7 octobre 2020, 18:30

Eddie Van Halen

• Hommage à l'un des plus grands


Pionnier. Génie. Novateur. Révolutionnaire. Virtuose... Ce sont quelques-uns des substantifs et qualificatifs qui ont accompagné les quarante et quelques années de carrière d'Eddie Van Halen. Mais même si son héritage musical ne disparaîtra jamais, les légendes ne sont pas éternelles. Le créateur de la Frankenstrat n'est plus, emporté le 6 octobre par un cancer, à l'âge de 65 ans. Hommage à l'un des plus grands guitaristes du monde, sans qui la face du hard rock aurait été tout autre.


Pour le grand public, la naissance de VAN HALEN, le groupe, et par extension de son guitariste, remonte à 1984 et à son album du même nom, le sixième des Californiens, avec le hit interplanétaire "Jump". Mais déjà, un an plus tôt, il avait attiré l'oreille de certains avec "Beat It" de Michael Jackson, un des singles les plus vendus de tous les temps, qui tournait en boucle sur les radios du monde entier. Pas de chance pour Steve Lukather, guitariste de TOTO qui a signé les parties de guitare rythmique de ce morceau "crossover", entre funk et rock, on n'aura retenu que le nom d'Eddie Van Halen qui ne joue pourtant "que" le solo de ce troisième extrait de « Thriller ».
Contacté par Quincy Jones, ce dernier avait commencé par croire à un canular et l'avait donc copieusement insulté. Avant de débarquer en studio où, affirment les ingénieurs du son présents, son ampli a pris feu en plein solo ("Eruption" ?). Un peu moins d'une heure plus tard, l'affaire était dans le sac, non sans qu'il ait réarrangé au préalable un passage de la chanson. Eddie, dont le nom ne figure pas dans les crédits et qui n'apparaît pas non plus dans la vidéo, n'a rien touché pour sa participation que l'on qualifiera de très désintéressée... Il était comme ça, le cadet des VAN HALEN. « Je n'ai pas été manipulé. Je n'ai pas été payé parce que je n'ai rien demandé, dira-t-il simplement. Tout le monde, y compris mon manager, m'a traité d'imbécile. Mais je ne fais les choses que si j'en ai envie. »
 


Une façon d'amener la guitare aux masses (incultes en la matière et la plupart du temps indifférentes), en quelque sorte. Mais pour les autres, dont nous faisons partie, il y avait déjà des années que l'on savait que ce Edward-là avait non pas des mains d'argent mais des doigts d'or. Toutes les générations, ou presque, voient l'émergence d'un musicien d'exception. Un pionnier qui révolutionne son instrument. Chez les guitaristes de hard rock ou assimilé, il y a Jimi Hendrix, Ritchie Blackmore, Michael Schenker, Yngwie Malmsteen, Dimebag Darrell, Tom Morello. Et, bien entendu, Eddie Van Halen. Né à Amsterdam aux Pays-Bas en 1955, il a 7 ans quand il débarque à Pasadena en Californie avec ses parents et Alex, son frère de deux ans son aîné. Il semblerait que c'est en partie pour fuir le racisme ambiant dont étaient victimes Eugenia, la mère indonésienne, et leurs deux enfants métis, que la famille a traversé l'Atlantique. 

A la maison, les gamins, qui au départ ne parlent pas un mot d'anglais, baignent dans la musique, Jan, leur père, étant saxophoniste, clarinettiste et pianiste. C'est donc tout naturellement qu'ils prennent des cours de piano. Alex est bon, mais Eddie excelle, même s'il ne sait pas lire le solfège et du coup, se lance parfois dans des improvisations de pièces musicales de Mozart ou de Bach. Ce qui ne l'empêche pas de remporter, quatre années d'affilée, le premier prix au conservatoire du Long Beach City College. Dans les années 2000, il y aura Lang Lang, pianiste concertiste prodige chinois, peut-être aurait-il pu y avoir Van Van (Halen) ? On ne le saura jamais, les frangins découvrant alors le rock'n'roll.

Alex s'essaie à la guitare, Eddie à la batterie. Et puis non finalement, ils échangent leurs instruments. Bien leur en a pris. Ils jouent dans de nombreux groupes (dont TROJAN RUBBER CO., qui emprunte son nom à une célèbre marque de préservatifs), dans lesquels Eddie chante aussi, comme son idole Jimi Hendrix, sans y trouver son compte toutefois. Ils forment GENESIS, qui devient MAMMOTH en 1974, avec David Lee Roth au chant et Michael Anthony à la basse. Le futur Diamond Dave n'avait pourtant pas brillé de mille feux à l'audition, mais l'engager signifiait ne plus payer les enceintes qu'il leur louait. Il n'y a pas de petit profit quand on débute... Et finalement, faute d'être un grand chanteur, il saura devenir un crooner et un showman d'exception (pour les années 80 s'entend).

Le quartet et son guitariste "extraordinaire", comme on dit aux USA, se font rapidement un nom dans les clubs de Los Angeles. Si Eddie n'est pas le premier à pratiquer le tapping à deux mains, c'est en tout cas celui qui va ériger la technique au rang d'art. Et il joue si fort sur son ampli Marshall que les clubs où ils se produisent lui demandent de le couvrir, de baisser le son, bref, de faire quelque chose. Conscients du niveau (pas que sonore) de leur guitariste, les trois autres musiciens lui conseillent de ne pas trop en montrer en live, histoire de ne pas se faire piquer ses plans tant qu'ils n'ont pas un contrat. Il lui arrivera même d'ailleurs d'interpréter certains passages, dos au public... C'est David Lee qui aurait proposé au groupe de changer de nom. Le « puissant VAN HALEN » (« the mighty VAN HALEN » en V.O.), comme il sera surnommé, est né. Et, comme on dit, le reste appartient à l'histoire.

Première démo réalisée par Gene Simmons de KISS, premier album éponyme d'anthologie sorti chez Warner Bros. Records, avec "Eruption", ce solo qui, en moins de 2 minutes, redéfinit ce qu'il est possible de faire avec une six-cordes. « Pendant l'enregistrement, je suis arrivé en avance un jour et j'ai commencé à m'échauffer vu que l'on avait un concert le week-end et que je voulais répéter mon solo, racontera Eddie en 1996 à Guitar World. Ted Templeman, notre producteur, est passé par là et m'a dit : "C'est quoi ? Il faut l'enregistrer !". Je l'ai joué deux ou trois fois pour l'album et on a gardé la meilleure prise. Ted et Donn (Landee, l'ingénieur du son) ont trouvé ça bien et tout le monde était d'accord pour qu'il figure sur le disque. Mais j'ai fait une erreur à la fin. Et à chaque fois que je l'entends, je me dis : "J'aurais pu mieux faire". »

En 1983, VAN HALEN se produit en tête d'affiche de l'Us Festival en Californie devant quelque 200 000 spectateurs. L'image n'est pas au top, mais Eddie, qui atomise la concurrence, si. Shredder, vous avez dit shredder ?
 


Paradoxe, « Van Halen » en général et "Eruption" en particulier donnent aussitôt envie à des centaines de milliers d'apprentis-musiciens de s'acheter une guitare, mais aussi de la revendre tant il se révèle intouchable. D'autant plus que le monsieur, tout sourire, joue façon "même pas mal"... Quarante-deux ans après sa sortie, le "big rock" de la carte de visite des quatre hommes n'a pas pris une ride, ni au niveau des compositions, ni au niveau du son. Un monument du rock électrique qui pose les préceptes de ce qu'est l'album parfait, mélange de mélodies, de technique et de gros refrains, qui réussit l'exploit de terrasser le musicien qui chipote et le simple fan. Une recette souvent imitée, rarement égalée.
 


En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, VAN HALEN devient un groupe superstar dans son pays natal (enfin, d'adoption pour les frangins VH), Eddie est proclamé nouveau messie de la guitare et les quatre hommes ne s'aventureront d'ailleurs que rarement en terres européennes. Et puis arrive « 1984 », leur sixième album. Le summum de leur carrière commerciale qui, évidemment, voit un certain nombre de fans de longue date hurler à la mort, le guitariste prodige ayant, selon eux, commis l'irréparable en intégrant des synthés à de nombreuses chansons. Et pourtant, comment résister à "Hot For Teacher", "Panama", "I'll Wait", "Drop Dead Legs" et même "Jump" que l'on a certes beaucoup (voire trop) entendue mais qui demeure un hit intergénérationnel ? « La première fois que Dave a écouté "Jump", il m'a dit que j'étais un guitar-hero et qu'il ne fallait pas que je joue des claviers, confiait Eddie, goguenard, à Guitar World en 1994. Je lui ai répondu que si je voulais jouer du tuba ou siffler avec mon cul, je le ferais. » Finalement, il continuera plutôt à faire de la magie avec ses doigts.
 




Mais les problèmes d'alcoolisme et de drogues du guitariste et l'ego surdimensionné de DLR ne font pas bon ménage et le showman décide de partir exercer ses talents en solo. Il est remplacé en 1985 par Sammy Hagar, grand chanteur, mais tellement moins showman que son prédécesseur. Un changement radical d'image et d'approche de l'esprit VAN HALEN, désormais plus commercial, plus calibré pour les radios, mais toujours emmené par les fulgurances de son guitariste et, évidemment, tout le talent de son incomparable paire rythmique dont on n'a pas assez souvent chanté les louanges. Rebaptisée VAN HAGAR par certains, la formation enregistrera quatre albums qui remporteront un beau succès aux USA, avant que l'ex-MONTROSE ne quitte le groupe.
 


S'ensuivront une regrettable erreur de casting avec l'ex-EXTREME Gary Cherone le temps d'un unique album, « Van Halen III » (1998), une lucrative tournée de reformation avec David Lee Roth en 2007-2008, avec Wolfgang Van Halen, fils unique et préféré d'Eddie à la basse, Michael Anthony étant tombé en disgrâce. Puis ce qui sera l'ultime réalisation de VAN HALEN, « A Different Kind Of Truth » (2012), toujours avec Diamond Dave qui repartira avec eux sur les routes en 2012-2013, avant ce qui sera l'ultime tournée du groupe en 2015. La boucle est en quelque sorte bouclée.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

What a Long Great Trip It’s Been..

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Au cours de ces 20 dernières années, Eddie multipliera les problèmes de santé et les opérations. Atteint d'un cancer de la langue dont un tiers sera retiré lors d'une opération, il sera ensuite hospitalisé pour une diverticulite au côlon et suivra un long traitement pour tenter de venir à bout du cancer de la gorge dont il souffrait depuis six ans. Il a malheureusement perdu son combat le 6 octobre dernier, comme l'a annoncé Wolfgang.

Reposez en paix, M. Van Halen. Et merci pour tout. 2020 est vraiment une sale année…

Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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