La Moldavie, c'est ce petit point sur la carte entre l'Ukraine et la Roumanie, un pays de 33 851km², ce qui en fait le 140e état en terme de superficie, un pays indépendant de l'URSS depuis 1991 et intégré à l'ONU depuis 1992. C'est également le pays le plus pauvre d'Europe en termes de PIB par habitant. Autant le dire, c'est un pays peu connu pour sa scène musicale en dehors de deux horreurs que sont O-ZONE (si, souvenez-vous ! La chanson "Dragostea din tei". Vous l'avez dans la tête ? Ne me remerciez pas) et SUNSTROKE PROJECT, le groupe qui a joué à l'Eurovision et devenu populaire en tant que mème pour son saxophoniste au style particulier. Autant dire qu'on n'est pas dans le haut du panier. C'est de Moldavie que vient INFECTED RAIN, groupe en provenance de la capitale Chișinău et qui a fait preuve d'une belle montée en puissance album après album, d'abord en auto-production puis chez Napalm Records depuis le quatrième (et avant-dernier) album « Endorphin » sorti en 2019. Leur réputation grandissante leur a valu, dès leurs débuts, de jouer avec des cadors comme MÖTLEY CRÜE, DIMMU BORGIR, BEHEMOTH, KATATONIA, SODOM, THE AGONIST ou plus récemment LACUNA COIL et ELUVEITIE. Au sortir de leur tournée américaine avec STITCHED UP HEART et BUTCHER BABIES, INFECTED RAIN a sorti son cinquième album « Ecdysis », qui ne veut pas dire en français "je vais te défoncer la gueule au Scrabble" mais qui désigne la mue des arthropodes, ce moment de mutation leur permettant de changer de forme, de grandir ou d'acquérir de nouveaux organes.
INFECTED RAIN a construit sa réputation sur des prestations scéniques remarquées, sa musique hybride entre nu-metal, metalcore, modern-metal (ainsi qu'un zeste de death mélodique) et sa chanteuse Elena Cataraga, alias Lena Scissorhands, vocaliste badass à la technique impressionnante de richesse et de puissance (et, il faut l'avouer, d'une beauté qui la situe au rang des armes de destruction massives, ce qui pourrait faire rentrer la Moldavie dans la liste noire des pays dangereusement armés). Sur « Ecdysis », INFECTED RAIN reprend sa recette mais pousse tous les potards à fond. Les Moldaves utilisent des nappes de synthés boostées avec certains morceaux dont l'intro laisserait presque présager une espèce d'electro kitschouille avant que les riffs de gratte à la KORN déboulent, précis et armés d'une volonté de fermer la gueule des détracteurs. Lena Scissorhands a encore amélioré son chant (pourtant d'un bon niveau) et se pose comme concurrente farouche à Tatiana Shmayluk de JINJER. Elle alterne entre chant clair, scream hargneux et murmure, débarquant sur chaque morceau telle une boxeuse prête à coller des peignées à toute l'assemblée, y compris à l'arbitre avant même que la sonnerie retentit. Son duo avec Heidi Shepherd des BUTCHER BABIES sur "The Realm Of Chaos" propose un combat sauvage entre deux chanteuses (pour le coup) aux style totalement différents. "Postmortem Pt.1" commence comme de la synthwave sortie d'un slasher des 80's pour d'un coup se muter en machine à casser les nuques. Et si on excepte les intros déconcertantes de "Showers" et de "November" sortie d'un mauvais jeu vidéo, c'est un presque sans faute. La production massive inhérente au registre modern-metal booste à mort les riffs abrasifs de Vidick Ozhog et Serghei Babici, la basse parpaing de Vladimir Babici et les coups de boutoir d'Eugen Voluta. Quant à Lena, elle nous gratifie de quelques moments d'anthologie, que ce soient les refrains immédiats de "November", les purs moments de rage sur "Fighter" ou encore les variations sur "Everlasting Lethargy".
Très singulier dans leur registre, INFECTED RAIN frappe un grand coup avec « Ecdysis », radicalisation de la démarche d'un groupe dont la réputation n'est pas usurpée et qui débute cette année 2022 de la plus belle des manières. En espérant maintenant que, malgré le contexte sanitaire, INFECTED RAIN pourra défendre ce cinquième disque et continuer de faire oublier leurs compatriotes de sinistre mémoire.
