Déjà vint-cinq ans, au jour près, que CARCASS a sorti ce monument du death metal… et force est de constater que celui-ci n’a pas pris une ride, restant à la hauteur de l'engouement qu'il a suscité à sa sortie.
Pourtant sur le papier rien n'était joué d'avance tant le quatuor de Liverpool n'évoluait pas dans les standards de l'époque. Refusant l'uniformisation qui guettait le style, ces férus d’ouvrages médico-légaux ont poussé le metal de la mort dans ses derniers retranchements en lui ajoutant une bonne dose d'accélérations grindesques et des solos simplement magistraux. On sentait également le heavy pointer le bout de son nez, que ce soit sur ces derniers ou sur les pointes de mélodies disséminées ici et là avec parcimonie. Tout cela contribuait à renforcer la dimension hors-normes de cette œuvre qui compilait, concassait et régurgitait avec un feeling so british tout ce qui se faisait de mieux en matière de metal extrême.
Tenez, prenez les textes par exemple, incompréhensibles pour le commun des mortels puisque rédigés dans un jargon médico-légal inintelligible. Ceux-ci sont portés à un paroxysme de technicité où seuls quelques thanatopracteurs endurcis en perceront les moindres secrets. On imagine sans peine le temps passé par Jeff Walker, préposé à l'écriture, à potasser les ouvrages et documentaires de référence en la matière, arpentant tel un croque-mort affamé les moindres recoins des bibliothèques scientifiques. Et que dire de cet artwork qui plonge l'auditeur dans l'ambiance glaciale et formolée d'une salle d'autopsie, ajoutant par la même la touche d'authenticité que le concept réclamait ici. Martin Nesbitt et Ian Tinton, responsables de la partie visuelle du disque, ont du se sentir biens seuls à manipuler ces clichés, seuls dans leurs ateliers, pour en faire ressortir chaque détail morbide.
Pour en revenir à la musique, le virage death-métallique entrepris ici par nos experts légistes, déjà amorcé sur le précédent « Symphonies Of Sickness », se confirme et y prend même une place prédominante. Ce virage ne tire pas pour autant un trait définitif sur le passé des liverpuldiens puisqu'il leur permet de passer à la vitesse supérieure et ce, dès les premiers riffs du génialissime "Inpropagation", qui ouvre les hostilités. La dynamique est claire : changements de rythmes incessants, innombrables breaks de haute volée, mélodies mortelles, rythmiques décomplexées et surtout solos premium balancés par la paire Steer/Amott qui font de « Necroticism... » une oeuvre à part dans le paysage metallique de l'époque. L'alternance de vocalises graves/aiguës et cette batterie, monstrueuse de puissance et de technicité, n'y sont pas étrangères non plus. Mais ce qui ajoute une note unique, authentique à ce disque, ce sont ces interludes fantomatiques qui font froid dans le dos, délicieux récits d'autopsies d'un réalisme saisissant. Brrr.
L'enrobage sonore de ce bloc sanguinaire est supervisé par l'un des grands noms du death metal, ce bon vieux Colin Richardson, qui sculpte ici avec classe une production idéale, organique et profonde, une référence historique en matière d’agression sonore millimétrée. Just perfect, yes !
Aucune faute de goût n'est donc à déplorer tout au long de ces quarante-huit minutes imposantes où CARCASS n'oublie jamais son passé grind à grand renfort de blasts épileptiques tout en le conjuguant à des mid-tempos death énormes. Une marque de fabrique qui fait de ce disque un monstre d'efficacité et de technicité.
Un monstre... qui a enfanté ici l'un des chefs d’œuvre intemporels du death metal.