12 novembre 2023, 23:59

CAVALERA

@ Lille (Aéronef)


Obligations professionnelles oblige – et oui, le dimanche, certains travaillent ! – j’arrive tardivement à l’Aéronef. Quelle idée aussi de lancer les hostilités dès 18h30 ! Les métalleux ont-ils tant vieilli qu’ils doivent désormais se coucher tôt ? J’entre donc dans la salle lilloise, dont le balcon est fermé, juste avant l’arrivée de CAVALERA (CONSPIRACY). Je râle intérieurement d’avoir manqué INCITE en première partie – je déteste ne pas assister à l’intégralité d’un programme – j’admire le magnifique backdrop, orné du logo d’époque et du fameux démon, me demande ce que les écrans de taille modeste vont bien pouvoir diffuser, quand résonne "The Curse", l’intro du légendaire « Bestial Devastation » où cloches et grognements démoniaques se mêlent en un inquiétant imbroglio. Bienvenue dans les années 80, dans la naïveté des colères adolescentes, satanisme en bandoulière.


Max apparaît derrière son traditionnel micro au pied recouvert de balles, Iggor a déjà pris place derrière son kit. A la basse, le jeune Igor Amadeus Cavalera, qui ne cessera de s’agiter en mode thrasher, à la guitare le sobre et efficace Travis Stone. La foule est dense, compacte, massée juste derrière les barrières. Les fans sont transis d’émotion, ravis de ce voyage dans le temps alors que le groupe assène dans l’ordre les morceaux de son premier EP. "Antichrist", slayeresque en diable, est repris en chœur. Max, t-shirt MOTÖRHEAD une fois sa veste tombée et longs bracelets cloutés, ne semble pas au mieux de sa forme physique mais dégage toujours autant de charisme. Malgré des mouvements parfois empruntés, il arpente la scène, exhorte le public à bouger davantage, réclame des circle-pits par la voix et le geste, avec souvent cette main levée, doigts écartés, qui est comme sa signature.

Même si sa voix semble parfois fragile, les morceaux gardent leur énergie bestiale, leur rage primitive. Quel pur bonheur d’entendre "Necromancer" au riff inspiré et à la lourdeur certaine. Derrière sa batterie, Iggor a lui aussi pris un coup de vieux – comme il est étonnant de le voir porter des lunettes... – mais assure ses parties avec un talent sur lequel les années semblent n’avoir nulle prise ; son solo en attestera un peu plus tard dans la soirée. Comme le concert se déroule chronologiquement, les quatre musiciens quittent la scène après "Sexte Feira 13". Cet inédit, orné d’un solo bien senti, enregistré pour la réédition 2023 des premières salves calaveresques, évoque plutôt l’époque « Roots ».


Le "O Fortuna", tiré du « Carmina Burana » de Carl Orff, prélude présent sur les versions antérieures à 1992 de « Morbid Visions », retentit de toute sa puissance tandis que les écrans rendent hommage à Vania, la mère d’Iggor et Max, décédée le 5 juillet dernier, le jour du passage de SOULFLY à Lille. Le gang revient et lance "Morbid Visions" puis enchaîne avec "Mayhem" qui, s’il s’éloigne désormais de ce qu’il était dans les année 80, demeure poussif. L’intensité monte de quelques degrés supplémentaires avec "Antichrist", repris à gorge déployée par la fosse. Les lights privilégient le rouge, les écrans diffusent des images dérangeantes, de vieux flyers ou d’anciennes photos des Brésiliens ; souvenirs, souvenirs... "War" n’est pas au rendez-vous et c’est une bonne chose avant que le trio de brûlots thrash/death "Show Me The Wrath"/"Funeral Rites"/"Empire Of t The Damned" ne closent le chapitre « Morbid Visions ».

Le groupe, précis dans son jeu et servi par un son de qualité, livre une prestation agressive, presque féroce, porté par une salle en admiration qui en vient à oublier le côté parfois répétitif de ces compositions antédiluviennes. Mais ne manque-t-il pas quelque chose ? Le classique "Troops Of Doom" ? Une hérésie cet oubli ? Bien sûr que non : il est servi en dessert pour clôturer le rappel, juste avant quelques notes de, encore, "Morbid Visions". Max, durant ce bonus, a grattouillé des accords de BLACK SABBATH avant d’opérer un détour du côté de « Schizophrenia » avec un mix de "Inquisition Symphony" et de "Escape To The Void", puis de cheminer au travers de « Chaos AD » le temps d’un medley unissant "Refuse/Resist" et "Territory".

Le bougre, en bon petit coquin, fait ensuite scander à la foule qu’elle vient de voir le « Real Sepultura ». Max et Iggor, seuls sur scène, se donnent une touchante accolade avant de quitter la lumière. Le concert de ce "Morbid Devastation Tour" s’achève ainsi, sur cette image des deux frères, fiers d’avoir revisité leur passé, heureux d’avoir plongé dans leurs vertes années pour offrir à leurs fans les chansons qui sont aux racines du mal.


En quittant l’Aéronef, dans les rues de Lille, mes pensées vagabondes : après une tournée consacrée à « Roots » en 2016 pour les 20 ans de cet album, une autre dédiée à « Benath The Remains » et « Arise » en 2022, à quand le "Chaos AD Tour" pour célébrer mon album préféré de Max and Co. ? « La nostalgie est une valeur sûre chez les vestes à patches », me dis-je... et je me revois en 1993 glisser dans mon discman le CD à l’iconique pochette jaune et bleue...
 

Blogger : Christophe Grès
Au sujet de l'auteur
Christophe Grès
Christophe a plongé dans l’univers du hard rock et du metal à la fin de l’adolescence, au tout début des années 90, avec Guns N’ Roses, Iron Maiden – des heures passées à écouter "Live after Death", les yeux plongés dans la mythique illustration du disque ! – et Motörhead. Très vite, cette musique devient une passion de plus en plus envahissante… Une multitude de nouveaux groupes a envahi sa vie, d’Obituary à Dark Throne en passant par Loudblast, Immortal, Paradise Lost... Les Grands Anciens – Black Sabbath, Led Zep, Deep Purple… – sont devenus ses références, comme de sages grands-pères, quand de jeunes furieux sont devenus les rejetons turbulents de la famille. Adorant écrire, il a créé et mené le fanzine A Rebours durant quelques années. Collectionneur dans l’âme, il accumule les set-lists, les vinyles, les CDs, les flyers… au grand désarroi de sa compagne, rétive à l’art métallique.
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