19 octobre 2024, 18:30

Marina Viotti

"Melankhôlia: In Darkness Through The Light"

Album : Melankhôlia: In Darkness Through The Light

La genèse de cet album remonte en décembre 2017 lorsque le metteur en scène Wouter Van Looy monte un spectacle qui mêle les chansons mélancoliques de John Dowland (1563-1626) aux sons de la musique électronique. Ce projet qui doit déboucher sur des représentations au théâtre de Lucerne, permet à trois musiciens venus de la scène rock, metal et punk de se rencontrer. Il s’agît de la mezzo-soprano Marina Viotti, du luthiste Vincent Flückiger et du multi-instrumentiste, ingénieur du son et producteur Fred Chappuis. A l’issue des représentations, la modernité des compositions de John Dowland se révèle à Marina. C’est ainsi que lui vient le souhait de les mettre en miroir avec ses influences modernes. Pour cela, elle propose à Fred et Vincent, avec qui elle est devenue amie, de créer le projet ''Melankhôlia'' qui lui permet de créer un pont entre ses univers que sont la musique classique, l'opéra et le metal. Elle était loin de se douter que le chemin pour arriver à la sortie de cet album l'obligerai avant tout de gagner sa lutte contre le cancer qu'elle apprend très peu de temps après.

« Melankhôlia: In Darkness Through The Light » est donc le plongeons contraint d’une femme dans les ténèbres pour en ressortir plus rayonnante que jamais, puisque 2024 lui annonce sa guérison, la reprise de sa carrière de chanteuse lyrique, sa participation à la cérémonie des Jeux olympique Paris 2024 aux côtés de GOJIRA et la sortie de ce superbe album composé de plusieurs tableaux regroupant à chaque fois un morceau moderne associé à un titre de John Dowland. Ce voyage commence de manière on ne peut plus sombre. Le prélude composé par Fred Chappuis, suivi de ''Mourn, Mourn, Day Is With Darkness Fled'', symbolise à travers sa voix venue d’outre-tombe, le plongeon dans les ténèbres d’une femme en pleine force de l’âge. En contraste, ''Stay Time a While Thy Flying'' associé à ''Old Man'' de Neil Young, propose le tableau apaisé d’un vieil homme qui profite des derniers instants que lui offre la satisfaction d’une vie bien remplie.

A travers ''Farewell, Too Fair'' et ''One'' de U2, suivi de ''Dear, If You Change'' et ''Nothing Else Matters'' de METALLICA, c’est la mélancolie de l’amour et de ses illusions qui sont abordées. Après l’intermède composé toujours par Fred Chappuis, c’est le thème de la mort et de son acceptation qui est subtilement abordé avec ''Born To Die'' de Lana Del Rey, précédé de ''In Darkness Let Me Dwell''. Toutefois, avec ''Die Not Before Thy Day'' et ''Hurt'' de NINE INCH NAIL, cette acceptation ne signifie pas qu’il ne faille pas vivre jusqu’au dernier jour et se battre malgré les blessures. ''Go Crystal Tears'' et ''Jóga'' de Björk proposent une interprétation apaisée qui rappelle que l’espoir peut aussi renaître dans l’étincelle des larmes. Pour finir, ''Flow My Tears'' parle de rédemption, mais bien au delà de son caractère religieux, ce mea-culpa n’est il pas un moyen de se dire que la victoire contre la maladie apporte aussi une forme de maturité qui permet d’aborder l’avenir plus fort en se disant simplement que maintenant ''ça ira !'' ?

Les puristes pourront toujours arguer que ces quelques lignes n’ont pas leur place dans HARD FORCE. Il est vrai que seul ''Nothing Else Matters'' et ''Hurt'' ont été composés par des groupes de la catégorie metal et ses dérivés et de surcroît sont des ballades on ne peut plus grand public. Cela étant dit, la musique est un langage universel qui, quelle que soit l’époque et les technologies, est basé sur un alphabet composé de douze notes et que ce qui importe au fond, c’est bien plus l’esprit que l’on y insuffle, que les sons que l’on produit. Peu importe, qu’ici ce soit des sonorités acoustiques ou ambiantes qui sont loin du torrent de décibels et de saturation électrique que l’on attend d’un album de hard rock ou heavy metal. Marina Viotti, Fred Chappuis et Vincent Flückiger démontrent ici que maîtriser ces codes, c’est aussi s’abstraire du conformisme et ne nécessite pas obligatoirement de reprendre des chansons estampillées metal. La force de ce style, à travers les décennies écoulées, est d’avoir toujours su défendre ses codes sans jamais enfermer sa créativité dans les carcans de l'esprit. L’intelligence de certaines femmes, toujours plus nombreuses, est de l’avoir compris et de l’exploiter pour exprimer pleinement leur liberté créative. Il ne fait aucun doute que Marina Viotti fait partie de ces femmes qui n’ont pas fini de nous surprendre.

Blogger : Bruno Cuvelier
Au sujet de l'auteur
Bruno Cuvelier
Son intérêt pour le hard rock est né en 1980 avec "Back In Black". Rapidement, il explore le heavy metal et ses ramifications qui l’amèneront à devenir fan de METALLICA jusqu'au "Black Album". Anti-conformiste et novateur, le groupe représente à ses yeux une excellente synthèse de tous les styles de metal qui foisonnent à cette époque. En parallèle, c'est aussi la découverte des salles de concert et des festivals qui le passionnent. L'arrivée d'Anneke van Giersbergen au sein de THE GATHERING en 1995 marquera une étape importante dans son parcours, puisqu'il suit leurs carrières respectives depuis lors. En 2014, il crée une communauté internationale de fans avant que leur retour sur scène en juin 2018 ne l'amène à rejoindre HARD FORCE. Occasionnellement animateur radio, il aime voyager et faire partager sa passion pour la musique.
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