12 mai 2022, 23:59

TOOL + BRASS AGAINST

@ Paris (Accor Arena)

Il s’en est fallu de peu pour que cette date coïncide avec le quinzième anniversaire du dernier passage de TOOL en région parisienne, remontant à l’édition 2007 du festival Rock En Seine. Bien entendu, nous n’omettons pas leur passage en 2019 au Hellfest mais il s’agissait là encore d’un festival et non d’une date pour une tournée en tête d'affiche (pour cela, il faut revenir aux dates données au Zénith de Paris en juin et décembre 2006 pour la tournée promotionnelle de l’album « 10,000 Days »). Jour de fête donc pour les fans de ce groupe presque inclassable et dont on dénombre dans le public bien plus que de simples citoyens de l’Hexagone. Italiens, Colombiens, Anglais, de nombreuses nationalités sont représentées. Qu’ils soient en villégiature et que la présence de TOOL soit opportune ou bien qu’ils aient suivi la tournée du groupe, qu’importe. Mais cela fait plaisir à voir et rappelle "le bon vieux temps" qui semble revenir doucement mais sûrement. Aussi, l’Accor Arena fait le plein. Ou presque. Car ce soir, la configuration des lieux est en mode assis pour la fosse. Personnellement, je n’ai jamais vu cela pour un concert de metal (parlons au sens large du genre) et l’on peut se demander s’il s’agit d’un simple souhait de la production en rapport avec le spectacle prévu, autant sonore que visuel, ou bien pour que cela donne visuellement l’impression d’une salle comble alors que la date n’affiche pas complet, si l’on en parle en termes de fosse debout. Là aussi, qu’importe, car nous ne sommes pas au final dans une manifestation à comptabiliser les personnes présentes avec des chiffres qui diffèrent selon que l’on se place du côté des syndicats ou bien des forces de l’ordre.
 

Les forces de l’ordre, tiens, parlons-en brièvement. L’avertissement aux portes de l’entrée et sur les billets est clair : « Interdiction formelle de prendre des photos ou filmer sous peine d’être reconduit à la sortie ». Et les agents de sécurité vont y veiller. Alors, on peut comprendre l’envie légitime que chacun puisse adhérer au concept des images projetées et de profiter du spectacle qui s’offre à lui à travers ses globes oculaires et ses oreilles uniquement, et non pas à travers un écran de quelques pouces au rendu sonore somme toute pitoyable malgré les avancées technologiques. En cela, nous ne pouvons que donner raison à cet argument. Mais ces dits agents de sécurité passeront tout le concert à faire la chasse aux contrevenants en les pointant avec une torche dont la lumière vive empêche les autres spectateurs qui entourent ces malandrins de profiter pleinement du spectacle justement. Tout le paradoxe est ici et l’interdiction ne se justifie donc pas totalement. Mais passons sur ces petits désagréments pour appuyer là où ça fait mal (là où ça fait du bien vient juste après) : le merchandising. On veut bien être compréhensif jusqu’à un certain point, sachant que les groupes n’ont que peu ou pas tourné du tout depuis deux ans et qu’il faille renflouer les caisses. Mais à 30 € le tour-book (certes composé de très beaux clichés, mais constitué de 10 pages seulement), 40 € le T-shirt, 65 € pour un sweat-shirt et où les set-lists et peaux de batterie dédicacées ont des prix indécents, on se dit qu’il y a un vrai foutage de gueule. Et pourtant, ça se vend. Ce n’est certes pas la foule des grands jours qui se pressent habituellement sur les stands des concerts d’IRON MAIDEN ou METALLICA pour citer de gros vendeurs de merchandising, mais tout de même, on patiente un peu pour prendre son tour. Comme on dit : si ça se vend, pourquoi se priver ?


Mais ce qui nous intéresse vraiment se passe ce soir sur scène. Et c’est au collectif BRASS AGAINST qu’incombe la tâche d’ouvrir la soirée. Formation américaine elle aussi, on la connaît surtout pour ses reprises de standards metal et, plus récemment, pour la mauvaise presse qu’a eue le groupe lors d’une date en novembre dernier pendant un festival où sa chanteuse Sophia Urista n’avait trouvé d’autre moyen pour faire le buzz que d’uriner sur un spectateur qu’elle avait fait monter sur scène. Ce soir, point de pipi et on la remerciera pour sa... retenue. Malheureusement, et malgré un accueil poli (on en a connu des pires), la sauce n’a pas vraiment pris en dépit d’une originalité du traitement, à base de cuivres (“brass” en anglais) principalement. Se succèdent donc pendant 45 minutes des extraits de répertoires d’AUDIOSLAVE, RAGE AGAINST THE MACHINE (trois titres sur les neuf du set), LED ZEPPELIN et... TOOL. Surprenant mais ce sont les titres qui auront le mieux fonctionner sur le public (''Stinkfist'' et ''Forty Six & 2''), pas inintéressants de par la tournure que ces chansons ont prises mais pas transcendants pour autant. En cause, des musiciens que l’on ne sent pas à l’aise dans une aussi grande configuration, hésitants dans la scénographie et l’enchaînement des titres, et une chanteuse effacée, usant parfois de poncifs et attitudes lascives qui n’amènent pas d’eau à son moulin. Dommage et sûrement plus appréciable lors d’un concert dans une salle plus intimiste. Pause pipi de 30 minutes ensuite sauf que l’envie pressante des musiciens de TOOL semblant incontrôlable, ils débarquent au bout de vingt minutes à 21h05 sans tambours... ni trompettes. Set-list


D’emblée, on remarque que le son est très bon (moins qu’au Hellfest à mon goût mais je ne suis pas placé en face des enceintes) et que l’on distingue parfaitement chacun des instruments. Le contraire aurait été un comble, tant en ce qui concerne le guitariste Adam Jones que le bassiste Justin Chancellor ou pour le batteur Danny Carey, Shiva humain des percussions. Bien que les regards se tournent en permanence vers le chanteur Maynard James Keenan (ceux de la presse surtout, le chanteur cultivant un certain mystère et se fendant à l’occasion de mots acérés), évoluant sur deux plateformes en alternance au gré des titres, c’est bien Carrey qui focalise l’attention si l’on se penche sur la musique du groupe et sur le dernier disque en date, « Fear Inoculum », en particulier. Métronome, chef d’orchestre, il mène le groupe à la baguette, ses trois compères se tournant en permanence vers lui pour ce qui est des breaks et enchaînements. Il commence d’ailleurs seul en scène pour l’intro ''Litanie de la Peur'' enchaînée à la chanson-titre ''Fear Inoculum'', ovationné comme il se doit par un public mort de faim de concerts, et de TOOL en particulier en raison de leur rareté.


Les visuels psychédéliques sont somptueux et le light-show pour l’instant assez sobre, lui qui se déchaînera plus tard dans une orgie de lasers et de spots qui s’avancent jusqu’en milieu de fosse, donnant ainsi des éclairages comme il m’a rarement été donné de voir (votre serviteur ayant tout de même près de 600 concerts au compteur). Pas le temps de souffler qu’arrive ensuite l’excellent ''Opiate'', récemment revisité en ''Opiate²'' dans une version rythmiquement étendue, et qui est le plus vieux morceau interprété sur cette date. Avec pas moins de six extraits joués ce soir, « Fear Inoculum », tournée promotionnelle oblige, se taille la part du lion dans le set. Adam Jones est lumineux lors d’un épique ''7empest'' qui fait monter l’aiguille au compte-tours de l’applaudimètre, ''Pneuma'' coupe le souffle et ''Invincible'', dernier titre de la soirée, confirmant que dans leur genre si particulier et à nul autre pareil, TOOL est invincible. Veni vidi vici en somme. Maynard donnera d’ailleurs son "accord" pour que les spectateurs dégainent leurs téléphones pour prendre quelques clichés et filmer ce dernier titre. Mais rewind et ce n’est qu’au bout de 40 minutes que s’ouvre enfin le rideau fait de cordes sur lequel sont projetés les visuels qui apparaissent sur l’écran en fond de scène, donnant ainsi un rendu tridimensionnel aux images totalement hallucinées du plus bel effet, pour que l’on puisse voir les quatre musiciens au naturel, la crête de Maynard exceptée. Les fans les plus anciens seront récompensés par la présence de ''Hooker With A Penis'' et ''Pushit'', tirés de « Ænima » (1996) mais point d’extraits de leur premier album, « Undertow » (après l’EP « Opiate »), au grand dam de certains dont je fais partie (le groupe avait cependant interprété ''Intolerance'' pour les chanceux présents lors de son passage au Hellfest). Ambiance transe tribale ensuite pour ''The Grudge'' (« Lateralus » en 2001), enfonçant le clou d’une section rythmique totalement dévastatrice et rehaussant les interventions fort bien senties d’Adam Jones (qui joue très fort).


Après un intermède de 10 minutes permettant à l’équipe technique de préparer le matériel acoustique pour l’interprétation de ''Culling Voices'', précédée d’un trip mystique orchestré par Danny Carey (''Chocolate Chip Trip") où il est filmé par des effets donnant à son jeu une allure de kaléidoscope géant, TOOL termine donc par l’énorme ''Invincible'', comme dit plus haut, au terme de 2h05 de son (sans compter l’intermède donc). Alors que nombre de ses collègues repoussent encore leurs venues en Europe, on ne peut que saluer le fait que la formation ait annoncé sa présence sans aucun report de leur part. Et chacun de repartir chez lui, hagard mais comblé, après avoir pu (enfin !) revoir ce groupe distillant une magie musicale à l’état pur. Certes, TOOL ne fait pas de prisonniers et on aime ou l'on déteste mais il n’est pas commun d’assister à une communion pareille, où la musique est au centre d’un univers créé pour que l’auditeur puisse s’échapper totalement et de pouvoir lâcher prise sur ce qui l’entoure, un peu comme si le temps suspendait son vol. En cela, on ne peut donc qu’adhérer à une prestation sans fausse note. Si l’on ajoute enfin que Maynard était dans une très belle forme vocale (il a plutôt bien récupéré de la COVID qu’il avait contracté et qui l’avait vu ensuite pendant de longs mois à la peine) bien que n’ayant, comme de coutume, que peu communiqué avec le public, c’est un sans-faute. Mais attend-on de lui des envolées à la Bruce Dickinson (IRON MAIDEN) ? Non bien sûr. TOOL n’est pas là pour la parade mais a su tourner la chose à son avantage en proposant une douzaine de hits. A très vite alors, nous l’espérons tous ! •
Set-list

Portfolios : TOOL / BRASS AGAINST

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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2 commentaires

User
Julien Bré
le 17 mai 2022 à 21:45
Je les avais ratés en 2006, mon dernier concert de Tool remonte donc à 21 ans pour la tourné de Lateralus où j’ai découvert Danny Carey et pendant lequel je suis resté bouche-bée pendant deux heures.
Merci pour cette chronique, j’ai adoré ce concert, je l’ai apprécié en plaisir égoïste m’y rendant seul. Près de la scène sur le côté, j’ai profité des fills impressionnants de Danny avec Adam juste devant moi.
Un son magistral, une interprétation sans faille, pas de communication comme d’hab mais c’est pas grave car on connaît Maynard…. Invincible résonne encore dans mes oreilles, quel groupe fantastique !
Merci Hard Force de m’avoir fait découvrir Tool avec la chronique d’Aenima !!!
User
Jérôme Sérignac
le 18 mai 2022 à 11:27
C'est bien de savoir s'accorder de petits plaisirs égoïstes parfois. ;) Content que tu aies pu retrouver ce groupe sur scène vingt-et-un ans après le dernier concert auquel tu as assisté et que le reportage ait prolongé le ressenti de ce show.
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