En Russie, il y a le froid, la vodka, mais il y a aussi ARKONA qui depuis 8 albums déjà nous emmène dans un monde spirituel, sombre et païen. « Khram » ne déroge pas à la règle et même s'il est plus éloigné des ambiances folkloriques des débuts du groupe, il invite l'auditeur pour un voyage mystique et chaotique sous les yeux dévorants de la déesse Mara.
Car il va falloir faire avec elle, invoquée dès le premier titre "Mantra" ( intro), sorte de rituel incantatoire angoissant où des voix gutturales se font écho, suivies des rythmes de tambours chamaniques et une guimbarde pour un effet encore plus hypnotique. Welcome to the temple !
Puis la tempête déferle avec un "Shtorm" tourbillonant. Morceau black metal intéressant, on y retrouve tous les éléments présents dans les compos précédentes d'ARKONA, c'est-à-dire riffs puissants, rythmique régulière, voix screamée typique de Masha et instruments traditionnels. Pour les puristes, une bonne mise en bouche sans être déstabilisé.
Le schéma n'est pas tout à fait le même sur les 17 minutes suivantes avec "Tseluya Zhizn". En effet, on est sur un morceau beaucoup plus lourd, plus sombre, plus thrash aussi et du coup, moins folk. Le break surprenant vers la dixième minute permettra une transition vers quelque chose de plus conventionnel mais tout de même très obscur et inquiétant de part la lourdeur des riffs et la basse marquée. Les deux dernières minutes aux rythmes de tambours martelés et voix enfantines scandées feront réapparaître le côté païen et folk du groupe. Un véritable frisson !
"Rebionok Bez Imeni" se veut beaucoup plus lent et plus envoûtant avec une mélodie de fond qui reste sensiblement la même tout au long du morceau, une voix claire planante et des passages plus rapides surmontés de claviers et de cornemuse pour plus d'intensité.
Le titre éponyme "Khram" est un bon compromis entre tout ce qui a été proposé avant et il est ainsi assez représentatif de ce qu'est l'album en son entier. Un fond musical lourd et à l'atmosphère sombre, une voix hurlée intense, des riffs acérés ponctués de passages plus mélodiques. Bref, du ARKONA brut et sans fioritures, version 2018.
Entrons ensuite dans un rêve éveillé, ou plutôt un cauchemar non maîtrisé avec l'imposant "V Pogonie Za Beloj Ten'yu" dont l'intro au piano pose une ambiance froide mais romantique, voire éthérique. Mais la douceur du départ laisse peu à peu la place à un déferlement de riffs rapides et de hurlements frénétiques laissant penser que le réveil va être brutal. C'est un morceau fourni en éléments divers et riche d'explorations musicales. Une petite perle noire !
"V Ladonyah Bogov" est le morceau païen dans son symbolisme et même sa structure, avec l'alternance de voix screamées et claires, comme un dialogue entre l'homme (enfin la femme ici) et les Dieux. Grâce à la rythmique, les claviers et les effets sonores, on entre pleinement dans le monde d'ARKONA spirituel et plein de sens. Cela peut être déstabilisant car c'est le morceau le moins metal de l'album bien qu'on y retrouve ses codes mais c'est aussi le plus musical. Beau prémisse au dernier "Volchitsa" où la fureur de la louve n'a d'égal que sa beauté mystérieuse. Une clôture en toute majesté, sur des rythmes mid-tempo, des claviers envoûtant et une voix claire comme une incantation à la pleine lune dans un ciel étoilé.
Enfin, le "Mantra" d'outro refermera le cercle du rituel sous les mêmes auspices que 70 minutes plus tôt et le cycle pourra recommencer. Car après tant de qualité et d'intensité musicale, on n'a qu'une envie, se replonger dans « Khram », comme envoûté par un sortilège dont on ne veut absolument pas se défaire.
Même si cet album d'ARKONA est plus brutal, moins folk et peut-être moins traditionnel que les précédents, il est tellement riche et plein de maturité qu'on ne peut qu'apprécier son black metal à la fois puissant et original.