Sacré Jeff Grimal ! Voilà que le gaillard, à peine sorti de ses chevauchées lovecraftiennes avec THE GREAT OLD ONES, déclare maintenant sa flamme au blackened hardcore avec DEMANDE A LA POUSSIERE. Jamais lassé d’expérimenter, la preuve avec le premier album de SPECTRALE qui pour le coup joue la carte de l’acoustique et des atmosphères, Jeff sort du chapeau un nouveau projet de groupe qui a de quoi intriguer. D’abord le patronyme pour le moins surprenant tiré du bouquin de la fin des années 30 de John Fante, sans connexion apparente avec l’univers de celui-ci (dixit le groupe dans sa bio), qu’aurait pu s’attribuer un groupe japonais friand d’exotisme européen. Que nenni, la formation est 100% hexagonale et s’articule autour de musiciens chevronnés issus de groupes divers et variés : GLOOMY HELIUM BATH, NERV, MOSHI-MOSHI ou ex-WURM et NO RETURN. Tous animés par la volonté de créer un univers personnel à mille lieues des poncifs du genre. Un bon point pour eux.
Il ne faut d’ailleurs qu’une poignée de minutes pour que le premier morceau, "L’Univers", plonge l’auditeur au cœur de ce fatras poisseux lourdement lesté de sludge et bourré de dissonances pour se rendre compte que l’on a posé les rangers en terrain hostile. Un gros coup de pied occulte qui garantit rubis sur l’ongle son lot de sueurs froides aux amateurs. La section rythmique y est sournoise, addictive se répandant au fond des oreilles telle la marée noire de l’Erika sur les côtes bretonnes. "Le Lendemain" embraye mais ne chante pas, il n’est pas d’humeur, les vocalises écorchées de Jeff y sont lâchées sans manière comme un appel à la révolte tout comme la frappe méthodique de Vincent annihile la résistance un peu plus loin sur "L’unique Certitude" ou "Le Parfum des Cités Perdues". Quelle certitude d’ailleurs ? Aucune, juste cette sensation de désespoir bien réelle qui happe et prend à la gorge.
Quelques instants de répit ("Etranglé" et "Accroché" : allez on fait tourner les serviettes !) parviendraient presque à ramener la lumière au fond du trou dans lequel le quintet se terre. Peine perdue, un ange passe. "360°" lance les hostilités dans un bruit diffus de voix désincarnées qui se muent progressivement en une masse rythmique aux allures tribales. Elle gifle, vrombit avant de disparaître pour de bon en ne laissant derrière elle qu’un sentiment de malaise. Celui-là même qui annonce le triomphe des ténèbres, emportant au passage la raison en guise de lot de consolation. Le verdict, sans appel, tombe après trois quarts d’heures passés dans la pénombre : si les touches black metal et hardcore sont bien présentes, c’est plutôt de sludge/doom goudronneux dont il est question ici. Un étalage de tourments qui constitue le fil rouge de ce premier album et démontre que le quintet parisien n’a pas de leçon à recevoir en matière de noirceur. L'obscur artwork en est d'ailleurs la plus belle illustration : ce visage dissolu constitue-t-il la porte d'entrée vers un outre-monde cauchemardesque ? Une Sainte Couronne baignant dans une mare de sang et de bitume ? DEMANDE A LA POUSSIERE !