10 novembre 2024, 23:59

DARK TRANQUILLITY + MOONSPELL + WOLFHEART + HIRAES

@ Paris (Le Bataclan)

Après une prestation explosive au Hellfest 2024, il nous tardait de revoir DARK TRANQUILLITY sur scène. Les rois du death metal mélodique « made in Sweden » reviennent en France à l’occasion de leur tournée pour leur excellent nouvel album « Endtime Signals » (2024), avec un passage à Paris ce 10 novembre 2024. Au vu de l’afflux de demandes, le concert a été déplacé de La Machine du Moulin Rouge au Bataclan afin de contenter le plus de fans possible. C’est une salle donc gavée jusqu’à la gueule et chaude comme la braise qui accueille les maîtres de la soirée.

Avant cela, nous avons bien évidemment droit à une mise en bouche particulièrement copieuse, avec pas moins de trois groupes pour animer cette fin d’après-midi. Il fallait effectivement se rendre disponible suffisament tôt car la première partie démarrait à 18h00, avec une ouverture des portes à 17h30. Malgré le léger retard pris dans les embouteillages parisiens (satané trafic qui nous enquiquine même le dimanche !), on arrive à se faufiler prestement jusqu’à la barrière, pour une place de premier choix offrant une vue complètement dégagée sur la scène. Car, c’est bien connu, il n’y a qu’au premier rang que la chroniqueuse assidue aime se poster pour pouvoir par la suite, vous relater au mieux les points forts de la soirée. On en profite aussi pour faire connaissance avec celles et ceux qui nous entourent (Coucou à toi, Aileen, la super fan Guatémaltèque installée en nos contrées). Et on attaque dans le vif du sujet avec les Allemands HIRAES, menés par leur dynamique frontwoman, Britta Görtz, toute de noir vêtue, et queue de cheval haute qu’elle balance en tous sens. Avec deux albums au compteur, « Solitary » (2021) et « Dormant » (2024), le jeune groupe formé en 2020 commence à avoir une belle réputation et un joli bagage.
Le son est brut de décoffrage et la batterie couvre parfois les guitares, mais la voix ultra puissante de Britta porte loin. Elle supporte même aisément la comparaison avec la maîtresse du genre, Alissa White-Gluz d'ARCH ENEMY. Le death mélodique de HIRAES colle bien au thème de la soirée, même si la rythmique s’avère parfois trop monolithique et militaire. On aurait aimé plus de variations. De même, heureusement que la chanteuse assure le show et parcourt la scène de long en large, allant même jusqu’à descendre dans le pit-photo pour un contact rapproché avec les premiers rangs, car ses comparses semblent un peu coincés, plantés comme des piquets et se contentant du headbanging de rigueur. Certes, la scène est quelque peu encombrée avec tout le matériel des groupes à venir, et l’espace est bien restreint pour HIRAES, cependant, la foule réagit plus que positivement aux sollicitations de la hurleuse en chef, avec une flambée d’énergie sur le très bon "We Owe No One", et le dernier morceau, "Undercurrent" avec ses passages en voix claire, qui remportent tous deux l’adhésion du public. Trente minutes passées bien trop vite avec un groupe qui mérite d’être découvert.

Après un premier changement de plateau rapide, ce sont les Finlandais WOLFHEART, le groupe de Tuomas Saukkonen (ex-BEFORE THE DAWN, entre autres) qui entrent en scène dans un décor de circonstance : backdrop aux couleurs sombre du dernier album, « Draconian Darkness » (2024), et pieds de micro ornés de cornes de cervidés, lumières essentiellement bleutées et froides. La musique du groupe crée en 2013 propose un death mélodique typiquement scandinave, avec ce je-ne-sais-quoi en plus qui accroche l’oreille immédiatement. Harmonies de voix, chœurs virils, mélodies prenantes et rythmique variée et menée à fond de train : tous les ingrédients sont là pour séduire ce public avide de gros riffs et de vraies chansons. Et la sauce prend très bien, les Finlandais sachant tenir la scène avec une belle prestance. Tout juste pourra-t-on émettre un bémol sur l’attitude macho-viril-gavé-de-testostérone du musculeux guitariste, Vagelis Karzis, qui se frappe constamment la poitrine façon viking en mal de domination. Pas franchement nécessaire, vu que le musicien en impose déjà par sa stature, sa dextérité et sa voix claire, qui vient compléter joliment celle, bien plus rauque et profonde de Tuomas Saukkonen, sur le très bon "The King". Le frontman, s’il est content de l’accueil attentif reçu, déclare tout de même que c’est bien la première fois qu’il n’y a pas de mosh-pit lors d’un concert de WOLFHEART, que le dernier titre, "Grave", est précisément l’occasion de démontrer le contraire. Le public, pourtant attentif et réceptif tout du long, s’exécute de bon cœur, offrant ainsi aux Finlandais un wall-of-death assez conséquent, dans un joyeux bordel remuant.

Pour la suite des festivités, ce sont les très attendus Portugais MOONSPELL qui arrivent avec leur doom/dark/gothique metal, proposant ainsi une ambiance complètement différente des deux précédents groupes. L’espace scénique est bien plus dégagé dorénavant, laissant ainsi la possibilité au quintette de bouger comme il le souhaite. Le son est puissant mais clair, parfaitement équilibré, et les lumières développent les ambiances au gré du déroulement de la set-list. Imposant par sa présence, le frontman, Fernando Ribeiro, assure des lignes de chant ultra-puissantes et profondes, avec son coffre de ténor. Quant à Ricardo Amorim, comment ne pas tomber sous le charme de ses soli techniques et mélodiques à souhait ? Quel toucher, quelle dextérité ! Les spectateurs entrent dans une ferveur rarement vue qui ne fera que s’amplifier tout au long de la grosse heure de concert impartie. Conscient qu’ils ont tout à y gagner, les musiciens piochent allègrement dans toutes les périodes de leur riche discographie (incroyables "Extinct" et "The Future Is Dark", dansant "Abysmo", incontournable "Alma Mater" et ses « Ohohoh » jouissifs, brutaux et sombres "Night Eternal" et "Finisterra", mélodiques "Breathe (Until We Are No More)", "Everything Invaded"...).
Fernando Ribeiro, en choisissant de s’exprimer en français, accroît plus encore son capital sympathie. Et s’il prétend ne pas suffisamment maîtriser la langue de Molière, chacune de ses interventions chaleureuses nous prouvent le contraire. Et l’ovation récoltée est à la hauteur de la prestation magistrale du groupe. Clôturant son set par "Full Moon Madness", MOONSPELL a mis tout le monde d’accord ce soir, et récolte de la part de tous les spectateurs présents, gradins y compris, des applaudissements tonitruants, qui dureront de très longues minutes. Peut-on parler de standing ovation alors qu’on est déjà debout ? C’est pourtant cette sensation qui vibre dans tout un chacun. Les musiciens, visiblement très touchés de ce bouillonnement d’ondes admiratives prennent le temps de saluer le public, avec des yeux brillants de joie et larmes mêlées.

Bien loin de redescendre, la passion va continuer de s’enflammer avec l’arrivée des maîtres de cérémonie. Le décor en fond de scène présente trois écrans disposés à la verticale, intercalés avec des panneaux de spots qui vont diffuser des ambiances lumineuses et colorées de toute beauté. Devant ce décor se dresse une plateforme sur laquelle se logent la batterie de Joakim Strandberg-Nilsson et les claviers de Martin Brändström. C’est sur "The Last Imagination" issu de « Endtime Signals » (qui sera mis à l’honneur ce soir avec pas moins de six extraits) que DARK TRANQUILLITY fait son entrée, et le public qui ne s’est pas encore remis du passage de MOONSPELL exulte de plus belle. A tel point que les musiciens, sitôt après le deuxième morceau, "Nothing To No One" s’interrompent un moment, incrédules et très émus, pour remercier le public parisien de s’être déplacé en masse et de leur offrir un tel accueil. Une relation passionnée et passionnelle entre la France et DARK TRANQUILLITY qui perdure depuis plusieurs années. Mikael Stanne, le charismatique et si attachant chanteur nous promet une set-list aux petits oignons, avec des nouveautés, des incontournables et des raretés. Effectivement, la géniale "Wayward Eyes" embarque dans sa mélodie un élan de dynamisme supplémentaire, suivi d’une séance de cardio dans la fosse sur la très speed "Unforgivable". Place ensuite à la rareté, un morceau que le frontman déclare n’avoir pas joué depuis des siècles, "Hours Passed In Exile", tiré de « Damage Done » (2002), puis vient le très mélodique et prenant "The Dark Unbroken" et son refrain irrésistible. Encore de belles baffes avec "Final Resistance" et "Cathode Ray Sunshine". Le groupe est dans une forme olympique, et si Mikael Stanne attire tous les regards avec son énergie et son sourire, il ne faut pas pour autant oublier le travail formidable de ses compagnons de scène, tant aux guitares (extraordinaire Johan Reinholdz qui reproduit fidèlement LE son de DARK TRANQUILLITY), qu’à la section rythmique (les discrets Christian Jansson à la basse et Joakim Strandberg Nilsson à la batterie n’en demeure pas moins présents et fournissent l’assise nécessaire au death mélodique du groupe) et les claviers indispensables de Martin Brändström, grand pourvoyeur de mélodies classieuses et accrocheuses.

Et justement, s’il y a bien un tube incontournable dans la discographie du groupe, c’est "Atoma", extrait de l’album du même nom (2016), dont le refrain est repris en chœur par les fans, tout en sautant comme des cabris. L’agitation dans la fosse ne redescendra qu’à la fin du concert, et s’il n’y a pas véritablement de mosh-pit, les slammeurs, eux, ne se privent pas. D’autant plus que Mikael Stanne les encouragent en leur serrant la main à leur atterrissage dans le pit photo. Une chanceuse se verra même invitée sur scène pour danser avec le frontman après le premier rappel, "The Wonders At Your Feet", pendant "Lost To Apathy". Un moment que l’heureuse élue n’est sûrement pas prête d’oublier ! Le concert se déroule, toujours baigné dans cette atmosphère positive et bienveillante. "Shivers And Voids", "Empty Me", "Our Disconnect", les excellents "Phantom Days" et "Not Nothing", à la fin duquel le chanteur nous rappelle l’importance de chaque être vivant, ami, époux, père ou mère, frère ou sœur, collègue ou simple connaissance. « No, we are not nothing ! » (« Non, nous ne sommes pas rien ! ») déclare Mikael, ému aux larmes. Et les spectateurs l’acclament de plus belle. La superbe ballade "Therein" marque la fin du show, avant les trois derniers titres du rappel. Déjà ! Car le temps file à toute allure. On se sent si bien que l’on voudrait qu’il suspende son vol, pour une fois, qu’il s’arrête pour nous laisser encore profiter de ce groupe unique et si généreux. Mais hélas, il faut bien qu’à un moment, la raison l’emporte sur la passion. DARK TRANQUILLITY nous achève avec "Lost To Apathy" et bien sûr "Misery’s Crown". Et une fois de plus, une fois encore, l’ovation est grandiose, déchaînée, passionnée. A voir les visages des musiciens, ils n’en reviennent toujours pas ! Ils prendront le temps, eux aussi, de nous remercier chaleureusement, de distribuer moult médiators, baguettes et poignées de main (la joie indicible de la chroniqueuse qui a réussi à attraper la main tendue d’un Mikael Stanne si touchant !). Mais surtout, ce qui restera à jamais gravé en mémoire sera la formidable image du visage du frontman, son sourire illuminé  et bouleversé à la toute fin, lorsque le public l’acclame par son nom durant de longues minutes. Les « Mikael, Mikael, Mikael... » résonneront encore longtemps sur le chemin du retour après que la salle se soit vidée, et les rues désertées.


Dark Tranquillity © Sly Escapist

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Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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