27 avril 2016, 22:50

LA CHINGA

"Freewheelin'"

Album : Freewheelin'

Comme par hasard, c'est parce qu'on profite d'un petit moment tranquille dans l'avion au retour de Mexico City qu'on s'attaque à la chronique de ce disque reçu il y a peu, et répondant au doux patronyme de LA CHINGA. LA CHINGA - ou "what the fuck" en espagnol.
C'est envoyé parmi les nouveautés d'un colis des aimables Small Stone Records outre-Atlantique que l'on s'est attardé sur cette pépite. Forcément affilié au stoner puisque le label est aujourd'hui l'un des meilleurs et plus dignes représentants, on a affaire ici à un power-trio complètement vintage et ancré dans les années 70's, touche analogique oblige, et univers des plus anachroniques - Ford Camaro, bandanas, pattes d'eph', bongs et rouflaquettes. Le genre de zique pour speed-freaks que l'on aurait aperçu dans "Les Seigneurs de DogTown" ou dans le public du Texas Jam de 1978.

Non non non : pas d'ersatz de KYUSS, de MONSTER MAGNET ou de FU MANCHU ici, surtout pas l'envie de copier un truc aussi évident de la sphère stoner. Plutôt le besoin irrépressible de suivre l'héritage des GRAND FUNK RAILROAD, CACTUS ou MOUNTAIN.
Sans nécessairement passer par la case boueuse et encombrée de BLACK SABBATH. 
Par contre, LED ZEPPELIN, oui. Ca oui. Carrément entre « III » et « Physical Graffitti » même, LA CHINGA singeant à la perfection une production 1970 avec le monumental "Mountain Momma", avec mandoline obsédante, grosse caisse bonhamienne, accords barrés, power-chords tonitruants, groove oppressant, choeurs bucoliques et les vocaux d’un Robert Plant cryogénisé depuis ? Pas loin. Soyez curieux et allez écouter ce morceau, c'est la barre assurée dans le boxer humide. L'intro de "K.I.W." évoque "In My Time Of Dying", avant de muter en autre rock pagien, cow-bell rustique martelée façon sudiste. C'est brut et surtout produit avec honnêteté sans trop de soin superflu, rêche sur les angles.
Ailleurs, on est assommé par un groove complètement speedé, griffé par une wah-wah agressive : "Mother Of All Snakeheads" fusionne le "Good Times Bad Times" du premier ZEPPELIN avec Jimi Hendrix et, plus proche de nous, RADIO MOSCOW, avec son petit effet space-rock, weed hautement chargée en THC oblige. Des morceaux aussi nerveux et répétés après plusieurs jours sans sommeil et grosses doses d'amphétamines comme "White Witchy Black Magic", ou "Stoned Grease White Lightnin'", le genre de truc que Lennt Kravitz pourrait pondre avec tout le talent et l'influence s'il n'était pas une pute calculatrice. LA CHINGA, un pur truc de stoners : "stoners" au sens premier du terme, à savoir ce life-style typique des années 70 de mecs défoncés qui préféraient fumer des joints dans leur bagnole en écoutant à fond des cartouches de Ted Nugent, sans se préoccuper forcément de leur future carrière de comptable ou de courtier en assurances dans le midwest. Complètement anachronique le truc, si authentique et cool : LA CHINGA sont les fils de ces mecs qui n'ont jamais cherché à grandir ni à se construire un avenir factice. Le seul besoin de maintenir tout son petit monde dans cette bulle enfumée d'insouciance délirante, certes limitée à une petite piaule cradingue, un canapé avachi, ou le back-seat éventré d'une vieille Ford bleue électrique cabossée.
Avec LA CHINGA, mille autres univers peuvent aussi convenir : partir en virée dans un vieux combi Wolkswagen avec des nanas en top bikini et short en jean, Coronas à la main ; ou bien rassemblement de bikers dans un rade de campagne hostile, billards, néons clignotants, nanas en top bikini et short en jean aussi, sono vintage qui crache une bande-son assourdissante : la durée de vie des tympans devrait égaler celle du foie, et "Right On" fera l'affaire.

Après un premier album passé complètement inaperçu, « Freewheelin’ » c'est donc dix titres en roue libre, imparfaits mais exécutés avec une passion difficilement égalée par trois dudes de Vancouver, Canada, qui n'ont comme ambition que de vous embarquer avec eux dans leur petite vie décomplexée mais tant fantasmée.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
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