
Et si, tout simplement, nous venions d’assister à l’un des meilleurs concerts de ces derniers mois ? HIGH ON FIRE a brillé avec son metal qui convoque aussi bien le thrash que le sludge sous le haut patronage d’un MOTÖRHEAD qui aurait copulé avec SLEEP, premier groupe de Matt Pike. Le chanteur-guitariste, côté cour, torse nu tatoué et moustache redneck, assène riffs gras et soli tourmentés entre deux crachats. Son visage porte les stigmates d’un passé difficile, des tourments qu’il semble exorcisés par son chant râpeux qui invoque le fantôme de Lemmy. A ses côtés Jeff Matz, qui arbore à deux reprises la magnifique basse couplée à une guitare vue dans le clip de "Cometh The Storm", harangue parfois le public. Confronté en début de concert à un problème de retour, il reste stoïque : Cody Willis, le nouveau batteur, profite de l’incident pour montrer son talent lors d’un spectaculaire solo tout en lourdeur : le remplaçant de Des Kensel, membre fondateur, est à la hauteur avec son style LED ZEP. Cette péripétie passée, le set, qui a débuté par l’orientalisant "Kranalik Yol", décolle aussitôt. Sans fioriture, pas même un backdrop, le trio, adepte du fameux « de la musique avant toute chose », régale de ses fabuleuses compositions.

Concentrées de lourdeur, zébrées d’éclairs furieux, de grimaces sludge (le long et torturé "Darker Fleece" qui conclut la soirée), elles sont la quintessence d’un heavy metal protéiforme offert avec une justesse et une conviction sidérantes ; quel plaisir d’entendre en live l’intro du définitif "Snakes For The Divine", prélude à une déflagration agressive de toute beauté. « Cometh The Storm », le dernier album de haute volée des Américains, est honoré de cinq pépites, du teigneux single "Burning Down" à la chanson-titre au refrain marquant, à la basse diabolique. Le public savoure, des vétérans qui headbanguent au premier rang aux plus,jeunes qui se lancent dans des pogos enflammés, comme sur le direct "Rumors Of War" ou l’uppercut "Fertile Green", frappé après un round d’observation mené par la batterie. Et comme l’ultra puissant "Carcosa" n’est pas oublié, le bonheur est total ! Sans oublier, la générosité de Jeff Matz qui vient discuter, dédicacer et se faire photographier avec ses fans à peine quelques minutes après avoir quitté la scène. Un grand Monsieur !

En première partie les Belges CROUCH ont récité quarante minutes d’une messe sombre devant l’autel d’AMENRA. La douleur qui se dégage de la musique du trio, massive et fangeuse, se lit sur le visage des musiciens, entre les grimaces d’un batteur possédé et la concentration totale du bassiste. Rampant du stoner au sludge, les compostions étalent leur noirceur, couvrent presque la voix rocailleuse du chanteur d’un linceul de plomb. Écrasante, leur lourdeur répétitive semble viser la transe, la plongée dans un état hypnotique qui ferait resurgir des traumatismes oubliés, des spectres errant aux confins de la conscience. Un rituel aussi beau que ténébreux.
