23 novembre 2017, 17:41

METALLICA

• "Master Of Puppets" [Remastered Deluxe Boxset]

Album : Master Of Puppets [Ltd Remastered Deluxe Boxset]

C'est pour l'heure le couronnement du chantier pharaonique autour des rééditions opéré par METALLICA depuis son OPA sur son propre back-catalogue, en ayant récupéré par la force les bandes master (master !) chez la major qui l'a historiquement hébergé (Elektra et par conséquent Warner aux US), et en ayant dès lors en 2012 créé son propre label, Blackened Records. Et si cinq années peuvent s'avérer trèèès longues du point de vue d'un fan vorace, le crew de METALLICA n'a pas chaumé : outre la responsabilité d'encadrer les nouvelles sorties du groupe (même si par exemple la distribution et la promo de "Hardwired... to Self-Destruct" restent contractuellement confiées à Warner aux US ou à Universal en Europe), le "petit" label "indépendant" est en charge de développer les rééditions tant convoitées par les collectionneurs et amoureux aveugles du groupe.

Et si vous aviez déjà salivé sur celles de "Kill'Em All" et de "Ride The Lightning" simultanément parues à la fin de l'été 2016, vos papilles risquent fort de se retrouver à sec : une seule sortie cette fois-ci, mais laquelle !!!! "Master Of Puppets" comme vous l'aviez secrètement rêvé - voire davantage encore.

En préambule, cet album culte et définitif, disque phare de toute discographie metal normalement constituée, avait déjà été célébré l'an dernier pour son trentième anniversaire : sous la forme de l'imposant livre "Back To The Front", commandité par le groupe et organisé autour de centaines de documents, photos, set-lists, contrats, cartes postales, etc, collectés autour du récit de la réalisation du chef d'oeuvre, depuis l'ombre du garage courant 1985 jusqu'à la fin de la tournée début '87, tragiquement oblitérée par le décès du charismatique bassiste Cliff Burton, quelque part sur les routes suédoises dans la nuit du 26 au 27 septembre 1986. Ce coffee-table book, copieux, palpitant, vivant et animé par la parole des musiciens, tous longuement interviewés pour en nourrir la narration, était déjà une somme, le livre ultime à posséder, pour qui est passionné par cette période charnière si déterminante dans l'ascension des californiens. 
Après la lecture et la révision de ce chapitre incontournable, place au son et à l'image. Un an après la sortie de "Hardwired... To Self-Destruct", METALLICA offre à ses fans l'un de ses monuments les plus attendus, probablement autant que la sortie d'un nouvel album, même après trop d'années d'attente. 
Ici, version box, "Master Of Puppets" est totalement sublimé : correctement remastérisé, son lifting après trois décennies d'écoutes ultra-répétées n'est pas très impressionnant mais permet au moins de re-dynamiser l'ensemble, sujet à un mastering par conséquent un peu faible à l'époque, par rapport à la sècheresse et à la puissance de sa production initiale, qui sans grande esbroufe de la part de Rasmussen, parvenait à soutenir avec sobriété et force des compositions incroyablement troussées. Doit-on d'ailleurs revenir sur les huit compositions qui émaillent les deux faces originales du 33-tours ??? Cela serait un affront à l'intégrité et à l'honneur des fans de heavy-metal, pour qui ce troisième album est aussi important dans l'Histoire du genre qu'un "Paranoid", qu'un "British Steel", qu'un "The Number Of The Beast" ou qu'un "Ace Of Spades". Débarrassez-vous du superflu, peut-être même de 90% de tous vos disques : jamais vous ne pourrez vivre sans l'un de ces quelques bijoux intemporels - autant vous arracher un membre, voilà ce que coûterait une telle dépossession, une telle lacune. Peut-on imaginer une vie sans la charge de l'introductif "Battery" ? Mmmh ? Sans "Leper Messiah" ? Sans l'éléctro-choc primal de "Damage Inc." ? Et sans scander le refrain aboyé de "Master Of Puppets", sans venir agripper votre air-guitar Explorer et sans se laisser agiter par toutes ces petites secousses frénétiques qui animent chaque nerf de votre corps comme des spasmes épileptiques, mâchoires serrées et poing brandi ? Allons, un peu de sérieux. Sans vouloir à tout prix rentrer dans l'uniformisation, la pensée unique et le diktat, "Master Of Puppets" c'est comme AC/DC : ça fait l'unanimité. 

Alors quand on accueille pour la troisième fois un coffret METALLICA, forgé des mains d'authentiques bâtisseurs, de véritables artisans, et de réels amoureux du travail bien fait, qui plus est responsables de la réactualisation d'une telle oeuvre, on est ébloui par le résultat. Sa masse, son poids, son esthétique. Quel objet ! Et quelle émotion de voir ce disque, en lequel on a tellement cru, sué, headbangué, gueulé et fantasmé depuis sa découverte en cassette (trois ans trop tard, en '89, en ce qui me concerne) ou en 33-tours, aujourd'hui sacralisé dans de tels ornements. 
Passé ce doux plaisir de la convoitise, où le coeur bat en s'apprêtant à déchirer le blister, en hésitant entre la délicatesse et l'urgence hystérique, il est temps de découvrir le contenu, à peine révélé par James Hetfield dans un teaser-spoiler sur les réseaux sociaux, désormais un rituel quelques mois avant la sortie. 
A nouveau, le travail colossal de leur team d'archivistes, validé par le groupe en personne, totalement impliqué par ses propres produits - label oblige -, est remarquable. Ils se sont même surpassés pour cette édition, supérieure tant en qualité qu'en quantité. Oui l'objet est cher, mais mes petits poulets, croyez-moi, vous en allez en avoir pour votre fric.   

Outre la redécouverte de l'album en vinyle, qui saute à l'oeil dès l'ouverture du coffret (la version CD est bien-sûr disponible à l'intérieur), on trouve de suite un double LP inédit qui renferme l'intégralité du concert du 25 mai 1986 à l'Aragon Ballroom, salle mythique de Chicago régulièrement usitée pour y enregistrer des shows radio - les amateurs de bootlegs reconnaitront. Ce sont ensuite pas moins de dix CD qui se succèdent dans les différents emplacements de la box : on commence par de réelles pépites, uniquement destinées aux maniaques du groupe qui trouveront sur deux CD pleins les Rarities, Demos & Outtakes from Lars' & James' Vaults, soit quarante pistes qui dessinent la progression de leurs idées, de simples enchainements d'accords ou de riffs enregistrés individuellement sur des magnétophones, ou des plans entiers exécutés de manière rudimentaire et utilisés comme premières maquettes en amont de l'élaboration plus professionnelle de "Master Of Puppets" à Copenhague fin '85. Un autre CD fait suite à ces ébauches aussi candides que matricielles, à savoir les Rough Mixes From The Vault, issus des captations aux studios Sweet Silence de Flemming Rasmussen - soit les huit morceaux de l'album, dans l'ordre mais pour la plupart sans leurs vocaux ni arrangements, avec un son brut, suivis du véritable inédit "The Money Will Roll Right In", ainsi que de leur cover de "The Prince", une première version du morceau de DIAMOND HEAD ici tentée avant d'être revue trois ans plus tard. Ces trois disques remplis du matériel "intimiste" d'un groupe en train d'écrire son disque le plus mature sont réjouissants, même si la plupart des fans ne l'écouteront probablement pas plus d'une fois - les plus obsédés, eux, viendront se plonger avec davantage de curiosité aiguisée dans cette décortication plutôt poussée des bases de "Master Of Puppets". 
Un autre double-CD vient dévoiler des interviews (radio ou presse, phoners ou face à face) avec les membres du groupe auprès de certains journalistes de la sphère metal internationale lors de la promo de l'album, le plus touchant restant l'un des rares entretiens avec Cliff Burton, à défaut d'être vraiment captivant en terme d'informations. 
Suivent de nombreux lives pour la plupart captés depuis la soundboard lors de la tournée des arenas en première partie d'Ozzy Osbourne au cours de ces longs mois à sillonner tout le territoire nord-américain (Meadowlands d'East Rutherford dans le New Jersey le 21 avril 1986, le Hampton Coliseum de Virginie le 3 août sur deux CD distincts), tandis qu'une sobre cassette audio contient un enregistrement pirate fomenté par un fan suédois à la Solnahallen de Stockholm le 26 septembre 1986... soit le témoignage du tout dernier concert avec Cliff à la basse avant son décès quelques heures plus tard au cours de ce tragique accident de tour-bus. 
La suite s'écrit tout naturellement avec davantage de concerts avec un nouveau CD qui vient annoncer l'arrivée du remplaçant Jason Newsted : sa toute première audition auprès du groupe ("Master Of Puppets" et "Battery"), suivie d'une seconde session avec "Seek And Destroy", "Creeping Death" et "Fight Fire With Fire", puis de sa confirmation en public lors d'un show minimaliste au Country Club de Reseda, en Californie, le 8 novembre 1986. Enfin, le dernier CD témoigne d'une nouvelle soirée en tête d'affiche à la GrugaHalle d'Essen en Allemagne le 25 janvier 1987, alors que METALLICA reprenait enfin sa tournée européenne avec ANTHRAX.
Enfin, un double DVD bourré à craquer vient offrir de bien belles images à l'ensemble : on (re)découvre deux concerts complets dont on connaissait déjà quelques légendaires extraits sur la première home-vidéo du groupe "Cliff'Em All" sortie en novembre 1987 (le show de la Joe Louis Arena à Detroit le 4 avril 1986, mais aussi celui du Roskilde Festival au Danemark, le 6 juillet '86), mais également l'intégralité d'un concert donné à l'Aioki Kinro Kaikan de Nagoya au Japon le 17 novembre 1986, ainsi que de copieux footage tirés des archives de MTV (presque une heure du programme Heavy-Metal Mania, et d'autres bonus).
A ces archives monumentales s'ajoutent une lithographie dessinée par le graphiste skater Pushead (pour "Damage Inc."), un sachet de badges exclusifs, et surtout un gros hard-book, épais complément à l'ouvrage "Back To The Front" évoqué plus tôt, avec sa bonne grosse centaine de pages de photographies, documents et interviews de proches du groupe à l'époque. 

Qui a dit "et c'est tout ?" ? De mémoire de collectionneur de coffrets depuis des années, et au regard de la manne de boxes commémoratives qui envahissent le marché du disque à des prix prohibitifs depuis quelques années, jamais un "produit" n'était parvenu à un tel niveau d'exigence, de qualité, tant dans le contenu que dans la forme. Ils nous avaient déjà bluffés avec celles de "Kill'Em All" et de "Ride The Lightning", il y aura désormais un avant et un après "Master Of Puppets" - en somme l'histoire a l'air de se répéter... 
Quant au lot de consolation, les plus frileux viendront se contenter de la version digipack trois-CD, avec l'album remastérisé, suivi d'un long best-of des maquettes, démos, chutes de studio et autres lives tirés des diverses sources ici énumérées. Attention, c'est pas mal non plus hein, largement supérieur à bon nombre de rééditions "Deluxe" éditées à la va-vite - mais vous l'aurez compris, les fanatiques de METALLICA ne pourront pas se contenter de cette version light face à l'attrait gargantuesque que représente ce monolithe. 

En bons enfants gâtés que nous sommes, on est déjà impatients de découvrir la suite : à quand la box "...And Justice For All", et celle, que l'on imagine déjà über-colossale, qui viendra couronner la suprématie du groupe avec le "Black Album" au tournant des années 90 ? Et après, l'engouement restera-t-il le même pour les coffrets n°7 et 8, respectivement pour "Reload" et "St. Anger" ? Bien moins pour les albums en soit, mais la garniture autour risque d'être tout aussi savoureuse compte tenu de l'audace du groupe concernant ses choix de concerts, ses prestations originales, et sa soif d'aventures hors du commun. 

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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