussi. Il a dit que c’était la bonne, qu’il fallait qu’on fasse notre collab sur celle-là, et c’est comme ça que ça s’est fait.

Et maintenant, vous la jouez ensemble sur scène ?
Oui, chaque soir ! C’est trop cool, les gens deviennent fous !
Concernant les paroles de l’album, elles évoquent des thématiques variées. Comment Jeremy et toi vous les répartissez-vous ? Avez-vous une vision d’ensemble de l’album à ce sujet ?
Jeremy et moi écrivons toutes les paroles et ensuite, comme on en parlait, nos co-auteurs nous ont aidés à affiner ce qu’on voulait dire. Majoritairement ça part quand même de nous deux et pour ce qui est d’un thème général pour l’album je ne pense pas que nous y ayons trop réfléchi. Nous écrivons énormément et quand l’album a commencé à prendre vie nous avons regardé ce que nous avions déjà et nous avons constaté que ça parlait beaucoup de ce que nous traversions dans nos vies, du fait de nous reconstruire. Même si c’est quelque chose dont nous n’avions pas forcément conscience sur le moment, nous avons étrangement écrit là dessus. Ce n’est pas comme si nous nous étions assis en décidant d’écrire sur ci, ça ou ça, mais à la fin en regardant le résultat, nous avons relié les pointillés et c’est là que nous avons compris ce sens de nouveau départ (“start again” - NDLR). Ce n’est pas quelque chose de planifié, tu regardes en arrière et c’est là.
Parlons de “Miles Apart”. Ce morceau contient beaucoup de rap, il est sur la piste 8, ça fait “8 Miles Apart”, c’est une coïncidence ou un hommage à Eminem ?
Wow, je n’avais jamais fait gaffe à ça ! C’est énorme que “Miles apart” soit sur la piste huit effectivement, ce n’est absolument pas fait exprès, mais il me tarde de raconter ton observation aux gars, c’est génial ! (rires) Ce qui est très cool avec ce morceau, c’est qu’on l’a écrit en une seule session d’une journée. Nous savions qu’il était spécial. On est allés en studio et je crois qu’on a commencé sur une guitare acoustique, puis on s’est mis à écrire sans pouvoir s’arrêter. Autant d’habitude ça peut prendre plusieurs jours pour écrire un morceau, autant là ça a été tout sauf difficile. Tout le monde avait des idées, chacun rebondissait sur l’idée de l’autre, on était super excités !
Un autre titre que j’ai particulièrement apprécié, c’est “Icon” avec son rythme typé drum’n’bass et son ambiance changeante…
Il part d’une instru que j’ai écrite. Je me suis inspiré de BREAKING BENJAMIN, dans l’esprit de “Blow Me Away”, leur chanson pour la bande originale de “Halo”. C’est typiquement le genre de morceau qui inspire notre nous de 16 ans, et je parle au nom de tous les membres du groupe. J’ai amené cette instru et on a commencé à écrire dessus, encore et encore. On avait “Dragon Ball Z” en fond sonore et vraiment ça nous a connectés à notre enfance intérieure et c’est pour cela que ce titre est l’un de nos préférés de l’album. On le joue chaque soir et il prend une dimension incroyable. Mais pareil, il a été écrit relativement vite aussi. C’est ce qui peut arriver quand nous sommes dans la même pièce tous ensemble, c’est authentique. Ce morceau et “Ever After” sont dans mes préférés.
J’ai beaucoup aimé “Playground” aussi, elle sonne un peu à l’ancienne et elle propose un solo, elle est un peu à part j’ai l’impression ?
Ouais, on savait que cette chanson allait paraître différente sur l’album et c’est ce que nous voulions. Je pense que NEVERTEL n’est pas un groupe à dimension unique et nous essayons de prendre des risques en faisant des choses étranges. Cette chanson est comme totalement pop. “Playground” c’est une chanson écrite il y a 4 ou 5 au départ, je l’avais en quelque sorte dans la besace. Je l’ai écrite en un jour de mon côté, je l’ai envoyée aux gars et ils l’ont trouvée mortelle. Je n’avais pas forcément l’intention de l’utiliser pour NEVERTEL, mais tout le monde l’a adorée, alors on a gardé cette sorte de morceau pop rock alternatif. C’est accrocheur et fun de l’avis de tous, c’est bon esprit et ça marche bien. Je suis ravi que tu l’aimes bien parce que c’est un peu la piste clandestine de l’album.
Vous êtes en tournée, est-ce que ce morceau fera partie de la setlist et de manière générale concevez-vous les titres dans l’optique de leur faire prendre vie sur scène ?
Je voudrais définitivement jouer ce morceau en live. Et autant avant on n’y pensait pas forcément, autant maintenant qu’on tourne, on réfléchit plus à la question quand on compose. Par exemple, “Criminal” a été pensée sur un tempo propice à faire sauter les gens dans la fosse.
Vous avez aussi l’enjeu d’assembler une setlist cohérente entre vos anciens et vos nouveaux morceaux. C’est facile ?
Tu as raison, ça a été une galère de faire des choix, surtout quand notre set ne nous laisse que trente minutes pour convaincre. Tous ces paramètres, on les découvre maintenant qu’on commence à tourner, c’est très enrichissant. Autant le groupe a dix ans d'existence, autant nous ne tournons que depuis un an et demi, c’est tout frais !
